LUTTE    DE    CLASSES

EN   UNION   SOVIÉTIQUE

PENDANT   LES   ANNÉES   30

 

 

 

 

 

Les purges au sein du Parti Communiste et les procès politiques

 

 

 

 

Mário Sousa

 

2001

 

 

 

 

Avant-propos

 

Les purges ou les exclusions au sein du Parti Communiste et les procès politiques de Moscou au cours des années 30 sont les deux thèmes favoris des patrons de la propagande bourgeoise. Ils sont systématiquement repris dans la presse bourgeoise laquelle présente au public une image mensongère et erronée des purges et procès politiques et de l´Union Soviétique d´alors. L´objectif de cette action est de salir le socialisme et l´Union Soviétique afin d´empêcher les gens d´aujourd´hui d´écouter les communistes et de leur amener à accepter le capitalisme comme quelque chose d´inévitable. Il est par conséquent important d´éclairer ce chapitre de l´histoire de l´Union Soviétique afin de pouvoir à la fois combattre les mensonges bourgeois et comprendre les difficultés que les Bolcheviques rencontrèrent pendant la révolution. La présente brochure est en partie basée sur une étude historique récente menée sur ce domaine particulier de l´histoire de l´Union soviétique. Pour le reste, l´auteur utilise la littérature et les documents remontant aux années 1930 et 1940 lesquels sont tombés dans l´oubli depuis longtemps ou sont tout simplement inconnus de la plupart de gens.

 

Les faits sur la décennie 1930

 

Commençons par dire au lecteur que la décennie 1930 a été en fait une décennie déterminante dans l´histoire de l´Union soviétique. Ce fut entre autres choses pendant cette période que le premier et le deuxième plan quinquennal ont été réalisés et que la collectivisation de l´agriculture soviétique a eu lieu. Le revenu national qui en 1929 était de 29 milliards de roubles augmenta jusqu´à 105 milliards en 1938. Une augmentation de 360 % pendant 10 ans, un événement unique dans l´histoire de l´industrialisme! Le nombre des travailleurs et d´employés augmenta de 14,5 millions en 1930 à 28 millions en 1938. Le salaire moyen annuel des travailleurs industriels augmenta de 991 roubles en 1930 à 3 447 roubles en 1938. Les allocations budgétaires au profit de la culture et des oeuvres sociales augmentèrent de 2 milliards en 1930 à 35 milliards en 1938. Au début des années 1930 toute l´industrie passa jusqu´à 7 heures de travail maximum par jour (moins d´heures de travail par rapport aux mineur par ex.). Mais cette réforme devait être supprimée vers la fin de la décennie 30 à cause des préparatifs de défense contre la menace de guerre de l´Allemagne nazie.

 

Au cours de la décennie 1930, la production augmenta, en Union soviétique, à un rythme jusque-là inégalé dans l´histoire de l´humanité. Au début de cette décennie, la valeur de l´ensemble de la production industrielle atteignit 21 milliards de roubles. Elle dépassa 100 milliards de roubles huit ans plus tard. (Ces chiffres ont été obtenus sur base des pris des années 1926-1927). La production industrielle du pays avait donc presque quintuplée sur une période de huit ans!  Au début de 1930, la surface cultivée pour l´ensemble des plantations était de 118 millions d´hectares. Elle était de 139,9 millions d´hectares en 1938. Au cours de cette même période, le pays avait réalisé la collectivisation complète de l´agriculture, et résolu de gigantesques problèmes liés à la fois à la collectivisation des terres et à la modernisation de l´agriculture. Le nombre total des tracteurs utilisés en Union Soviétique était de 34.900 au début de 1930. En 1938, ce chiffre était de 483.500. Le nombre de tracteurs avait augmenté presque quatorze fois en huit ans! Pendant la même période, les moissonneuses-batteuses augmentèrent de 1.700 à 153.500 et les batteuses à grains de 4.300 à 130.800. 

 

Le développement culturel de l´Union Soviétique a été aussi très rapide au cours de la décennie 1930. Le nombre d´étudiants dans toutes les écoles était de 14 millions. En 1938, ce nombre augmenta jusqu´à environs 34 millions et le nombre de l´ensemble des étudiants, y compris ceux qui étudiaient à temps partiel était évalué à plus de 47 millions! Presque le 1/3 des citoyens du pays prenait part au système scolaire. Au début des années 30, il y avait toujours 33% d´analphabètes en Union Soviétique (67% en 1913). L´analphabétisme fut totalement éliminé en 1938. Le nombre d´étudiants de l´enseignement supérieur avait également augmenté de 207.000 à 601.000, presque un triplement! Le nombre de bibliothèques était de 70.000 en 1938, à comparer avec 40.000 en 1933. La quantité de livres atteignit le chiffre colossal de 126 millions, à comparer avec 86 millions en 1933. Pendant la décennie 30, il y eût une mesure unique qui montre la force idéologique et matérielle de l´Union soviétique ainsi que la volonté de traiter les citoyens du pays de manière juste: L´éducation primaire générale obligatoire fut instaurée sur l´ensemble du pays, dans les langues propres de toutes nationalités du pays. Ceci était un travail culturel colossal, avec un grand nombre de nouveaux livres, des livres pour les enseignants et du matériel didactique dans des langues qui n´avaient jamais jusque-là existé sous la forme écrite. Des livres furent pour la première fois publiés dans plusieurs langues nationales du pays. C´est donc en fonction de cette expérience que la lutte des classes en Union soviétique, au cours de la décennie 1930, doit être jugée. Ayez cette réalité à l´esprit en lisant la présente brochure.[1]

 

Le développement du Parti Communiste

 

Au cours de la décennie 1930, de nouveaux membres affluèrent par millions au Parti Communiste soviétique et prirent une part active dans la production et le développement de la société. Cette grande affluence ainsi que l´augmentation très élevée de la production qui avaient eu lieu n´étaient pas toujours seulement positifs. C’est la raison pour laquelle le Parti était obligé de réévaluer la contribution de nouveaux et d´anciens membres dans le travail du Parti Communiste et dans le service national et d´en exclure, ou d´en purger ceux qui ne remplissaient pas les conditions requises pour tout bon communiste. Ceci n´était pas un processus dont le résultat pouvait être connu d´avance. Le combat contre la bureaucratie, la corruption, l´opportunisme et les abus de pouvoir au sein du parti et des structures de État était mené de plusieurs manières et n´était pas toujours plein de succès et sans échecs. Mais c´était un processus nécessaire. Le développement d´une société socialiste implique des débats et des critiques qui permettent de corriger les erreurs et de trouver des solutions nouvelles. Les purges étaient aussi importantes pour des raisons de politique étrangère.

 

Pendant la décennie 1930, les menaces extérieures contre l´Union Soviétique provenaient des ennemis d´un type nouveau. Au-delà des sanctions économiques, du sabotage et des menaces d´agression communes à cette époque, il y eût un nouvel ennemi dont l´objectif prioritaire était l´écrasement de l´Union Soviétique socialiste; cet ennemi menaçait l´existence même des peuples slaves. Arrivé au pouvoir en janvier 1933, le régime nazi avait entre autre pour promesse d´écraser le communisme, de se procurer de nouvelles colonies à l´est et d´utiliser les peuples de l´est comme de la main d´oeuvre esclave dans l´économie allemande. Déjà, à partir de 1925, Hitler détaillait ses plans de conquête dans son Mein Kamf: ”Nous, nationaux-socialistes tirons une croix sur la politique étrangère d´avant la guerre. Nous continuons à partir de l’endroit où nous nous étions arrêtés il y a six siècles. Nous arrêtons le déplacement éternel du peuple allemand vers le Sud et l´Ouest de l´Europe et nous dirigerons plutôt vers l´est. Nous arrêtons la politique coloniale et commerciale d´avant guerre et nous passons à la politique territorial du future. Lorsque nous parlons de politique territorial dans l´Europe d´aujourd´hui, nous devons en premier lieu penser à la Russie et aux états limitrophes contrôlés par celle-ci.”[2]

 

La montée en puissance de l´Union Soviétique au cours de la décennie 1930 était d´une importance vitale. Elle constitua le fondement de la victoire de l´Union Soviétique sur l´Allemagne nazie lors de la deuxième guerre mondiale. Le combat contre les errements au sein du Parti Communiste ainsi que les purges ont été la condition sine qua non des succès dans la production et la sécurité du pays. Les historiens bourgeois parlent très rarement de ce fait.

 

Selon les mythes bourgeois, les exclusions ont été des poursuites sanglantes contre les critiques du régime, le moyen par lequel une bureaucratie avide de pouvoir a utilisé un immense service d´administration et un important appareil de violence ainsi que de méthodes les plus cruelles pour éliminer systématiquement une opposition progressive; une opposition au sein de laquelle se trouvaient, selon la description historique bourgeoise, les ”vrais” socialistes et les ”vrais” communistes. Derrière ces poursuites se trouvait bien sûr Staline, avec sa prétendue suspicion et son comportement maladif. Lequel Staline avait, selon la bourgeoisie, un plan détaillé d´élimination à long terme de tous les opposants ainsi que tous les vieux bolcheviques afin qu´il puisse seul s´accaparer le pouvoir. C´est de cette manière que les purges et les procès politiques ont été décrits pendant des dizaines d´années par les historiens bourgeois et les personnalités du monde de la culture. Mais le fait que cette bourgeoisie qui enregistre, poursuit, emprisonne et exécute les communistes qui dans les pays où elle a le pouvoir, accuse l´Union Soviétique de poursuivre ”les vrais” communistes, montre que les choses ne sont pas telles qu´elles sont présentées. Les historiens bourgeois mentent et nous allons le démontrer. Mais c´est beaucoup plus grave que nous ne le pensons. Les historiens bourgeois détiennent depuis 1945 des documents qui montrent que la situation à l´intérieur de l´Union Soviétique était le tout contraire du mythe autour duquel ils se sont suspendus.

 

Les archives de Smolensk

 

Les faits sur les purges, l´évolution de la production ainsi que les procès politiques constituent une partie de l´histoire du Parti Communiste soviétique. Et comme beaucoup d´autres choses, les données sur ces événements se trouvent assemblés dans les archives du parti. Les archives du parti avaient été fermées aux chercheurs étrangers jusqu´à l´année 1989, année au cours de laquelle Gorbatchev leva cette interdiction. Il y a cependant une exception. Une grande partie du matériel des archives était arrivée aux États-Unis et en Europe depuis 1945. L´histoire est simple mais fantastique.  

 

Lorsque l´Allemagne nazie envahit l´Union Soviétique au cours de la deuxième guerre mondiale, ses forces avaient avancé si profondément à l´intérieur de ce pays qu´ils atteignirent les environs immédiats de Moscou et de Leningrad. Depuis 1941, les forces allemandes occupaient déjà l´Ouest oblast soviétique -c.à.d la Région ouest qui avait son centre à Smolensk. Cette région était l´une des unités administratives de la République socialiste soviétique et fédérative de Russie. La région avait une population de 6,5 millions d´habitants et une superficie d´environs 600 fois 240 km -144.000 km2, environs  1/3 de la superficie de la Suède (450.000 km2) (la France 549.100 km2). Les Allemands tombèrent à Smolensk sur des archives de la Région ouest qui pour une raison ou une autre n´avaient pu être détruites par les forces soviétiques. Ces archives furent envoyées en Allemagne en 1941. Elles se retrouvèrent dans la zone d´occupation américaine  vers la fin de la guerre en 1945. Les archives de Smolensk appartenaient à l´Union soviétique, alliée des États-Unis, mais dans l´esprit capitaliste des généraux américains, il était naturel de les envoyer en Amérique. Les archives de Smolensk se trouvent aujourd´hui à United States National Archives, le service national des archives américain.

 

Les archives de Smolensk sont très volumineuses.  Elles contiennent, à quelques exceptions près l´essentiel de ce qui concerne les activités du Parti Communiste dans la Région ouest. Des registres des membres aux directives politiques à tous les niveaux, jusqu´aux comptes rendus des discussions et débats des réunions en passant par les activités des organes de direction, des bureaux d´organisation. Toute la vie politique de la région s´y trouve détaillée, de la politique agricole et la stratégie industrielle à la planification des vacances annuelles des travailleurs.  Les documents relatifs aux purges du parti dans la Région ouest se trouvent aussi dans ces archives. Les archives de Smolensk devraient être une mine d´or pour tous ceux  qui veulent comprendre le fonctionnement de la société soviétique. Même celui qui est contre l´Union Soviétique et le socialisme devrait trouver là les faits justifiant sa cause. Malgré cela, les archives de Smolensk n´ont été utilisées que de manière limitée. L´historien américain Merle Fainsod fut le premier à mener des recherches sur ces archives. Il publia en 1958, Smolensk Under Soviet Rule, une oeuvre tendancieuse, pleine d´erreurs, preux´exclusivement destinée à donner une très mauvaise description des structures du pouvoir soviétique. A quelques exceptions près, les archives de Smolensk n´ont jamais été utilisées depuis lors.

 

Les archives de Smolensk n´ont jamais été à la une des médias occidentaux. La raison est que la vie politique de la Région ouest de l´Union Soviétique n´avait rien à voir avec les mélanges insouciants des mensonges monstrueux et des mythes qui furent étalés ou sont étalés dans les médias occidentaux. Les archives qui sont un ensemble de documents contenant la contribution de plusieurs centaines de milliers de personnes et où les points de vue les plus variés sur tous les aspects de la vie sont représentés, ne devaient pas être employées dans la sale guerre de propagande contre l´Union soviétique. Malgré cela, le livre de Merle Fainsod, Smolensk Under Soviet Rule devint l´un des fondements des mythes entourant les purges et les exclusions dans le Parti Communiste soviétique et les procès politiques pendant les années 30, lesquels mythes se sont répandus à travers le monde occidental, dans les universités et les médias.     

 

Possibilité de tirer ses propres conclusions sur les archives

 

En 1985, un livre fut publié à partir de nouvelles recherches menées sur les archives de Smolensk. Le titre du livre était Origins of the Great Purges -The Soviet Communist Party Reconsidered, 1933-1938. Son auteur est l´historien américain J. Arch Getty.  Le livre produit des statistiques et des documents d´une très grande valeur dans l´étude de l´histoire de l´Union soviétique.  Getty est l´un de principaux personnages responsables de la publication aux États-Unis, en 1993,  des rapports de recherche sur le système de santé criminelle soviétique pendant le règne de Staline (sujet sur lequel l´auteur de la présente brochure a écrit, Avril 1998, la brochure Les mensonges sur l’histoire de l’Union Soviétique – D’Hitler à Hearst, de Conquest à Soljenitsyne). Les rapports de recherche russes révélèrent les mensonges qui ont été propagés pendant des dizaines d´années dans les médias capitalistes. Quinze après l´apparition de ce livre, le même auteur publia en 1999, un nouveau livre sur la décennie 30 de l´Union soviétique. Cette fois-ci, le titre était The Road to terror -Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, 1932-1939. Le livre contient des documents provenant des anciennes archives soviétiques lesquelles avaient été rendues publiques pour la première fois.  Cependant, comme le dit Getty lui-même, ces documents avaient été tirés d´une grande masse d´autres et l´on peut se demander si ces documents étaient les plus importants et s´ils ont été interprétés de la manière la plus correcte – “Like all historical documents they can be read in various ways”[3] (comme tous les documents historiques on peut les interprétés des différents manières). Et on peut aussi demandé quel est le propos du livre quand Getty écrit, “our study does not touch on all questions … we are unable to deal comprehensively with foreign policy, agricultural or industrial affairs, or cultural matters”[4] (notre étude ne touche pas toutes les questions …nous sommes incapacité de traiter dune manière compréhensible avec politique étrangère, des affaires agricoles ou industrielles, ou des questions culturelles). N’était pas la politique dans ces questions qui était le but de la lutte dans le parti bolchevique ? Il y a dans ces documents beaucoup des rapports des discussions internes au parti mais très peu de faits sur l´évolution de l´Union Soviétique au cours de la décennie 1930. Ceci est à retenir.

 

Le travail de recherche de Getty a détruit une partie des mensonges et des mythes sur l´Union Soviétique mais le plus important est avant tout qu´il donne à quiconque a la possibilité  d´accéder aux documents, aux faits, de les comprendre et d´en tirer ses propres conclusions. Tirer ses propres conclusions est en fait important. Car en ce qui concerne l´Union soviétique, il n´y a, en Occident, aucune grande personnalité qui peut se prévaloir de tout comprendre et de tout expliquer. Getty est lui-même avant tout un écrivain bourgeois dont les capacités de compréhension de la lutte de classes en Union Soviétique sont limitées. Dans The Road to Terror qui veut démontrer que les Bolcheviques se sont décimés eux-mêmes dans des combats internes au cours de la décennie 30, rien n´est par exemple dit de l´incomparable développement de la société jamais observé dans l´histoire de l´humanité et qui a eu lieu en Union Soviétique pendant la décennie 1930.  Quand il s´agit par exemple de la menace de l´Allemagne nazie, on ne s´y réfère dans The Road to Terror, un grand livre de 635 pages, que par une ligne, dans une demie phrase, en tout six mots, ”the elite at the time obviously felt a continuing crisis in the wake of collectivization and with the rise of German fascism[5] (l’élite de cet temps a senti une crise continue dans le commencement de la collectivisation et avec le levée du fascisme Allemand). Imaginez-vous alors que la plus grande partie de la décennie 1930 soviétique avait été marquée par une lutte contre le temps dans les préparatifs de défense contre la menace d´invasion de l´Allemagne nazie. Ne pas accorder de l´importance à ce fait doit absolument conduire à des conclusions erronées. Si les Bolcheviques s´étaient détruits eux-mêmes au lieu de développer le pays au maximum et de construire la défense, les Nazis auraient gagné la guerre, l´Union Soviétique ainsi que les peuples slaves seraient décimés. Il n´en a pas été ainsi. L´Union Soviétique avait donc gagné la guerre et le nazisme fut vaincu. Nous disons ainsi pour faire comprendre au lecteur que les recherches académiques ont foncièrement tort de laisser de côté les réalités de la vie au profit des intrigues et des bêtises de toutes sortes qui conduisent à des conclusions de même niveau qu´un acte de roman de kiosque bon marché.  Ce qu´il y a de particulier dans les recherches occidentales sur l´Union Soviétique est la quantité colossale de mensonges et de déminéraliser qui ont été produites et propagées par les universités occidentales pendant une période de plus de cinquante ans.

 

”Origins of the Great Purges”      

 

Les deux livres de Getty sont parmi ceux qui constituent la base de cette brochure. Origins of the Great Purges est, contrairement à The Road to Terror publié ultérieurement, un livre basé sur des faits concrets, avec des statistiques et d´autres éléments qui donnent une image réelle de la société. On est frappé de surprise en en lisant la seule introduction. Nous ne sommes pas habitués à voir des professeurs parler le langage de la vérité. En tout cas pas les professeurs suédois. Le professeur Arch Getty constate avec conviction que la recherche sur les archives de Smolensk montre que la plupart de rapports occidentaux sur les purges en Union Soviétique sont basés sur des ”affirmations indéfendables”.[6]

 

Le résultat de la recherche montre tout d´abord que les événements politiques de la décennie 30 n´étaient pas un ”un phénomène uniforme (les grandes purges), qui peu être étudier comme un processus..., planifié, préparé et réalisé” par Staline et ses proches. Ensuite cette recherche montre que l´affirmation selon laquelle ”les vieux bolcheviques de la génération de Lénine (et de Staline), étaient la cible des purges”[7] n´a rien à avoir avec la réalité. De plus, Getty affirme martèle qu´il est temps de reconsidérer tout ce qui avait été enseigné sur l´Union Soviétique des années 1930.

 

Il s´agit donc ici des constats et non des spéculations qui ne peuvent être écrits par un chercheur et un professeur d´histoire s´il ne dispose pas de très solides preuves.  Ceci n´en constitue pas moins une contradiction directe du livre de Fainsod Smolensk under Soviet Rule paru en 1958. Fainsod écrivait à propos des purges: ”Le meurtre de Kirov en décembre 1934 entraina une nouvelle série des purges presque infinies lesquelles se sont étendues à un cercle beaucoup plus large et se sont développées en un crescendo destructif dans une véritable destruction de la direction régionale du parti de 1937”[8].

 

Ce n´est pas que le livre de Getty dépasse toutes sortes de falsificateurs de l´histoire. Getty remet en question le livre de Fainsod, Smolensk Under Soviet Rule lequel fut pendant un temps le livre de référence dans la matière. Parlant de Smolensk, Getty déclare que ”les événements des années 1933-1939 n´étaient pas du tout une partie du même crescendo de terreur planifié ni non plus un sole phénomène ou processus. Les purges de membres des années 1933-1936 n´étaient pas un simple antécédent de la terreur policière de 1937 et n´étaient liées à celle-ci que de manière indirecte”[9].

 

Nous allons d´abord présenter l´interprétation que se fait Arch Getty des purges des années 1930. Nous tirerons par la suite nos propres conclusions politiques sur les statistiques de Getty. Laissez-nous toutefois commencer par donner au lecteur un aperçu de la situation du Parti Communiste soviétique pendant la décennie 1920.

 

Bref aperçu sur les purges des années 20

   

Après la victoire de la révolution, lorsque le Parti Communiste était déjà devenu le parti dirigeant, la direction du parti ainsi que Lénine étaient obligés de constater qu´un certain nombre d´éléments inconnus s´étaient introduits dans le parti et dans l´appareil de l´État. Il s´agit de gens qui, par leur simple adhésion, voulaient se faire une place au sein du parti. A la huitième conférence du parti, en décembre 1919, Lénine souleva cette question. ”Il est naturel”, déclarât il, ”que les pires éléments s´accrochent au parti au pouvoir pour la simple raison que c´est le parti au pouvoir”[10]. Il était pour cette raison important d´évaluer, d´examiner la contribution des membres. On procéda donc à un nouvel enregistrement de tous les membres, comme le proposait Lénine. Chaque membre fut interrogé devant l´ensemble de membres; ceux en qui on ne pouvait avoir confiance furent exclus du parti. C´était le premier nettoyage de l´appareil du parti. Cette méthode qui consiste à épurer le parti en en chassant les éléments opportunistes devait marquer le Parti Communiste pendant plusieurs années à venir.

 

Les critères généraux de l´exclusion des membres du parti étaient la corruption, la passivité, les manquements à la discipline du parti, l´alcoolisme, la criminalité et l´antisémitisme. Pour les bourgeois et les paysans propriétaires qui cachaient leurs origines, ils ne devaient donc qu´être exclus. (Cette forme d´exclusion ne frappa pas toutefois ceux qui avaient été admis au parti et qui avaient reconnu leur vraie appartenance de classe).  Même les anciens officiers tsaristes qui avaient caché leur état passé furent aussi exclus sans hésitation. Tous les exclus pouvaient à leur tour exercer un recours contre leur exclusion auprès de la commission centrale de contrôle pour avoir leurs cas réexaminés à un niveau plus élevé.

 

Comme nous le verrons plus tard, beaucoup d’eux furent repris dans le parti. Les décisions prises au niveau des assemblées du parti avec leurs centaines de membres étaient, en principe, plus dures que celles de la direction centrale du parti. Le Comité Central du parti qui avait déclenché le processus des purges et en avait déterminé les règles, essaya d´abord d´amener les membres ordinaires du parti à prendre leurs responsabilités, à hausser la voix et à mettre hors d´état de nuire les fonctionnaires corrompus et leurs complices.

 

Mais l´on découvrit que ceci était un travail difficile. Des bureaucrates corrompus s´étaient ingéniés à user de milliers d´astuces qui leur permirent d´échapper aux critiques et à toutes situations difficiles. Ce qui fit que la plus grande partie de victimes des purges devinrent les membres de base du parti lesquels n´avaient dans la plupart de cas aucun moyen de défense vis-à-vis des accusations des secrétaires du parti, accusations portant sur la passivité, l´ignorance politique ou l´alcoolisme.

 

Les purges des années 1920 

 

Après le nouvel enregistrement de 1919, Lénine ainsi que la direction du parti constata que des manquements significatifs persistaient dans le parti. L´enregistrement n´avait pas atteint son objectif. Les recrutements de nouveaux membres continuaient toujours sans que l´on put tenir compte du fait que c´était la qualité de travailleur ainsi que la confiance qu´inspiraient les éléments provenant des autres classes sociales qui devaient prévaloir. De nouvelles exclusions eurent donc lieu en 1921, 1928 et 1929.

 

Le tableau ci-dessous donne des informations sur le nombre de membres exclus à ces trois différentes occasions. Dans le reste des cas, c.à.d concernant les exclusions faites les autres années, celles-ci ont varié entre 3 et 5 % des membres du parti.

 

Grandes purges des années 1920[11]

(Getty: Origins of the Great Purges)                   %  des exclus

 

1919  Nouvel enregistrement                                        10-15

1921  Purge                                                                       25

1928  Vérification dans 7 districts                                       17

1929  Purge                                                                       11

 

En ce qui concerne l´épuration de l´année 1929, il existe une description détaillée des causes ayant donné lieu à toutes les exclusions. Cette description fournit en fait une bonne information et elle met tout au moins fin à un mythe - celui selon lequel les purges auraient été décidées pour se débarrasser des opposants au parti. Le processus d´épuration du parti avait, au cours de l´année 1929, atteint 1,53 millions de membres. De tout ce chiffre, seuls 170.000 membres, soit environs 11% de l´ensemble furent exclus du parti. Avec les recours effectués auprès de la commission centrale de contrôle, 37.000 membres reprirent leur place dans le parti, (soit 22 % de l´ensemble des exclus). Le pourcentage de ceux qui avaient été réadmis au sein du parti fut plus élevé à Smolensk, soit 43 %.  Selon l´une des investigations menées plus tard sur les purges, il fut constaté que la plupart des exclus étaient des membres de base qui avait été épurés par les fonctionnaires locaux du parti pour passivité. Personne n´avait pris en considération les conditions de vie des membres lesquelles rendaient difficile leur participation aux activités du parti.

 

Purges de 1929[12]

(Getty: Origins of the Great Purges)

 

Les causes des exclusions                                                          Pourcentage

 

Manquements relatifs au comportement des personnes

(par ex. l´alcoolisme)                                                                          22

Éléments inconnu (étrangers) ou liens avec pareils éléments                  17

Passivité                                                                                             17

Criminalité                                                                                          12

Manquements à la discipline                                                                10

Autres                                                                                                22

 

Selon Getty, les membres qui ont été exclus pour des raisons politiques -”fractionnisme ou activités oppositionnelles”-, sont parmi ceux qui l´ont été exclus pour ”manquements à la discipline”.  Ceux-là constituent 10% de ces 10 %. Ceux qui étaient exclus pour des raisons politiques étaient donc seulement 1% de toutes les exclusions faites au cours de 1929[13]. Comparez ceci avec le mythe habituel selon lequel ”les staliniens ont éliminé tous les opposants”. Par ailleurs, la bourgeoisie suggère d´habitude que les exclus courraient un risque de mort certain soit parce qu´ils étaient envoyés dans les goulags, soit parce qu´ils disparaissaient purement et simplement. La vérité est tout autre. De tous les exclus, ce fut seulement ceux qui avaient commis des crimes - vol, escroqueries, chantage, sabotage ou des infractions similaires-  qui furent traduits devant les cours et tribunaux. Hormis le fait qu´ils ne pouvaient plus jouir des avantages que la qualité de membre du parti procurait et qu´ils n´en observaient plus les obligations, tous les autres exclus menaient une vie tranquille.

 

Des purges au sein du SUKP (b) pendant les années 30

 

Laissez-nous maintenant aborder l´Union Soviétique des années 30. Ce sont justement les purges des années 30 qui sont évoqués par tous ceux veulent salir le socialisme et construire le mythe de l´Union Soviétique comme un régime d´oppression. Parmi les historiens les plus connus, on trouve l´agent des services secrets anglais Robert Conquest, le fasciste Alexander Soljenitsyne et le social-démocrate russe  Roy Medvedev. Parmi leurs thuriféraires suédois, on peut citer le poète manqué Per Alhmark, le vaurien Staffan Skotte, ”l´historien” trotskiste Peter Englund (récemment élu au sein de l´Académie Royale de la Guerre!) ainsi qu´un certain nombre d´individus obscures (tels professeurs Gerner, Salomon, Karlsson). Ce n´est pas seulement aux États-Unis et en Angleterre que les capitalistes et les services CIA et M15 achètent les universitaires. Même en Suède, les traces du capital et des services de renseignements suédois (SÄPO) conduisent jusqu´aux institutions universitaires de comme par exemple à Stockholm, Uppsala et Lund.

 

Démasquer les falsificateurs de l´histoire est capital. Ils utilisent l´ignorance des gens pour forcer les sympathisants du socialisme à la défensive et amener les communistes à prendre des distances avec leur histoire.

 

Robert Conquest a joué un rôle central dans la campagne de dénigrement du socialisme et de l´Union Soviétique pendant l´après-guerre. Conquest est un désinformateur formé à l´un des plus grands et plus vieux services de sécurité, les services secrets britanniques.[14] Conquest était leur plus grand agent spécialisé dans la désinformation sur l´Union Soviétique. C´est sa façon de manipuler l´information et de confondre le vrai et le faux et vice-versa qui font sa particularité. Conquest cessa de travailler pour les services britanniques MI5 vers la fin des années 50. On le crut parti pour toujours, mais on sut qu´il était actif à les États-Unis où la CIA commencer à publier ses livres et ses articles. Ce que l´on peut dire, en définitive sur ce personnage, est qu´il fut mieux payé par la CIA que par les Britanniques et que c´est pour cette raison qu´il déménagea aux États-Unis. Bien plus, la CIA lui trouva une meilleure couverture, un travail de recherche dans une université. Les récits de Conquest sur l´Union Soviétique furent pendant des dizaines d´années répandus par la CIA dans les médias capitalistes du monde entier, et sont malheureusement considérés comme de la vérité par un grand nombre de gens.

 

L´oeuvre la plus connue de Conquest, La Grande terreur, fut publiée en 1968 et est devenue depuis lors l´arme par excellence de la bourgeoisie contre le socialisme. L´oeuvre est basée sur des données récoltées par Conquest lorsqu´il travaillait au sein des services secrets britanniques - IRD. Les sources de Conquest renvoient aux cercles les plus suspects qui soient: collaborateurs nazis, déserteurs et terroristes. Les historiens bourgeois ont élevé les falsifications grossières de Conquest au rang des faits historiques et ils ont sciemment repris ses récits dans les journaux et les livres. C´est l´exemple du chercheur Peter Englund qui, dans de la revue Moderna Tider de février 1994, a publié une longue calvacade de huit pages pleine de mensonges et de falsifications sur l´année 1937 en Union soviétique.

 

Le même texte fut repris, avec quelques modifications, dans l´un des livres de Englund (Brev från nollpunkten). Selon Englund, The Great Terreur de Conquest est une ”oeuvre indispensable”[15]. Cependant, Conquest déclare dans les notes de référence de son livre que ”la vérité peut se révéler sous forme des rumeurs” et d´ajouter: ”Quand il s´agit de questions politiques, la meilleure source, sinon la plus incontestable, devrait être celle qui circule dans les milieux politiques et policiers les plus élevés”[16].  Les ”ont dits” et les rumeurs provenant des fascistes et des collaborateurs nazis ont été utilisés par Conquest comme base de sa ”terreur” des années 30 en Union soviétique, mais ceux suffisent pour ”l´historien” Englund. Des historiens sérieux ne touchent aux rumeurs et aux ont dits, même pas à l´aide des pinces.

 

Les purges de 1933

 

Au cours de la décennie 30, l´appareil du parti a subi trois grandes purges: 1933, 1935 et 1937-1938.

La première purge (1933) eut lieu dans un climat de grand enthousiasme dans la société lorsque les coopératives agricoles se multipliaient sur l´ensemble de l´Union Soviétique avec grand succès et lorsque la production industrielle atteignait des records jamais observés dans l´histoire de l´humanité. Le Parti avait ouvert ses portes à tous ceux qui voulaient se battre pour le socialisme et des centaines de milliers de nouveaux membres y avaient été admis pendant les trois premières années de la décennie 30. A cause de l´afflux important des membres, la direction du Parti avait trouvé nécessaire d´examiner leur situation. On recherchait alors les opportunistes, les bureaucrates corrompus, les criminels, les antisémites, les ivrognes ou tous ceux qui violaient les règles disciplinaires du Parti.

 

La direction du Parti avait décidé que les purges devaient se faire dans un atmosphère amicale dans laquelle il n´était pas toléré de fouiller très sérieusement la vie privée des gens. De plus, la direction du Parti avait encouragé les membres de base à critiquer les bureaucrates locaux et mis en garde les directions locales du Parti contre toute exclusion des membres de base pour passivité ou ignorance politique. Les erreurs de 1929 ne devaient pas être reprises. L´on devrait mettre l´accent sur le développement général des membres et dans des cas où il fallait nécessairement agir, les membres du Parti pouvaient être dégradés au niveau de candidats à l´adhésion ou de sympathisants jusqu´à ce que ces membres améliorent leurs connaissances politiques ou leur participation aux activités du Parti. Les purges devraient si possible être évitées.

 

Malgré les directives, l´épuration de 1933 ne devint pas ce que la direction centrale du parti avait souhaité. Dans un pays aussi grand que l´Union soviétique, les secrétaires locaux du Parti avaient tellement un grand pouvoir ce que quelque fois devint désastreuse. Les faits montrent que les secrétaires locaux avaient fait de leur mieux pour que les purges ainsi que les critiques ne les touchent pas eux et leurs proches. Aussi, pour montrer qu´ils entendaient accomplir une meilleure épuration possible, certains secrétaires locaux chassèrent plusieurs membres de base, des paysans et des travailleurs, des membres fidèles, exactement ceux qui ne devaient pas être exclus. La plupart des exclus étaient ceux qui avaient adhéré au parti au cours des années 1930-1933 et qui n´avaient pas eu le temps d´assimiler toutes les questions relatives au parti. Nombreux sont ceux qui n´avaient pas eu le temps d´étudier sérieusement le programme du parti et le marxisme-léninisme et qui étaient considérés par les secrétaires locaux du parti comme étant trop ignorants. D´autres étaient ceux qui pour des raisons de famille ou de travail, avaient difficile à participer pleinement aux activités du parti. Au cours des purges de 1933, 18,5 % de membres et de candidats, soit environs 792.000 personnes, avaient été exclus.

 

Purges  de 1933[17] 

(Getty: Origins of the Great Purges)

Causes de l´épuration                                                              Pourcentage

Corruption morale, carriérisme, bureaucratisme                        17,5

Éléments inconnu (étrangers) / passé cachée                             16,5

Manquements disciplinaires                                                      20,9

Passivité                                                                                  23,2

Autres                                                                                     17,9

Non mentionnés dans ”Origins of Great Purges”                      4

 

Achevées au milieu de l´année 1934, les purges de 1933 montrèrent qu´il y avait des contradictions très sérieuses dans le parti. Le Comité central voulait renvoyer les voleurs et les bureaucrates corrompus mais le plus grand nombre des exclus, soit près d´un quart, furent épurés pour passivité. Pourtant, la passivité n´était pas parmi les critères retenus dans la directive du parti comme cause d´exclusion. Avec l´aide des méthodes bureaucratiques ou d´une réputation acquise sur base des mérites antérieurs, les dirigeants locaux du parti faisaient ce qu´ils voulaient sans se soucier des directives du Comité Central. L´étendue des contradictions apparaît donc à travers le quart de membres qui avaient été frappés d´exclusion pour passivité. Le Comité Central se devait donc d´agir contre la violation par les dirigeants locaux de la directive du parti, mais l´avenir démontrera que la tâche n´était pas facile. Ceci demeura donc une question d´actualité surtout qu´il devint claire que l´Union Soviétique devait renforcer le rythme de son développement dans l´intérêt de sa propre survie.

 

Un autre aspect des statistiques de Getty touche aux allégations faites par Conquest et d´autres hommes de droite selon lesquelles les purges de 1933 avaient été organisées pour exclure du parti les vieux bolcheviques - les vieux cadres du parti du temps de Lénine - devenus opposants à Staline. Cette affirmation est selon Getty, invraisemblable. La plus grande partie des exclus, en fait, les deux tiers (2/3) étaient entrés au parti après 1928 et étaient pour cette raison, considérés comme des membres relativement nouveaux. La répartition des exclus entre 23% d´agriculteurs/paysans, 14,6% de fonctionnaires et environs 62% de travailleurs montre que la plus grande part des exclus, 85%,  étaient de travailleurs et qu´il n´y avait pas des cadres du temps de Lénine. Dans The Great Terror, Robert Conquest parlant des purges de 1933 sous-entend que plus d´un million de membres avaient été exclus pour des raisons politiques. Si l´on connait l´histoire des purges, l´on remarquera que déclaration de Conquest est un mensonge manifeste.

 

”Proverka”- 1e contrôle des cartes du Parti de 1935

 

L´épuration de membres de 1935 révéla l´existence d´une très grande désorganisation du parti sur l´ensemble du pays. Les registres du parti ne correspondaient nullement à la réalité: Dans plusieurs sections du parti, le nombre de membres ne correspondait pas à celui du registre. Plusieurs membres déménageaient, d´autres quittaient le parti, certains autres étaient exclus ou étaient morts sans qu´il en fut fait mention dans le registre. Les secrétaires locaux du parti étaient préoccupés par l´exécution du plan quinquennal et la collectivisation. Pour cette raison, par négligence ou par manque d´intérêt, ils ne se sont pas souciés de mettre à jour le registre des membres. Suite à cette situation, un grand désordre avait été constaté dans les comptes du parti. Lorsqu´on remédia à toutes les irrégularités et que la direction du parti eut une image d´ensemble de la situation catastrophique des cartes de membres, il s´avéra donc indispensable de procéder à une réévaluation de ces cartes.

 

Aussi, le Comité Central du parti décida, en octobre 1934, que le parti, dans son ensemble, devrait initier un nouvel enregistrement de membres. Le Comité Central envoya des représentants dans toutes les régions du pays à la fois pour s´enquérir de l´état véritable des documents du parti et pour exiger, dans la mesure du possible, une solution et apporter de l´aide au travail d´enregistrement.

 

Le camarade Ostrovski fut envoyé au Comité de ville de Smolensk (garraikom). Il commença par exiger, de ce comité, certaines décisions simples et à nommer un chef de documentation lequel devait s´assurer que les documents du parti furent mieux gardés soit dans un local soit dans un coffre-fort. Il exigea aussi qu´on ne délivra plus de nouvelles cartes à ceux qui avaient perdu les leurs. Ostrovski exigea encore qu´on commença l´élaboration d´un nouvel registre de membres à partir de janvier 1935 et que tous les comités du parti subordonnés au comité de la ville devraient subir la même procédure.

 

On remarqua bientôt que le problème était tellement grave que Ostrovski ne pouvait le résoudre. Les autres représentants du Comité Central en mission dans d´autres parties du pays étaient confrontés aux mêmes difficultés. Au point que vers la fin du mois d´avril 1935, on constata que très peu de progrès avait été accompli avec le nouvel enregistrement. Un rapport du Comité de ville de Smolensk montra qu´”au cours du processus d´investigation des documents du parti, une série de disfonctionnements massifs avaient été découverts et ceux-ci exigeaient  un traitement spécial ainsi qu´une investigation approfondie”[18].

 

Le Parti Communiste au début des années 1930

 

Pour le lecteur de la présente brochure, ceci peut apparaître difficile à comprendre. Bien de gens en Occident ont été formés par les médias bourgeois, à croire qu´il y avait une discipline des cadavres au sein du Parti Communiste de l´Union Soviétique dans lequel tout et tous étaient enregistrés et soigneusement contrôlés et cela par des contrôles répétitifs et de longues listes de noms. La même discipline des cadavres sous-entendant, selon les mêmes médias bourgeois, que personne n´avait réussi à échapper à ce contrôle total qui aurait été d´application permanente et qui, de plus, aurait coûté beaucoup d´argent et donné un très grand pouvoir aux bureaucrates du parti.

 

Cette image est totalement fausse. En réalité, on sera plus proche de la vérité si on met sens dessus dessous ces affirmations. Préoccupés par le combat pour la production et enivrés des résultats incroyables de la production qui évoluaient de records mondiaux en records mondiaux, bien de secrétaires locaux du parti avaient négligé le reste des activités du parti. Ils considéraient que les résultats de la production étaient le facteur le plus important, le seul à résoudre tous les problèmes, le reste étant insignifiant. Même une question de grande importance pour le parti, et plus spécialement pour un parti au pouvoir – le fait que chaque membre du parti devait avoir une carte – avait été considérée dans bien d´endroits comme une question secondaire. Les cartes du parti étaient généralement gardées dans une armoire/une table ordinaire ou dans un coffre dans des endroits accessibles dans les locaux du parti et elles disparaissaient par milliers sur l´ensemble du pays. De manière aussi irresponsable que les cartes étaient gardées, on en donnait sans problème à tous ceux qui déclaraient avoir perdu les leurs. Dans la plupart des cas, il n´y eut jamais d´enquête pour savoir ce qui se passait avec les cartes déclarées comme perdues. Même les membres exclus gardaient leurs cartes, personne n´exigeait qu´on les rende au parti. En ce qui concerne les membres défunts, leurs familles gardaient leurs cartes, et celles-ci pouvaient être utilisées pour commettre des crimes ou la corruption. Les résultats de la production qui étaient si écrasants firent croire aux dirigeants locaux du parti qu´il y aurait bientôt une si grande surproduction si grande qu´elle éloignait toutes les autres difficultés.

 

Deux cents milles cartes du parti sont perdues        

 

Au  début de 1935, le Comité Central fut obligé de constater que plus de 200.000 cartes de membres avaient disparu!  La plupart de ces cartes avaient été données à ceux qui avaient perdu leurs cartes ou à ceux dont les cartes avaient été volées. Plus de 1.000 cartes toutes nouvelles étaient volées des locaux du parti et 47.000 avaient été délivrées à des gens qui n´avaient jamais été enregistrés comme membres du parti. La carte du parti était un document très important. Un détenteur d´une carte de membre pouvait entre autres choses avoir accès aux locaux du parti dans tous le pays, locaux dans lesquels des documents de grande valeur étaient conservés et où des réunions du partie avaient lieu. Les cartes du parti étaient donc une marchandise très recherchée par les espions, les ennemis, les opposants et les agents étrangers. On se rendit malheureusement compte que ceux-ci n´avaient pas de gros efforts à faire pour se procurer une carte du Parti Communiste et l´utiliser comme protection dans leur mission de renseignement. En 1935, la situation était telle qu´il n´était pas sûr  que derrière chaque carte du parti il se trouvait un membre fidèle et loyal. Il pouvait bien s´agir d´un ennemi, d´un espion ou d´un saboteur.

 

Le 13 mai 1935, le Comité Central décida qu´un nouveau contrôle national de documents du parti -”proverka”- devrait avoir lieu. Le contrôle était dirigé à partir du centre par une commission du secrétariat du Comité Central sous l´autorité de Ejov et du chef adjoint Malenkov. Le contrôle consistait dans le fait que chaque membre du parti devait être interrogé par un secrétaire du parti de sa localité ou de son lieu de travail sur sa vie, son histoire, son travail ou autre, et les données ainsi obtenues étaient utilisées pour réactualiser le registre du parti. En cas d´informations incorrectes, une enquête plus approfondie sur la personne concernée était engagée et la carte de membre était confisquée. Pour tous ceux qui ne pouvaient pas apporter la preuve de leur appartenance au parti, une exclusion pure et simple était décidée et la carte de membre était confisquée. Tous les exclus avaient, conformément aux statuts du parti, le droit d´exercer un recours contre toutes les décisions prises à leur encontre auprès d´une instance laquelle avait deux semaines pour déclencher une nouvelle enquête et prendre une nouvelle décision.

 

L´ordre bolchevique

 

Il était temps ”d´un introduire l´ordre bolchevique dans notre parti”[19]. Le Comité Central s´était s´adressé de manière tout à fait particulière aux  leaders locaux qui étaient en fait, la vraie cause du désordre dans le parti: ”Le Comité Central met en garde les leaders de diverses organisations du parti, des organisations de base jusqu´au niveau des régions sur le fait que s´ils ne mettent pas en place ... une direction pour cette importante mission ... et qu´ils n´y remettent immédiatement de l´ordre, des mesures contraignantes seront prises contre eux par le Comité Central, mesures qui pourront aller jusqu´à inclure leur exclusion du parti”[20].

 

Contrairement à ce qui se passa lors des purges précédentes, il n´y eut pas, dans les contrôles des cartes de membres de 1935, des raisons politiques ou sociales particulières qui pouvaient conduire à l´exclusion. En 1935, seule la question de l´authenticité de la carte du parti fut privilégiée. Ce qui mérite d´être noté. Malgré tout ceci, le contrôle de 1935 est présenté, dans la propagande bourgeoise, comme une partie de la campagne des purges contre les opposants à la direction du parti.  Cette information est totalement fausse. Nous reviendrons plus tard sur cette question

 

Quel a été le résultat du contrôle des cartes du parti?

On a pu remarqué que les secrétaires locaux du parti qui avaient pourtant été chargés du contrôle des cartes n´ont pu, dans la plupart de cas, prendre cette mission au sérieux. Ils n´ont pas, comme le comité central l´avait recommandé, su donner à cette mission la priorité nécessaire à sa réussite. Des rapports arrivaient au Comité Central qui montraient que la tendance générale était de faire un contrôle aussi rapide que possible dans le seul but d´en finir avec cette mission. L´engagement des secrétaires locaux du parti était donc nul.

 

Dans la Région ouest, les problèmes étaient manifestes. Le secrétaire adjoint de la région, A. L. Shilman et le chef local de la commission de contrôle, Kiselev, furent fortement critiqués par le Comité Central et pointés du doigt comme étant l´exemple à éviter dans le contrôle des cartes du parti.  Le secrétaire Stepanov, leader d´un district du parti dans la Région ouest fut exclu. Faisant le contrôle des cartes dans son district, il n´avait consacré qu´au plus cinq minutes par membre dans la vérification de l´authenticité de son appartenance au parti. Le Comité Central exigeait un engagement personnel dans cette importante question, mais le secrétaire du parti ne s´était soucié que d´exhiber les chiffres élevés des contrôles qu´il avait réussi à effectuer et le nombre de faux membres qu´il avait découverts. Le Comité Central désapprouva cette façon bureaucratique d´exécuter la mission lui confiée. Des enquêtes sérieuses étaient souhaitées de telle sorte que l´on pût se rassurer sur le fait que les membres du parti déjà enregistrés étaient réellement des membres du parti.

 

Nouveau système de contrôle des cartes

 

Le Comité Central devait constater que le contrôle des cartes allait être un échec. Il décréta, le 27 juin 1935, nu nouveau contrôle des cartes qui devait avoir lieu au même moment que les assemblées générales du parti. Tous les membres pouvaient alors se prononcer contre ceux qu´ils ne considéraient pas comme des membres à part entière. Les choses prirent donc une tournure différente à cette étape précise. Le Comité Central avait publiquement critiqué les secrétaires locaux du parti d´avoir fait un mauvais travail. Ceci qui amena les membres à exiger des critiques et à se faire des critiques à eux-mêmes dans les réunions, ce qui firent de ces dernières de véritables forums de débats. Les secrétaires du parti qui avaient à se reprocher, eurent peur craignant qu´un contrôle continu des cartes du parti allaient révéler des erreurs au sein de la direction locale du parti. Certains essayèrent de freiner les débats en affirmant que la campagne était une campagne de contrôle des cartes du parti et non une campagne des purges du parti. Il ne fut de toutes façons pas possible de freiner les critiques des membres. Dans Origins of the Great Purges,Getty nous donne un point de vue intéressant concernant les accusations proférées lors de la réunion des membres du comité de la ville de Smolensk en juillet 1935.  616 accusations avaient été formulées à cette réunion.

 

Accusations pendant le ”proverka” à Smolensk en juillet 1935[21]

 (Getty: Origins of the Great Purges)

 

Koulaks, commerçants et cas apparentés                                 226

Les dégénérés, les ivrognes, les oppresseurs des

femmes,  manquements disciplinaires                                        143

Fonctionnaires involontaires, voleurs, escrocs                           106

Cartes perdues ou d´origine douteuse                                             62

Trotskistes, mencheviques, etc.                                                       28

Officiers de l´armée blancs, policiers tsaristes                             41

Antisémites                                                                                10

 

Total                                                                                       616

 

Comme on peut le constater, les trois quarts des accusations concernent les koulaks ainsi que les personnes qui s´étaient enrichies pendant la NPE (nouvelle politique économique). Au plus, un quart des accusations concernait les gens qui avaient commis de crimes moraux et économiques graves. Un petit nombre des accusations seulement, soit 5% de l´ensemble, concernait l´opposition politique. Par ailleurs, une accusation sur six, soit environs 17% du total, avaient une relation avec le comportement criminel des cadres dirigeants et des fonctionnaires. Au plan national, le contrôle des cartes du parti donna lieu à l´exclusion de 170.000 membres, soit 9,1 % de 1,8 millions de membres contrôlés.

 

Les réunions du parti de juillet 1935 devinrent un forum de la campagne contre les fonctionnaires arrogants et  d´autres oppresseurs. Malgré les critiques et autocritiques, il n´était pas toujours sûr que tout se fasse de la même manière au niveau de la base du parti. Mais à cette étape particulière tout au moins, les conditions avaient radicalement changé à l´avantage des membres de base. Staline s´était exprimé sur la nécessité des critiques et d´autocritiques et il avait montré que le manque de critiques était une erreur fatale qui ”détruisait les cadres” en ce que leurs défauts ne furent jamais inclus dans la discussion. Le contrôle des cartes du parti de 1935 fit aussi découvrir un autre défaut grave dans le parti: Les cartes du parti étaient faciles à falsifier et n´étaient pas digne de confiance. Le besoin de nouvelles cartes devint une question qui exigeait une solution immédiate.

 

La campagne de mensonges de la bourgeoisie et la réalité     

 

Laissez-nous maintenant évoquer certains mensonges véhiculés dans les médias capitalistes sur le contrôle de 1935. Comme nous l´avons vu dans l´exemple de la réunion des membres de Smolensk, les débats tenus à cette occasion furent un coup dur contre les bourgeois qui s´étaient introduits furtivement dans le parti, des gens qui poursuivaient des avantages économiques et sociaux. De koulaks aux commerçants en passant par les voleurs, d´anciens officiers blancs et d´anciens policiers tsaristes. Contrairement à la version des falsificateurs, les opposants politiques n´ont été que très peu touchés. Ce qui était arrivé lors du contrôle des cartes du parti était que les travailleurs avaient chassé du parti les bourgeois qui y avaient été infiltrés.

 

C´est cet acte qui en soi a énormément fâché les falsificateurs de l´histoire. Habitués à se voir accordés des privilèges dans la société et à détester les travailleurs, ”la masse”,  à ne jamais les voir protester, ils se fâchent très sérieusement lorsqu´ils sont obligés de constater que dans un parti des travailleurs, ces derniers décident et que la découverte des valeurs bourgeoises hostiles conduit à l´exclusion. La chance de la bourgeoisie de faire de la résistance après des années de travail de minage ne marcha plus.

 

Un autre mensonge est que le contrôle des cartes du parti aurait été un acte de vengeance de la direction du parti – on vise Staline bien entendu – pour le meurtre de Kirov. Kirov qui était membre du comité central et président du parti à Leningrad, avait été tué le 1 décembre 1934 au siège du parti de cette ville. (Le meurtrier Nikolaïev avait eu accès au siège du parti en utilisant une carte du parti ancienne et non valable). Les allégations de vengeance – celle-ci aurait été terrible et sanguinaire vu le nombre d´exécutions qu´elle aurait entraînées -, tiennent leur origine de Robert Conquest.  Celui qui lit son livre, The Great Terror, et qui n´est pas familier de ces questions historiques, aura beaucoup de difficultés à découvrir ses mensonges.  Pour tout celui qui veut vraiment comprendre l´histoire et s´y met réellement, ces allégations constituent un  véritable non-sens. Le contrôle des cartes du parti de 1935 avait été décidé par le Comité central du parti comme une suite logique du nouvel enregistrement des membres d´octobre 1934. Kirov avait en fait pris part à la prise de cette décision laquelle avait eu lieu deux mois avant son assassinat! Kirov aurait-il décidé une action de vengeance contre le meurtre ayant entraîné sa mort deux mois avant que celui-ci n´ait effectivement eu lieu?

 

Conquest sème la confusion  

 

Dans son livre, Conquest confond le contrôle des cartes du parti avec les événements ayant entouré l´enquête policière sur le meurtre de Kirov. Ceci est la méthode typique de Conquest, utilisée pour semer la confusion, déformer, falsifier. L´enquête sur la mort de Kirov permet de découvrir l´existence du Groupe de Leningrad, un groupe terroriste qui avait planifié la conspiration autour de la mort de Kirov. Le meurtrier de Kirov et ses compagnons furent condamnés à mort. Mais l´enquête sur la mort de Kirov avait conduit au soi-disant Procès Zinoviev-Kamenev de janvier 1935, procès lors duquel un certain nombre de personnalités connues et d´hommes politiques haut placés furent condamnés soit à mort, soit à la relégation. Les accusés avaient été condamnés parce qu´ils avaient eu connaissance de l´atmosphère terroriste existant au sein de l´opposition politique de Leningrad à laquelle le meurtrier de Kirov appartenait et parce qu´ils avaient discrètement soutenu ces événements.  

 

Observez que le Procès Zinoviev-Kamenev avait eu lieu entre le 16 et le 23 janvier 1935.  Le procès avait donc eu lieu pendant le nouvel enregistrement des membres du parti qui avait été décidé en octobre 1934, et qui, en janvier 1935 avait presque échoué sans avoir donné de résultat. Le contrôle des cartes du parti qui pour Conquest a été une action de vengeance contre les opposants fut perçu comme le résultat du fait que le contrôle antérieur n´avait pu résoudre les difficultés qui se posaient. Il avait commencé en juin 1935, cinq mois après la clôture du procès Zinoviev-Kamenev et la condamnation des opposants. Le contrôle des cartes du parti ne pouvait donc pas avoir une quelconque influence sur le procès ou être un acte de vengeance contre les condamnés. Conquest est conscient de l´existence d´une grande ignorance sur l´histoire du socialisme et n´hésite pas à l´utiliser pour propager sa sale propagande.

 

Éliminer les vieux bolcheviques?

 

Un autre mensonge de Robert Conquest est que l´objectif du contrôle de 1935 était d´éliminer les vieux bolcheviques. C´est toujours la vieille histoire de Staline qui, fou du pouvoir, voulait se débarrasser de tous les vieux bolcheviques pour régner en maître qui est nous encore servie. L´élimination de vieux communistes est une histoire imaginaire qui n´a que faire de la réalité.  Dans Origins of the Great Purges, Arch Getty écrit non sans conviction que ”de 455 exclus du Comité de la Ville de Smolensk, 235 avaient été admis dans le parti entre 1929 et 1932”[22]. On voit donc qu´au moins la moitié des inscrits ne pouvaient pas être de vieux bolcheviques.

  

De plus, Getty ajoute que ”bien que les Grandes Purges soient souvent associées avec l´élimination de ”vieux bolcheviques”, il semble que ce soit le contraire qui avait eu lieu à Smolensk en 1935. Les secrétaires du parti qui avaient été dégradés ou démis de leurs fonctions avaient, en moyenne, rejoint le parti en 1928, alors que leurs remplaçants avaient, en moyenne, été admis au parti en 1926, soit deux ans plutôt. Ces remplaçants étaient environs 3,7 ans plus âgés que ceux qui avaient été démis. Par conséquent, ”ceux qui ne se souciaient pas d´un bon leadership” furent remplacés par de vieux travailleurs du parti muni d´une plus grande expérience. Le nombre de nouveaux secrétaires des organisations du parti de la ville d´origine ouvrière avaient augmenté (30 de 39 par comparaison avec le chiffre antérieur, 26 de 39) et ceux qui provenaient du monde paysan ou avaient été fonctionnaires avait diminué”[23]. Ce constat montre que ”l’élimination des vieux bolcheviques” n’est pas supporté pour les recherches faites dans les archives de Smolensk. C´est le pouvoir accru des travailleurs dans le parti que fait parlé la racaille réactionnaire, de Conquest à Ahlmark et Skott.

 

Le changement des cartes de 1936

 

Le Comité Central du parti décida, après le contrôle des cartes de 1935 et comme suite à celui-ci, de changer les cartes pour tous les membres. L´objectif principal était de ne donner des cartes qu´aux vrais membres du parti, aux communistes dévoués. Les directives du parti étaient très précises et plaines de détails que personne n´avait le droit de négliger. D´abord, aucun changement de cartes ne pouvait avoir lieu quelque part sans que le contrôle de 1935 n´y fût officiellement clôturé. Ensuite, seul le secrétaire du parti était autorisé à délivrer des nouvelles cartes. Bien plus, le changement de cartes ne pouvait se faire que dans le bâtiment où le secrétaire du parti avait son bureau et seulement en présence du membre concerné et du secrétaire de la cellule du parti à laquelle ce membre appartenait. Après avoir décliné son identité, le membre devait remplir un formulaire en deux exemplaires. Le membre devait par la suite remplir sa carte de membre et les deux formulaires en présence du secrétaire du parti et avec ce dernier comme témoin. Le secrétaire faisait aussi la même chose puis cachetait la carte. Les cartes devaient avoir les photos des membres propriétaires, faute de quoi elles étaient déclarées non valables. Les nouvelles cartes n´étaient envoyées qu´aux secrétaires régionaux du parti par l´entremise de la poste du service de sécurité NKVD; elles n´étaient remplies qu´avec un encre spécialement envoyé par le comité central. Toutes les signatures des secrétaires du parti qui avaient été autorisés à délivrer les cartes, étaient gardées dans des archives spéciales de la direction centrale du parti. Le changement des cartes pour des millions de membres était, de la part de la direction centrale du parti, une tentative sérieuse d´établir un véritable document authentique très difficile à falsifier.

 

Le changement des cartes n´avait donc pas pour objectif de découvrir davantage d´ennemis du parti et d´initier une nouvelle campagne des purges. Le comité central du parti avait mis l´accent sur l´idée contraire dans sa directive émise à cet effet: ”Si lors du contrôle des cartes, les organisations du parti visent spécialement la découverte des ennemis infiltrés dans le parti, les aventuriers et les escrocs, dans le changement des cartes elles doivent se débarrasser des membres passifs lesquels ne méritent pas la qualité de membres, et des gens qui sont devenus membres du parti par hasard”[24].

 

Seulement 2 % d´exclus

 

Le changement des cartes devait avoir lieu de février à avril 1936. Mais il dut, dans certains endroits, se terminer beaucoup plus tard, en novembre 1936. Il n´existe pas de statistiques nationales sur le nombre de membres exclus enregistrés pendant cette période mais les chiffres de Smolensk nous donne un nombre très limité. Dans la section du parti de Smolensk, 4.348 cartes avaient été délivrées et 97 personnes, soit environs 2,1% des membres avaient été exclues[25]. On apprend aussi qu´environs le même pourcentage avait été rapporté concernant le reste de l´ensemble des districts de la Région ouest. La plus grande majorité des exclus est malheureusement composée des membres de base au passé de travailleurs qui avaient été considérés comme des membres passifs.

 

Même le changement des cartes de 1936 a été utilisé par Robert Conquest et d´autres falsificateurs de l´histoire dans le but de mener une campagne sale contre le socialisme. Conquest prétend que des purges massives des membres avaient été faites pendant cette période de changement des cartes. Selon Conquest tout avait été provoqué par Staline dans le but d´attiser l´attention contre l´opposition avant la tenue du procès contre le Centre Trotski-Zinoviev du 16 au 24 août 1936 dans lequel Zinoviev, Kamenev et Smirnov étaient les principaux  personnages. Ces personnalités étaient accusées d´avoir participé à la conspiration conduite de l´étranger par Trotski pour éliminer les dirigeants soviétiques et prendre le pouvoir. Les allégations de Conquest sur les purges de 1936 n´ont pas connu de contradiction pendant longtemps. Les chiffres donnés par Getty après ses recherches sur les archives de Smolensk démontrent que les contes de Conquest étaient totalement mensongers. En vérité, les purges de 1936 qui étaient de l´ordre de 2 à 3 % de membres, avaient été les moins élevées de toute l´histoire du parti. 

 

Les procès politiques de 1936-1938 en Union Soviétique

 

Les procès politiques et les purges du Parti Communiste étaient deux événements différents qui n´avaient aucun lien entre eux. Les membres du parti qui avaient été exclus et traduits devant la justice pour avoir participé à des activités criminelles ou avoir mené des activités anti-révolutionnaires constituaient un petit groupe d´exclus. Pour bien comprendre cette affaire, il faut essayer de comprendre l´histoire des procès des années 1930. La lecture bourgeoise de l´histoire ne donne pas de telles opportunités. Les bourgeois ont fait des événements de cette décennie 1930 en Union Soviétique une histoire confuse et un assemblage grossièrement falsifié des événements et des mythes, des demi vérités et des mensonges, une falsification où les purges et les procès pour trahison sont présentés comme un seul et même événement.

 

Les procès politiques avaient commencé avec le procès contre le Centre Trotski Zinoviev du mois d´août 1936, en fait le premier de quatre procès qui eurent lieu entre 1936 et 1938. Dans les médias bourgeois, ces procès sont désignés sous le vocable de ”procès de Moscou” et sont toujours décrits comme des histoires macabres sur ”la vengeance de Staline”, histoires aux cours desquelles des millions de gens furent nuitamment arrachées de leurs maisons pour être tuées dans les plus répugnantes conditions. Selon le livre de Peter Englund, Brev från nollpunkten, ils avaient été tuées avec une balle dans la nuque, dans des chambres ”insonorisées” avec  ”la bâche” sur le plancher ou ”des cannelures descendantes sur le plancher, de même nature que celles qu´on voit dans des boucheries”.  Englund affirme que ”les cadavres étaient ensuite amenés” par des gens ”portant des manteaux protecteurs, des chaperons, des gants en caoutchouc et des crochets” et chargés dans des camions où se trouvaient d´autres corps dévêtus qui attendaient”. Selon Englund la navette laissait derrière elle des goûtes de sang dans les rues de Moscou[26]!

 

Les récits de Englund sont puisés directement chez Conquest et d´autres journalistes écrivant pour la CIA. Englund est lui-même un pauvre ignorant sans ambition particulière et incapable de donner au lecteur suédois la vraie information sur l´Union Soviétique des années 1930. S´il est bien payé, il accepte volontiers de se livrer à toutes formes d´attaques contre le socialisme et l´Union soviétique.

 

Lors des soi-disant procès de Moscou, 55 personnes avaient été condamnés à mort et 7 à des peines de prison fermes. La plupart étaient des personnalités haut placées dans le parti, l´appareil de État, et l´armée qui étaient accusées de trahison, d´espionnage, de terrorisme, de sabotage, de corruption ou d´intelligence avec l´ennemi, l´Allemagne nazie. Les procès de Moscou étaient suivis des procès similaires organisés  dans le reste du pays contre les complices des accusés de Moscou et des centaines de saboteurs, d´espions et de traîtres de toutes sortes furent condamnés soit à mort, soit à des peines de prison. À l´exception des procès contre les militaires qui étaient tenus à portes fermées à cause des préparatifs de guerre contre l´Allemagne nazie, tous les procès étaient publics. Les procès de Moscou furent suivis par la presse internationale et par le corps diplomatique accrédité dans la capitale. Le protocole des trois procès publics de Moscou furent publiés sous forme de livre par le gouvernement soviétique et traduits dans plusieurs langues étrangères dont le suédois.

 

 

Historique des procès de trahison de 1936-1938 et les purges du parti

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Période de liberté des années 1920

 

Pour les historiens bourgeois et les activistes politiques petits bourgeois d´origine ”socialiste” ou ”de gauche”, la décennie 1920 soviétique est plusieurs fois décrite avec nostalgie par opposition aux  ”dures” années 1930. Pour eux, la décennie 1920 a été celle pendant laquelle la liberté régnait, le débat était permanent, l´art et la culture florissaient et l´individu avait beaucoup de possibilités pour s´exprimer librement et influencer l´évolution de la société.

 

Il y avait bien sûr la liberté de débattre et de participer à une vie culturelle au cours de la décennie 1920, mais ceci n’était pas seulement une caractéristique particulière de cette décennie. Au fur et à mesure que la société se développait et que se poursuivait la construction socialiste au cours des années 1930, divers secteurs de la population soviétique pouvait participer aux débats sociaux et à la vie culturelle riche et variée à un rythme jamais observé auparavant. Nous parlons ici des dizaines et des dizaines de millions de gens qui pendant cette décennie 1930, eurent accès à une société nouvelle, une société moderne offrant des opportunités diverses dans le domaine de la culture, du débat et de la connaissance.  Les quelques milliers de génies ”des années 1920 – la décennie de la liberté” pouvaient donc eux aussi être de bons génies. Mais il s´agissait d´une petite minorité privilégiée qui jouissait de la richesse culturelle et des débats sociaux d´alors. On ne peut pas les comparer aux dizaines de millions de gens qui eurent accès aux opportunités de même nature pendant la décennie 1930.

 

Lutte contre l´instauration du socialisme   

 

Ce que la bourgeoise salue dans la décennie 1920 en Union soviétique, ce ne sont pas les débats sociaux et le développement culturel, c´est plutôt la possibilité qu´avait l´opposition politique de lutter contre l´instauration du socialisme. Ce que la bourgeoisie apprécie davantage dans cette période, ce sont les activités de sabotage et de division auxquelles se livraient, au nom de la liberté, les divers groupes d´opposants et des fractions à l´intérieur du Parti Communiste. Tous ces groupes étaient constitués de mêmes gens que Trotski, Zinoviev, Kamenev, Boukharine, Smirnov, Rykov, Piatakov, Radek et Sokolnikov lesquels étaient à la tête du combat contre l´instauration du socialisme. Pour cette minorité au sein du Comité Central du parti, il n´existait aucune possibilité d´introduire le socialisme dans un pays sous-développé comme la Russie. Ceci était la position de Trotski. Pour eux, il fallait développer les relations de type capitaliste en attendant une conjoncture internationale favorable, la société socialiste ne pouvant être atteinte que dans un futur lointain.

 

Un autre exemple témoignant de la nature des contradictions ayant prévalu à l´époque  est la vision que développa Boukharine sur le développement du pays en 1925. Dans une déclaration sur la politique agricole en avril 1925, Boukharine, membre du Comité Central, appela les paysans à ”s´enrichir”. Ceci était son message sur les possibilités de développement de l´agriculture en Union soviétique. Même si Boukharine s´autocritiqua et que le Comité Central et Staline en personne l´acceptèrent[27], ceux-ci continuaient à s´interroger sur la nature d´une telle politique. Il n´y a qu´une façon de s´enrichir, c´est en exploitant les autres. Et seuls les grands fermiers, les koulaks, le pouvaient. Boukharine devait comprendre que son invitation aux koulaks pour s´enrichir constituait une exploitation accélérée des paysans pauvres. Le fond de sa pensée devait donc être que les paysans les plus riches allaient créer de nouveaux emplois aux petits paysans ruinés et appauvris au même moment où État recevait davantage d´impôts. De cette façon-là, les roues allaient donc ”commencer à tourner”.

 

 

Capitalisme ou socialisme?  

 

Les contradictions entre l´opposition et la majorité des membres du Comité Central concernaient le futur du pays, donc la question de savoir s´il fallait le capitalisme ou le socialisme. Ce fut la question principale de la 14è Congrès du parti de décembre 1925. Le Congrès se prononça sur le fait que l´Union soviétique, ”le pays de la dictature du prolétariat, a tout ce qu´il faut pour construire une parfaite société socialiste” et que l´objectif principal du parti était ”la lutte pour la victoire de la construction socialiste en Union soviétique”[28]. La résolution ainsi formulée avait été présentée comme la position officielle du parti, et elle liait tous les membres de celui-ci. Cette résolution décida donc de manière déterminante la question du développement politique de l´Union Soviétique dans l´avenir ainsi qu´au sein du Parti Communiste. Elle ne fut cependant pas suivie par l´opposition. Immédiatement après le Congrès, celle-ci commença, de manière organisée, à combattre  le travail du Comité Central du parti pour le socialisme. Au fur et à mesure que les années passaient et que des preuves concrètes de la justesse de la politique du Comité Central se manifestaient ouvertement, entre autres les résultats fantastiques de la production pendant le premier plan quinquennal, l´opposition devenait de plus en plus isolée et perdait de l´influence au sein du parti et de État  Petit à petit, le travail secret de l´opposition évolua vers une conspiration contre le gouvernement, du meurtre au sabotage en passant par l´espionnage et la collaboration avec l´Allemagne nazie, tout était donc permis.

 

Manque d´instruction 

 

Une autre contradiction, mais de nature toute différente cette fois-ci, existait aussi au sein du Parti Communiste pendant la décennie 1930. Lorsque le niveau d´instruction était très bas -ceci est un héritage des années 1920-, la bureaucratie avait une influence très importante au sein du parti. Au cours des années 20, le parti avait des difficultés à trouver des gens instruits pour les engager en qualité des fonctionnaires. Une partie de ceux-ci avaient joint le parti pour se procurer des avantages. Les fonctionnaires du parti eurent donc avec le temps beaucoup de pouvoir au point qu´ils se permirent, dans certaines situations, de menacer la position des travailleurs. Le manque d´instruction de ces derniers avait fait en sorte que la plupart d´entre eux n´osaient pas dénoncer les abus de pouvoir des fonctionnaires du parti, de s´en prendre aux fonctionnaires corrompus ou d´argumenter vis-à-vis des plus éloquents d´entre eux.  Une fois que le parti s´engagea fermement sur le chemin du socialisme, après le 15 ème Congrès du parti en décembre 1927, l´opposition ayant alors été totalement vaincue, le combat pour les droits et le pouvoir des travailleurs au sein de l´appareil du parti et contre la bureaucratie fut mis à l´ordre du jour. Les personnages en vue dans ce combat étaient Staline, Jdanov et d´autres camarades du Comité Central du parti. Kirov, qui fut assassiné sept ans plus tard, le 1er décembre 1934, était l´un de ceux-ci. Selon Staline, ce combat concernait ”la façon de penser des gens”. Ensemble avec Kirov et Jdanov, Staline expliqua que la plus grande partie des problèmes du parti pouvait être résolu grâce à l´éducation politique des membres du parti, ce qui fut fait au cours des années qui suivirent.

 

Le combat contre la bureaucratie au sein de l´appareil du parti   

 

Au 17ème Congrès du parti de janvier 1934, la question du combat contre la bureaucratie occupait une bonne place dans l´agenda des sujets à traiter. La direction du parti se battit pour le renouvellement des idéaux communistes en exhortant à l´étude, à l´autocritique, à la réorganisation et aux attaques contre la bureaucratie à tous les niveaux du parti. Le Congrès avait été organisé à une époque où la production industrielle et agricole avait atteint des niveaux fantastiques et était considéré comme étant ”le Congrès de la victoire”. Dans son adresse au Congrès, Staline résuma la situation de cette manière: ”Pendant cette période, l’U.R.S.S. s’est transformée à fond ; elle s’est débarrassée de son enveloppe arriérée et médiévale. De pays agraire, elle est devenue un pays industriel. De pays de petite culture individuelle, elle est devenue un pays de grande agriculture collectivisée et mécanisée. De pays ignorant, illettré et inculte, elle est devenue – ou plus exactement, elle devient – un pays lettré et cultivé, couvert d’un immense réseau d’écoles supérieures, secondaires et primaires, où l’enseignement se fait dans les langues des différentes nationalités de l’U.R.S.S.”[29].

 

Après la mort de Kirov en décembre 1934, la politique suivie jusqu´alors ne changea pas, au contraire. La campagne pour le renforcement des pouvoir des membres de base au sein du parti fut poursuivi contre les fonctionnaires corrompus, contre la bureaucratie. La direction du parti continua d´exhorter les membres au contrôle des cadres et à l´autocritique. La direction du parti exigea aussi une correcte application des statuts du parti de telle sorte qu´on put garantir la démocratie interne au parti et lutter contre les abus de pouvoir. Des contacts accrus furent aussi exigés entre les directions locales du parti et les membres. Le fait pour les directions locales du parti de connaître individuellement les membres du parti fut considéré par la direction centrale comme un progrès important pour se désengager d´un style impersonnel et bureaucratique. Il eut de nombreuses exigences de la part des membres de différents districts du parti mais cette évolution de la situation n´était pas toujours bien vue par les directions régionales du parti. Les purges frappèrent donc plusieurs leaders locaux du parti accusés d´abus de pouvoir ou tout simplement de passivité et d´ignorance. Mais le Comité central du parti ne put réussir d´approfondir toutes les questions et de les résoudre. Les exhortations à l´épuration des corrompus ou des leaders locaux négligents ne réussit que partiellement, parfois pas du tout. Les appareils locaux du parti brillèrent par leur capacité à se défendre contre les critiques des membres.

 

Les succès de l´Union Soviétique et la menace de l´Allemagne nazie

 

C´est de cette façon que se présentait la situation politique du Parti Communiste soviétique au cours des années 1930. Le parti avait, à l´aide de puissantes coopératives, conduit l´Union Soviétique à des succès incroyables dans la production et la construction de la société aussi bien dans les villes que dans les campagnes. L´Union Soviétique était dans le monde une force qui pouvait compter sur ses propres moyens.  Mais, au milieu des années 1930, le fascisme commença à atteindre un tel degré de puissance en Europe qu´il devint une menace directe contre l´existence même de l´Union soviétique. Appuyé et financé par la grande finance allemande depuis la fin des années 1920, Hitler avait construit le parti nazi et gagné des victoires électorales dans un pays où le chômage atteignait 10 millions de personnes. Nommé chancelier en janvier1933, Hitler eut bientôt tous les pouvoirs en. Tout naturellement, le gouvernement de l´Union Soviétique s´était aperçu de la montée en puissance du nazisme en Allemagne et devait en tenir compte dans sa planification sur le développement de l´Union Soviétique et la défense du pays. Les nazis avaient pris le pouvoir en promettant d´éradiquer le communisme et l´Union soviétique.

 

 

Résultat des élections nationales 1928-1932 en Allemagne en millions de voix.[30]  

Les cinq plus grands partis.

L´évolution du chômage pendant toutes ces années est aussi indiquée.

                                 1924       1928      1930      1931      1932      1932       1932      1934

                                               20 mai    14 sept.                31 juillet           6 nov.__________                  

Social-démocraties                  9,1         8,6                        8,0                        7,3

Communistes                           3,3         4,6                        5,3                        6,0

Centristes                                4,7         5,2                        5,8                        5,3

Nationalistes                            4,4         2,5                        2,2                        3,0

Nazis                                       0,8         6,4                      13,7                      11,7

Chômage             2 millions                           4 millions             6 millions             10 millions

 

 

 

Résultat des élections nationales 1928-1933 en Allemagne.[31]

Nombre de parlementaires.

 

                                           1928                1930                1932                1932                1933

                                           20 mai              14 sept.            31 juillet      6 nov.              4 mars

Social-démocraties              153                  143                  133                  121                  120

Communistes                      54                    77                    89                    100                  81

Centristes                            62                    68                    75                    71                    73

Nationalistes                       73                    41                    37                    51                    52

Nazis                                  12                    10 7                 230                  196                  288

Parti du Peuple bavarois      16                    19                    22                    19                    19

Parti du peuple allemand      45                    30                    7                      11                    2

Parti de État allemand          25                    20                    4                      2                      5

Parti industriel allemand       23                    23                    2                      2                      0

Autres partis                       28                    49                    9                      9                      7

 

Total                                   491                  577                  608                  582                  647

 

 

Observez que Hitler prit le pouvoir le 30 janvier 1933 et que les élections du 4 mars 33 eurent lieu pendant le nazisme. C´étaient les dernières élections auxquelles plusieurs partis avaient participé. Le Parti Communiste DKP avait été, une semaine avant les élections, faussement accusée d´être responsable de l´incendie du Parlement allemand qui eut lieu à Berlin le 27 février 1933. Le parti DKP fut poursuivi de manière implacable pendant les semaines des élections par les nazis. A cette étape, des milliers de membres de DKP étaient déjà arrêtés et envoyés dans des camps de concentration et des centaines de camarades dirigeants avaient déjà été assassinés par la Gestapo. Malgré toutes ces difficultés, le score de DKP aux élections fut très bon, 4,6 millions de voix et 81 parlementaire. Pendant la période de liberté limitée observée vers la fin des années 20 et jusqu´à la prise du pouvoir par Hitler, les communistes avaient réussi à gagner la sympathie  des travailleurs allemands à cause de leur idéologie basée sur la lutte des classes. Les social démocrates, avec leur politique de collaboration de classes, avaient fortement régressé.

 

L´Allemagne nazie, qui se renforçait militairement chaque année, était une menace contre l´Union soviétique. Vers le milieu des années 30, Hitler avait déjà dénoncé toutes les conventions internationales limitant l´armement de l´Allemagne et était entrain de faire  de cette dernière la plus grande puissance militaire d´Europe. Contre les deux milles avions militaires allemands, la France n´avait en 1937 que trois cents avions, et seulement la moitié de bombardiers. En ce qui concerne les chars, il n´y avait, en France, que quelques centaines alors que l´Allemagne en avait des milliers. L´Union Soviétique avait quand à elle initié une campagne d´armement de son armée sous forme de préparatifs militaires contre l´Allemagne. Le budget militaire de l´Union Soviétique était le double des budgets militaires de la France et de l´Angleterre réunis. L´Union Soviétique avait plus que jamais besoin d´un Parti Communiste vivant qui pouvait guider la société dans la guerre de défense que l´on savait s´approcher de plus en plus. Ce fut donc pour cette raison que le combat contre la bureaucratie et la corruption au sein du Parti Communiste de l´Union Soviétique et pour l´existence d´un parti réellement dirigé par les travailleurs fut l´une des plus importantes questions.

 

Procès contre le Centre Trotski-Zinoviev, 14-24 août 1936

(Le Procès Zinoviev-Kamenev)

 

Après le procès contre le meurtrier de Kirov et le groupe terroriste de Leningrad ainsi que le procès contre Zinoviev, Kamenev et les autres en janvier 1935, il y eût des suspicions qu´il existait en Union Soviétique plusieurs groupes d´opposants planifiant terreur et attentats et ayant participé à la conspiration contre le gouvernement. Ces suspicions s´étaient fortement amplifiées au cours des investigations entourant ces différents procès, et elles permirent de constater que les groupes terroristes avaient un dénominateur commun – ils étaient inspirés et orchestrés à partir d´un centre où les personnages clés étaient les opposants frappés de prison et d´exclusion au procès Zinoviev-Kamenev de janvier 1935. Ceci était du jamais vu dans l´Union Soviétique de l´époque. La gravité de la situation du moment, avec la menace que représentait l´Allemagne nazie, aurait dû faire converger l´attention, la pensée des gens vers un effort commun des forces en vue de mobilisation et de l´équipement du pays pour faire face au nazisme.

 

Au milieu de l´année 1935, on engagea une nouvelle investigation contre les politiciens et les fonctionnaires impliqués dans le groupe Zinoviev-Kamenev et dans ses activités antérieures. L´investigation conduisit, en août 1936 au procès contre le Centre Trotski-Zinoviev ou ”le Centre de Moscou”. Seize vieux trotskistes et des partisans de Zinoviev, tous d´anciens haut placés dans le parti et État (Zinoviev, Kamenev, Jevdokimov, I. Smirnov, Bakaiev, Ter-Vaganjan, Mratjkovski, Dreitzer-Golsman, Reingold, Pikel, Olberg, Berman-Juip, Fritz David(Krugljanski), M. Lurie, N. Lurie) étaient donc accusés pour avoir, en complicité avec l´organisation de Trotski en Allemagne nazie, organisé le sabotage, l´espionnage, les activités terroristes et les attentats contre des personnalités haut placées du gouvernement et du parti. Ce qui, des années auparavant était une opposition politique, était passé à la violence organisée. Vaincus aux élections du parti de 1927 sur l´orientation de la politique du parti où l´opposition récolta moins de 1 % des voix, les accusés n´avaient trouvé que la violence et le coup État comme moyen de prendre le pouvoir en Union soviétique. Les résultats fantastiques de la production, fruit du plan quinquennal et de la collectivisation de l´agriculture avaient mieux qu´autre chose politiquement éliminé les accusés. Ces résultats ne laissaient  à quiconque aucune possibilité d´organiser une quelconque plate-forme politique contre le gouvernement.

 

Terreur organisée

 

Au cours de l´interrogatoire, Kamenev fit lui-même cette déclaration. ”Nos espoirs que les difficultés que le pays traversait étaient insurmontables, que la situation de crise dans l´économie et l´échec de la politique économique initiée par la direction du parti l´était tout aussi, avaient depuis la première moitié de 1932 déjà ouvertement subi un naufrage. Sous la direction de SUKP du Comité central, on vainquit toutes les difficultés et le pays marcha victorieusement, rapidement et fortement sur la voie du développement économique. Nous ne pouvions pas nous empêcher de le constater. Nous pensions qu´il nous aurait fallu renoncé à la lutte. Mais la logique de la contre-révolution, l´ambition irrésistiblement manifeste de prendre le pouvoir nous conduisit dans une autre direction. La grande capacité du Comité central à résoudre toutes les difficultés qui se posaient, la victoire que la politique du Comité central a obtenue, produisirent chez-nous un courant d´amertume et de haine contre la direction du parti, mais surtout contre Staline”[32].

 

Le dénominateur commun pour les accusés était que tout était permis pour combattre le gouvernement de Staline ou bien comme le dit Zinoviev au cours de l´une des réunions secrètes du groupe tenue en 1932: ” la terreur est sûrement inconciliable avec le marxisme, mais pour le moment, il faut se débarrasser de telles réflexions”[33]. Les accusés reconnurent entre autres choses que c´était le Centre Trotski-Zinoviev qui avait planifié et exécuté le meurtre de Kirov.  Les détails concernant l´attentat manqué contre Staline et Vorochilov furent aussi connus. On révéla en même temps que de nouveaux attentats avaient été planifiés contre ceux-ci et contre Jdanov, Kaganovitch et d´autres. Un plan de coup État fut révélé pendant le procès.

 

Trotski au centre

 

Au cours ce procès qui fut public et auquel avait pris part le corps diplomatique et la presse internationale et où tous les accusés pouvaient parler librement, il y eut beaucoup de révélations inattendues. On découvrit par exemple que le personnage principal de la conspiration était Trotski lequel envoyait des directives à partir de l´étranger et exigeait des attentats contre les membres du gouvernement ainsi que les actes de sabotage et de terreur. Selon les récits des accusés, Trotski qui était alors en exil, venait à Berlin et à Copenhague pour des rencontres directes avec certains membres du groupe. Pour le reste, la terreur de Trotski fut orchestrée et exécutée par son fils Lev Sédov qui habitait Berlin et qui était le centre même de la conspiration.

 

Trois de seize accusés du procès contre le Centre Trotski-Zinoviev (I. Smirnov, Dreitzer, Goltsman) étaient plusieurs fois à Berlin en voyage de service et en profitaient pour rencontrer soit Trotski, soit Sédov qui leur donnaient des instructions directes sur les assassinats et les actes terroristes à commettre en Union soviétique. Cinq des seize accusés (Oldberg, Berman-Juirn, Fritz David (Krugljanskii), M. Lurie, N. Lurie) habitaient en Allemagne nazie et Trotski les envoyait en Union Soviétique pour commettre des attentats. Certains bénéficiaient de l´aide de la Gestapo pour se procurer des passeports, des armes et d´autres équipements. Ces accusés confirmèrent au procès qu´avec l´aide de Trotski, une collaboration étroite entre les trotskistes allemands et la Gestapo avait été initiée en 1933.  A leur arrivée en Union soviétique, ceux-ci étaient aidés dans leur mission par les agents nazis que la Gestapo avait placés en Union Soviétique. Tous les accusés du Centre Trotski-Zinoviev furent condamnés à la fin du procès. Le tribunal les avaient déclarés tous coupables et condamnés à de très fortes peines: ”exécution et confiscation de leurs bien personnels”[34] 

 

Complicités au sein du Parti Communiste

 

Au cours du procès, on découvrit que des personnalités importantes du centre de terreur, Zinoviev, Kamenev et Reingold, avaient des contacts au plus haut niveau du Parti Communiste et qu´ils entretenaient avec eux une collaboration politique dans le but de faire aboutir leur conspiration. C´était quelque chose de sensationnel. Des fonctionnaires haut placés du parti qui participent à une conspiration contre le Parti Communiste? Une conspiration pour commettre des sabotages, de la terreur et des meurtres? À cause de cette révélation, le  procureur déclara, le 21 août, pendant le procès, qu´”il ordonnait l´ouverture d´une enquête sur les déclarations concernant Tomski, Rykov, Boukharine, Uglanov, Radek et Piatakov”, et qu´”après les résultats de l´enquête le ministère public laissera le procès poursuivre son cours légal”. Même Sérébriakov et Sokolnikov qui avaient été cités à comparaître, ”devraient être mis à la disposition de la justice”[35]. Ceci concernait même le général Putna, un vieux trotskiste, fut aussi cité au cours du procès comme un participant aux activités de terreur des trotskistes.

 

Le corps diplomatique, un assemblage de vrais bourgeois et d´antisocialistes, assistait au procès, et ne douta jamais du sérieux de celui-ci, de son impartialité et de sa véracité. Un journaliste anglais internationalement reconnu de l´époque, le juge Denis Nowell Pritt, membre du parlement anglais, assistait au procès et en rapportait les nouvelles dans le journal londonien News Chronicle. Le juge Pritt avait fait ses études de droit au Winchesters et à l´Université de Londres. Il avait appris la procédure judiciaire en Allemagne, en Suisse, en Espagne et en Union Soviétique. Il connaissait bien le fonctionnement des tribunaux soviétiques. Le juge Pritt témoigna, dans News Chronicle, de l´impartialité et de la crédibilité du procès. Selon Pritt, la culpabilité des accusés ainsi que leurs crimes avaient été démontrés lors du procès.

 

Dans un article intitulé The Zinoviev Trial, le juge s´engagea même dans une polémique contre ceux qui doutaient du caractère correct du procès. Cet article fut traduit en suédois et publié par Arbetarkultur (1937) sous le titre de  Sinovjev och Kamenjev inför Folkets Domstol.  Présenter le point de vue du juge aujourd´hui est d´un intérêt historique évident. La campagne de mensonges contre l´Union Soviétique est plus grande que jamais. Nous nous donnons la liberté de présenter de longs extraits de cet article de 50 pages écrit par le juge Pritt. Son analyse du procès est par ailleurs applicable aux procès politiques postérieurs de 1937 et 1938 parce que les conditions étaient identiques, tout ayant été fait en conformité des pratiques d´usage en Union Soviétique. Lisons donc ce qu´un juriste anglais écrit de la procédure judiciaire en Union Soviétique.

 

”Zinoviev et Kamenev devant le tribunal du peuple”[36] 

Par D.N. Pritt

                                                       

”Ce qu´il y a de plus courant et de plus important des critiques qui ont été émises est qu´il est probablement incroyable que des gens se soient, aussi ouvertement et sans retenue, reconnus coupables des crimes aussi graves que ceux en question. On voudrait nous faire croire que ces aveux ont été obtenus par ”le troisième degré” ou par d´autres méthodes incorrectes ... Il est clair que la démonstration des preuves a été très valable, que les accusés, lorsque confrontés à ces preuves, ont choisi de se déclarer coupables alors qu´ils avaient la possibilité de les contredire. C´étaient des gens expérimentés, intelligents et instruits qui se déclarés coupables; à partir de ce moment, l´affaire était close. Mais pour beaucoup de critiques, l´affaire commence d´abord là, car les aveux, sous-entendent-ils, peuvent avoir été extorqués par brutalité, menaces et promesses. (....) Mais où se trouve la moindre allusion que des actes pareils ont eu lieu dans cette affaire? (...) Il est à mes yeux clair, pour plusieurs raisons, qu´il est impossible de parler d´aveux extorqués de force.

En ce qui concerne la plupart des accusés, on doit se rappeler qu´il s´agit des gens durs et plus particulièrement, des révolutionnaires expérimentés, des hommes qui, à voir leurs sources de connaissances, l´expérience individuelle de chacun d´eux, connaissaient toutes sortes de prisons et de procédures d´investigation, ils connaissait avant tout très parfaitement la mentalité  et la position des autorités qui avaient en mains leurs dossiers. S´il arrivait que le Commissariat du peuple en charge des affaires intérieures qui a repris le personnel et les fonctions de G.PU. obtenait les aveux par des fausses promesses de jugements cléments, personne ne serait sûrement mieux placé pour comprendre le caractère inutile de telles promesses dans des circonstances d´un procès tel que celui-ci, que les révolutionnaires expérimentés que j´ai vus sur le banc des accusés à Moscou. Bien plus, s´il rentrait dans les habitudes du Commissariat du peuple d´obtenir des aveux par violence, personne ne serait mieux placée que ces hommes pour résister à la violence et pour révéler par la suite au monde entier comment ils avaient été traités, dans un espoir sûr de discréditer de cette façon leurs ennemis et gagner la sympathie pour soi. S´il y avait eu des manipulations ou de la négligence, pour amener l´un de ces hommes à avouer, ils seraient sûrement mieux placés que quiconque sur cette terre pour découvrir et neutraliser le complot.

Il était cependant plutôt clair pour tout celui qui a suivi le procès, que les aveux verbaux qui y ont été faits ne pouvaient nullement avoir été dictés aux accusés et appris par coeur par eux. Aucun homme normal ne pouvait accepter de donner sa caution à une telle farce. S´il ne s´était agi d´un petit nombre de ”faits” bien définis, l´un ou deux individus parmi les accusés pouvait les avoir appris par coeur et les réciter par la suite. Mais il y avait seize accusés dans cette affaire, qui étaient entendus sur un tas de faits survenus au cours de plusieurs années et d´événements, qui avaient eu lieu à des endroits différents, séparés les uns des autres par des milliers de kilomètres, et dans lesquels l´un ou l´autre ou deux, trois ou quatre personnes étaient impliquées. Je doute que, dans une pareille farce, plus d´une personne ou deux auraient pu accomplir parfaitement son rôle sans trahir tout le complot ...   En plein interrogatoire, lorsque l´un des accusés disait quelque chose qui concernait un autre ou niait quelque chose qu´un autre avait affirmé, il arrivait qu´un autre se lève spontanément ou était invité par le ministère public.

C´est de cette manière que se résolvaient les contradictions et les malentendus, par un feu croisé des questions et réponses, d´affirmations et d´infirmations. De longues répétitions conduites par les plus grands acteurs n´auraient pas mis en scène  les participants dans un faux processus pouvant durer dix minutes dans une telle lutte  sans que cela soit découvert ... Le fait que cette forme d´interrogatoire ait été utilisée, sans qu´aucun de nombreux participants critiques eussent élevé sa voix pour dénoncer un faux ton, était une démonstration très convaincante  du caractère correct du procès ... J´ai une très bonne impression du correspondant de Moscou écrivant pour un journal conservateur du dimanche, (mieux que celle que j´ai des critiques assis plus dans la salle du procès, M.S.) qui écrivait: ”Il est inutile de penser que le procès est une mise en scène et que les accusations ont été fabriquées de toutes pièces. La cause défendue par le gouvernement contre les accusés est fondée. Un autre témoignage important sur la véracité des accusations est l´absence totale de l´allusion habituelle, observée dans tous les pays du monde, aux déclarations selon lesquelles les aveux ont été obtenus de manière incorrecte, nommément la tentative des accusés de retirer tout ou partie de leurs déclarations d´aveux.

Il me faut répéter une fois encore que si l´intelligence et le courage étaient nécessaires pour revenir sur ses propres déclarations, les accusés de ce procès avaient les deux à la fois. Si, pour que les accusés se rendent compte que la chance, au moins pour la plupart d´entre eux d´éviter la peine de mort, étaient minimale, aussi longtemps que leurs aveux  ne pouvaient être retirés, si pour tout cela l´expérience et le bon sens étaient exigés, alors, ils étaient pleinement capables d´en faire usage. Et il peut être utile de mentionner ici combien de chances ils avaient eu pour pouvoir dénoncer ces aveux. Ils auraient pu le faire immédiatement après la lecture des accusations portées contre eux. S´ils avaient laissé passer cet instant, chacun d´eux ayant été entendu pendant les trois premiers jours, ils pouvaient librement retirer les aveux. Bien plus, pendant l´interrogatoire, chacun des accusés avait, au moment où l´on interrogeait l´autre, la possibilité de se lever n´importe quand et d´expliquer à la cour ce qu´il voulait, de la contredire, de confirmer ou d´infirmer les propos de l´autre. Même lorsque le procès fut terminé et avant que le ministère public ne fit son réquisitoire, les accusés avaient été invités un à un, en conformité à la procédure en la matière, à présenter leur propre défense.

Tout naturellement et avec toute la compréhension possible, en tenant compte du fait que les accusés n´avaient pas, au vrai sens du mot, cherché à se défendre et que la règle générale, en matière de procédure, veut que ce soit toujours l´accusé qui a le dernier mot, ils ont renoncé à dire quelque chose à cette occasion lorsque le procureur avait la possibilité de répondre à leurs allégations. Ils avaient réservé ce qu´ils avaient à dire jusqu´au moment où ils allaient avoir ”le dernier mot”. Et lorsque le procureur fit finalement son réquisitoire au contenu très soutenu et à la forme bien ordonné, ils eurent finalement chacun son dernier mot, pour parler librement au tribunal. Ils jouirent tout naturellement de ce droit. Certains furent brefs, d´autres s´adressèrent au tribunal comme cela était de leur obligation, certains autres s´adressèrent sans se gêner et sans avoir été rappelés à l´ordre, au public présent dans la salle. Les répliques rapides de la part du ministère public et de la cour ne concernèrent même pas un dixième du temps que les accusés avaient eu à leur disposition. Si ces hommes instruits, expérimentés mais criminels, courageux, ne pouvaient pas saisir l´une de toutes ces occasions pour déclarer (sauf dans le cas où Holzman, alors qu´il l´avait admis pendant l´interrogatoire, expliqua, au début du procès, que lui tout comme Smirnov niaient leur participation aux actes de terreur) qu´ils souhaitaient retirer une ou partie de leurs aveux ou qu´ils avaient été traités de manière incorrecte même lorsque le procureur -et ceci est très important-, avec détermination, exigea la peine de mort pour eux tous ensemble et non pour l´un ou l´autre d´entre eux. Ils n´ont même pas fait signe d´exprimer le souhait de voir cette peine adoucie. Dans ces conditions, on ne peut pas arriver à une autre conclusion que celle qu´ils avaient avoué parce qu´ils étaient coupables et non parce qu´il y avait eu menace, procès ou quelque troisième degré”.

 

L´ambassade de Suède à Moscou

 

Il peut être intéressant de savoir ce que l´ambassade de Suède à Moscou faisait comme rapport au Ministère suédois des affaires étrangères sur la situation en Union Soviétique au moment du procès d´août 1936. Nous donnons ci-après deux extraits de longs rapports faits au ministère. Imaginez que ces rapports avaient été écrits par des hommes de droite avec tout ce que cela signifie en termes de préjugés contre l´Union Soviétique et le socialisme. Le premier rapport concerne la situation politique dans le pays.

 

”Déposé au Ministère Royal des Affaires Étrangères de la part de l´Ambassade Royale de sa Majesté

Moscou, le 24 septembre 1936

Eric Gyllenstierna (ambassadeur)

Confidentiel.

Concerne: Enquête au sein du Parti Communiste

(11 pages, à la fin de la page 10, ma remarque, M.S.)

 

Il faut peut-être enfin observer -bien que cela soit éventuellement un acte inutile-  que les récits captivants mais invraisemblables, qui sont sans préjugés propagés dans la presse internationale à propos du procès du mois d´août et cela dans l´intention de faire accroire à un public naïf que toute l´Union Soviétique était entrain d´exploser, que ceux-ci et d´autres publications excessives semblables n´ont rien de vrai, si dans certains cas, on cherche donc à se faire une idée sur les descriptions de guerre de la presse étrangère et certains faits en Union Soviétique”[37].

 

La persécution des capitalistes contre l´Union Soviétique pendant les jours du procès prit des proportions telles que l´ambassade de Suède à Moscou se sentit obligé de démentir ceci auprès du ministère des affaires étrangères pour éviter de graves erreurs de jugement sur l´Union Soviétique.

Le prochain extrait concerne le déroulement du procès même et la situation des accusés. Bien qu´ayant été fâché qu´il y ait un procès contre des hommes si gentils, l´ambassadeur Gyllenstierna était toutefois obligé de constater qu´il y avait effectivement eu actes de terrorisme.

 

”Moscou, le 25 septembre 1936

Légation de Suède

Le plus grand procès de complot

Confidentiel

(8 pages, à la 3è page, ma remarque, M.S.)

 

”Par ceci, on ne voudrait naturellement pas dire que les accusés (Zinoviev et Kamenev, c´est moi qui souligne, M.S.) pouvaient être disculpés de toute suspicion de participation à certains plans plus ou moins bien élaborés de détrôner les dirigeants actuels, lesquels sont haïs et dont le personnage principal est Staline, tout ceci dans le but de prendre le pouvoir. Que des plans pareils fassent aussi forcément partie d´une certaine conspiration, qu´au moins la saisie des moyens terroristes dans les cercles internes des mécontents soit discutable, parait aussi très vraisemblable.

Eric Gyllenstierna (ambassadeur)”[38]

 

Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste

23-30 janvier 1937

(L´affaire Piatakov-Radek)

 

Un parti fort, contrôlé fermement, par les membres de base ne plaisait pas à tous. Pour l´opposition politique qui s´était alliée au groupe de Trotski à l´étranger, un véritable parti des travailleurs était une menace contre leur existence. Le complot contre la direction du parti avait continué secrètement depuis leur échec politique au vote du parti de 1927. Mais après la mort de Kirov, la population était sur ses gardes, ce qui ne permit pas aux comploteurs d´accomplir leurs objectifs.

Les succès réalisés dans le domaine économique du pays ainsi que les résultats du plan quinquennal et de la collectivisation de l´agriculture avaient au même moment cassé l´unité des comploteurs. Une partie d´entre eux qui avaient pendant des années travaillé secrètement pour faire écrouler le gouvernement soviétique et le modèle socialiste du développement refusaient de se laisser influencer par les résultats de la production lesquels confirmait le bien-fondé de la politique du Comité Central du parti. Car il ne s´agissait plus seulement de théories, l´on pouvait maintenant effectivement voir les résultats dans la vie pratique. La division au sein du groupe des conspirateurs permit aux services de sécurité d´avoir plus de renseignements sur ses activités. Des conspirateurs déçus donnèrent des renseignements dont les conséquences étaient difficiles à mesurer.

 

Ils avouèrent leurs crimes

 

En raison de l´annonce que 17 fonctionnaires haut placés de État soviétique étaient accusés, devant la section militaire de la Haute Cour de justice soviétique en janvier 1937, il y eut une grande excitation à Moscou. (Piatakov, Sokolnikov, Radek, Sérébriakov, Livchitz, Mouralov, Drobnis, Bogouslavski, Kniazev, Rataïtchak, Norkine, Chestov, Stroïlov, Tourok, Hrasche, Pouchine et Arnold). Les personnages principaux du groupe étaient Piatakov, Sokolnikov, Radek et Sérébriakov. Pendant le procès public organisé à Moscou, les accusés reconnurent tous les faits qui leur étaient reprochés et racontèrent leurs activités respectives et celles de tous leurs complices. Les dix-sept accusés étaient membres d´une organisation secrète dirigée par le groupe trotskiste à partir de l´Allemagne. L´objectif de cette organisation était de faire tous les préparatifs nécessaires en vue de renverser par la force le gouvernement de l´Union Soviétique. Parmi les activités de l´organisation, on comptait le vol de l´argent de État, l´espionnage, le sabotage et les actes de terreur.

 

L´interrogatoire de Piatakov, le leader le plus important du groupe, est intéressant à connaître. Piatakov était plein de regrets, se sentait trompé par Trotski et il comprenait que son crime était d´une nature et d´une gravité telles que rien ne pouvait le sauver de la peine de mort. Piatakov donna au tribunal des informations détaillées sur la conspiration terroriste qu´il organisait de concert avec Smirnov, Radek, et Sérébriakov. Piatakov était un vieux trotskiste qui avait abandonné le groupe de Trotski en 1928. Piatakov était en 1931, un haut fonctionnaire de État, membre du Conseil national de l´économie nationale et président du comité directeur de l´industrie chimique. Environs un an plus tard, Piatakov allait devenir le vice commissaire du peuple pour la grande industrie. Piatakov décidait sur nombreux de grands projets industriels au cours du premier, et, en partie, au cours du deuxième plan quinquennal. Ses possibilités de saboter la construction socialiste étaient très grandes et comme nous allons le voir, il en utilisa certaines. L´ensemble des citations qui vont suivre sont extraites du procès-verbal du Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste. (23 – 30 janvier 1937), lequel fut traduit en français et publié par le Commissariat du Peuple de Justice de L’U.R.S.S.

 

Piatakov de retour au trotskisme

 

Piatakov raconta à la cour qu´il avait été réadmis à l´organisation trotskiste par Smirnov qu´il connaissait bien depuis les activités trotskistes des années 20. Ceci avait eu lieu au cours d´un voyage qu´il effectua à Berlin au printemps/été 1931, voyage au cours duquel il resta quelques mois en Allemagne. La mission de Piatakov cette fois-là était d´acheter des machines lourdes et des ascenseurs pour le compte de l´industrie de charbon soviétique. Ivan Smirnov faisait aussi partie de cette délégation. Lorsqu´il était dans l´armée soviétique, il tenait une position dans la direction de la garde de Trotski. D´autres anciens trotskistes comme Loginov, Moskalov et Chestov faisaient aussi partie de cette délégation. La politique du gouvernement soviétique de donner une chance à ceux qui avaient été dans l´opposition contre la construction socialiste lors des durs combats contre l´opposition vers la fin des années 20, ne fut pas une politique si réussie. Tous ces trotskistes et d´autres qui appartenaient à la droite ainsi que la soi disant gauche dans le parti, purent donc garder ou retrouver leurs anciens hauts postes, ce qui, au cours des années 1930, causa des grands dégâts à l´Union Soviétique.

 

Smirnov profitait de ses voyages de service à Berlin pour entretenir ses contacts avec Trotski à travers son fils Leo Sédov qui dirigeait l´organisation trotskiste en Union Soviétique à partir de cette même ville. Ce détail fut raconté par Smirnov à Piatakov lequel en fit à son tour part au tribunal. Smirnov lui avait aussi raconté que Trotski avait annoncé que la lutte contre le gouvernement soviétique et la direction du parti allait maintenant reprendre avec force, mais que les circonstances étaient telles qu´il fallait éviter la lutte politique. Selon Piatakov, Smirnov avait expliqué q’il ”fallait renoncer aux méthodes de lutte de masse ; que la méthode essentielle de lutte à employer était celle du terrorisme et, comme il  s’était exprimé alors, la méthode de l’opposition aux mesures du pouvoir soviétique”[39]. L´opposition devrait, selon Trotski, quitter la lutte politique pour la terreur, le sabotage et les attentats contre le gouvernement soviétique et les personnalités importantes du Comité Central. Smirnov avait informé Piatakov que Sédov voulait bien le rencontrer. Piatakov accepta et la réunion eut lieu quelques jours plus tard. Sédov confirma à Piatakov la nouvelle ligne politique de Trotski pour la prise du pouvoir par la terreur, le sabotage et les attentats, et le travail d´organisation en cours en Union Soviétique. Ils étaient donc entrain de mettre en place une grande organisation devant couvrir l´ensemble du pays, une organisation où les partisans de Zinoviev faisaient parti, et à laquelle la droite, avec des gens comme Boukharine, Rykov et Tomski étaient invités. Pour Sédov, Trotski considérait que ”la lutte dans le cadre d’un seul État était un non-sens” et que ”Dans cette lutte, nous aurions aussi à résoudre nécessairement la question internationale, ou plutôt les question entre États”[40].

 

Sédov recommande de voler

 

Vers la fin de cette réunion, Sédov affirma que Trotski avait demandé de savoir si Piatakov était disposé à participer à leur lutte. Piatakov accepta cette proposition. Lorsqu´au cours du procès le procureur Vychinski demanda à Piatakov:

”Vychinski – Comment expliquer que vous ayez si vite consenti à reprendre cette lutte contre le Parti et le gouvernement soviétique ?

Piatakov – Mon entretien avec Sédov n’en fut pas la cause ; il fit que me donner l’impulsion.

Vychinski – Par conséquent, avant aussi, vous vous en teniez à votre vieille position trotskiste ?

Piatakov – Il est certain que je gardais les vieilles survivances trotskistes, qui, plus tard, se sont de plus en plus accrues”[41].

C´est ainsi que Piatakov avait à nouveau rétabli ses contacts avec Trotski. Avant que Piatakov ne quitta Berlin, Sédov voulait à tout prix le rencontrer une fois de plus. De cette réunion Piatakov raconta à la cour que Sédov l´avait informa ouvertement qu”´il faut de l’argent. Vous pouvez nous fournir les fonds nécessaires pour mener la lutte ”.

Piatakov raconta davantage sur la proposition de Sédov: ”il donnait à entendre que, étant donné ma position de service, je pouvais soustraire quelque argent de État, c’est-à-dire tout simplement voler. Sédov dit qu’on n’exigeait de moi qu’une seule chose : que je passe le plus de commandes possible aux deux maisons allemandes « Borsig » et « Demag », et que lui, Sédov, s’entendrait sur le moyen d’en obtenir les sommes nécessaires à la condition, naturellement, que je n’insisterais pas trop sur les prix. S’il faut déchiffrer la chose, il était clair que les majorations de prix qui seraient faites sur les commandes soviétiques passeraient en entier ou en partie aux mains de Trotski pour ses finns contre-révolutionnaires”[42]. Par la suite, Piatakov chercha à exécuter ce Sédov lui avait demandé,

 

Littlepage parle de Piatakov

 

Il peut être intéressant de rappeler que l´une de ces commandes faites au printemps 1931 et qui devrait procurer de l´argent à Trotski ne fut jamais exécutée. Cette affaire a été exposée par l´auteur dans ”Les mensonges sur l’histoire de l’Union Soviétique – D’Hitler à Hearst, de Conquest à Soljenitsyne”. L´ingénieur américain Jonh Littlepage, un expert en industries minières qui travaillait sous contrat en Union Soviétique, parle de cette affaire dans son livre, In Search of the Soviet Gold. Littlepage était là comme représentant de la direction des industries des mines d´or dans la grande délégation que dirigeait Piatakov à Berlin au printemps 1932. Littlepage refusa de valider une grande commande d´ascenseurs industriels de mauvaise qualité que Piatakov avait faite, ce qui fit annuler la transaction. Le récit de Littlepage sur le sabotage dans les mines de cuivre et plomb  et sur ses suspicions contre la haute direction du trust du cuivre et plomb dans lequel Piatakov était le plus haut placé, n´était pas connu en 1937 lorsque le procès contre ce dernier eut lieu. Publié à Londres en 1939, le livre de Littlepage est une compilation des preuves contre l´opposition politique en matière d´espionnage industriel en Union soviétique.

 

Littlepage écrit: ”il n´était naturellement pas de mon droit de mettre en garde mon employeur communiste contre leurs propres membres du parti, certains russes peuvent cependant témoigner du fait que je leur avais fait part de ces suspicions depuis 1932 après avoir travaillé deux mois dans une mine de cuivre en Oural”[43]. Les mines étaient une section du grand trust de cuivre et de plomb où le responsable le plus élevé était Piatakov, vice commissaire du peuple pour l´industrie lourde. La situation était catastrophique dans les mines aussi bien en ce qui concernait la production qu´en ce qui concernait la santé des travailleurs. La conclusion de Littlepage était que le sabotage était organisé par la plus haute direction du trust du cuivre et de plomb.

 

Piatakov organise le Centre trotskiste et le sabotage

   

En Union Soviétique Piatakov travaillait à l´organisation d´un nouveau centre de contre-révolution lequel devrait fonctionner comme une organisation de réserve au cas où celle de Zinoviev-Kamenev  tombait entre les mains de la police.  Cette organisation devint, avec la bénédiction de Trotski, plus tard une vraie organisation trotskiste appelée un centre parallèle, une alternative à celle de Zinoviev et aux activités de l´ancienne gauche du parti. Le centre parallèle étendit ses activités jusqu´en Oural, en Sibérie de l´ouest et en Ukraine, aux villes comme Kharkov, Dniepropetrvsk, Odessa, Kiev, etc. Kamenev utilisait sa position et l´influence qu´elle lui procurait pour envoyer saboteurs et meurtriers partout en Union Soviétique. Ils eurent des postes de chef dans les constructions et les fabriques dans les plus importants projets industriels. (Chestov: chef de Chakhtstroï dans le bassin de Kouznetsk, Livchitz: chef des chemins de fer en Ukraine, Kartsev: ingénieur en chef dans le trust de Kémérovo, Drobnis: chef adjoint dans les constructions de Kémérovo, Kolégaïev: chef de l´Ouralsredmed - usine de cuivre de l´Oural central, Julin: chef de Sredouralmedstroï -construction de l´usine de cuivre de l´Oural central, Rataïtchak: chef de Glavkhimprom -comité de direction des industries chimiques, Mariassine: chef des chantiers de l’Usine de Construction de Wagons de l´Oural etc.). Piatakov décrivit en détail les activités de l´organisation trotskiste devant la cour. Donnons un exemple.

 

Piatakov parle de sabotage en Ukraine, en Sibérie de l´Ouest et en Oural

 

Piatakov: ” J’ai déjà dit que le sabotage avait été déployé en Ukraine, surtout dans le domaine de l’industrie chimique du coke. Il consistait en ceci : les fours à coke en construction étaient mis en exploitation sans être achevés, ce qui avait pour résultat qu’ils se démolissaient vite ; à noter surtout que dans ces usines les services chimiques ne se construisaient presque pas du tout ou leur construction était retardée ; de ce fait, les fonds immenses investis dans l’industrie chimique du coke se dépréciaient de moitié, sinon des deux tiers. La partie la plus précieuse du charbon, sa partie chimique, n’était pas utilisée, se volatilisait. D’autre part, les nouvelles batteries à coke étaient mises hors d’usage. Le groupe trotskiste de Sibérie occidentale faisait un travail de sabotage actif dans l’industrie houillère. Ce travail était réalisé par Chestov et son groupe. Il y avait là un groupe assez nombreux qui s’efforçait, surtout, de provoquer des incendies dans les mines de charbons cokéfiables. Le travail de sabotage s’effectuait au combinat chimique de Kémérovo. Au début, il consistait à retarder la mise en exploitation des entreprises en construction ; les fonds en étaient éparpillés entre des constructions secondaires, et c’est ainsi que d’immenses ouvrages se trouvaient tout le temps en construction et n’étaient pas prêts pour être mis en exploitation. En ce qui touche les centrales électriques, il consistait à diminuer l’actif de la balance énergétique de tout le bassin de Kouznetsk”.

 

”Dans l’Oural, il y avait deux entreprises fondamentales su lesquelles se concentraient tous les actes de sabotage. La première, c’était cette de l’industrie du cuivre, et la seconde, l’usine de construction de wagons de l’Oural. Dans l’industrie du cuivre, il s’agissait, avant tout, de réduire les possibilités de production des usines de cuivre en activité. L’usine de cuivre de Krasnoouralsk dilapidation du cuivre qui entrait à l’usine ; on enregistrait des pertes et les usines de cuivre de Karabakh ne remplissaient pas leur programme de production ; il s’y faisant une immense considérables. L’usine de Karabakh était constamment dans la fièvre. A l’usine de Kalatinsk, la fabrique d’enrichissement marchait tout le temps de façon défectueuse ; il y avait aussi des actes de sabotage. Dans l’ensemble, ce travail était fait par Kolégaïev, administrateur de l’Ouralsredmed”[44].

 

Découragement et indécision s´emparent des trotskistes

 

Piatakov poursuit sa description du sabotage pendant le procès et démontre qu´en général, c´étaient les chefs qu´il avaient installés à la tête des usines qui organisaient le travail de destruction. Dans l´industrie de la défense, Piatakov avait confié à Norkine la mission ”qu’il fallait préparer, pour le moment de la guerre, la mise hors d’usage des entreprises de la défense, par des incendies et des explosions”[45]. Piatakov et Radek devirent petit à petit réticents. La raison de cette attitude fut que Trotski, estimait, dans l´une de ses directives, que le centre trotskiste parallèle ”ne faisions que bavarder ” et il exigeait que ”que des actes déterminés de terrorisme et de sabotage fussent accomplis”.  Selon la lettre de Trotski, ceci ”n’était pas quelque chose d’accidentel ou simplement une des méthodes de lutte aiguë qu’il proposait, mais qu’elle était une partie constitutive, essentielle de sa politique et de sa position présentes”.[46]

 

Et Piatakov de poursuivre: ” Dans cette même directive - on était au milieu de 1934 – il posait la question que maintenant, avec l’arrivée de Hitler au pouvoir, il était parfaitement évident que sa thèse à lui, Trotski, sur l’impossibilité d’édifier le socialisme dans un seul pays, s’était parfaitement vérifiée ; qu’un conflit militaire était inévitable et que si nous, trotskistes, désirons nous conserver en tant que force politique quelconque, nous devions d’avance, après avoir pris une position défaitiste, non observer et contempler passivement, mais encore préparer activement cette défaite. Pour cela, il fallait former des cadres ; or, les cadres ne se forment pas rien qu’avec des paroles. Aussi fallait-il réaliser un travail de sabotage approprié. Je me rappelle que dans cette directive Trotski disait que, sans l’appui indispensable des États étrangers, le gouvernement du bloc ne pourrait ni accéder ni se maintenir au pouvoir (bloc: l´ensemble de l´opposition, avec les trotskistes en tête, c´est moi qui souligne, M.S.). C’est pourquoi il était nécessaire de réaliser un accord préalable avec les États étrangers les plus agressifs, tels que l’Allemagne et le Japon, et que lui, Trotski, avait entrepris des démarches en vue d’un contact tant avec le gouvernement japonais qu’avec le gouvernement allemand”[47].

 

La directive de Trotski de travailler pour l´échec en cas de guerre

 

La directive de Trotski offrait une autre alternative à la stratégie de prise de pouvoir par son organisation. Ce n´était plus seulement par meurtre des personnalités importantes du gouvernement et du Comité central du parti ainsi que par sabotage avec instabilité politique comme résultat. C´était maintenant quelque chose de nouveau: Travailler pour la défaite de l´Union Soviétique dans la guerre à venir et prendre le pouvoir État avec l´aide de l´Allemagne nazie et les fascistes japonais! Selon Trotski, il était nécessaire de ”se retirer dans le capitalisme” et ”il s’agissait, par conséquent, d’obtenir, par en accord correspondant avec les gouvernements de ces pays, une attitude favorable à l’accession du bloc au pouvoir et, par suite, grâce à une série de concessions faites à ces pays, à des conditions fixées d’avance, de s’assurer leur soutien pour se maintenir au pouvoir”[48].

 

À la question du procureur Vychinski à Piatakov sur son homme de confiance Radek,  celui répondit que la directive de Trotski concernant la prise du pouvoir par le bloc trotskiste après l´échec de l´Union Soviétique dans la guerre contre l´Allemagne nazie, était ”c’était le retour au capitalisme, la restauration du capitalisme. La chose était voilée. La première variant renforçait les éléments capitalistes ; il s’agissait de la transmission, à titre de concessions, d’entreprises économiques importantes et aux Allemands et Japonais ; d’engagements de fournir à l’Allemagne des matières premières, des produits alimentaires, des graisses, à des prix inférieur aux prix mondiaux. ”[49]. Les conséquences internes de cette politique étaient manifestes. ”Autour des concessionnaires allemands et japonais se concentreraient les intérêts du capital privé en Russie”. Selon Radek, Trotski pensait que ”la transmission aux Allemands, au cas où ils l’exigeraient, des usines qui seraient d’une valeur spéciale pour leur économie”.  Radek déclara en plus que Trotski expliquait dans ses lettres, ”Que, probablement, des concessions territoriales seraient nécessaires… il s’agissait de satisfaire l’expansion allemande en Ukraine. Pour ce qui est du Japon, Trotski parlait de céder la région du fleuve Amour et la Province Maritíme”[50] (de l´océan pacifique, MS).

 

Trotski confirme sa collaboration avec le nazisme

 

Piatakov et Radek furent effrayés par la directive de Trotski et demandèrent de conférer personnellement avec lui. L´occasion s´offre en décembre 1935 lorsque Piatakov se rendit à Berlin en mission de service. Les trotskistes allemands, agissant de manière toute secrète, procurèrent un passeport allemand à Piatakov et c´est avec ce document reçu des mains de Sédov, que Piatakov se rendit à Oslo où habitait Trotski. L´entretien dura deux heures et Trotski confirma les directives de sa lettre. Trotski était déçu du travail du centre parallèle et le trouvait de très mauvaise qualité. En bref, Trotski exigea davantage de sabotage et de destruction contre les constructions et les fabriques et souhaita qu´on devait procéder à l´exécution d´une série d´attentats meurtriers contre les personnalités importantes en Union Soviétique dont avant tout Staline. Concernant les concessions à faire aux Allemands, Trotski déclara ”qu’il menait d’assez longs pourparlers avec le vice-président du parti national-socialiste allemand, Hess”[51] et qu´un accord avait été conclu.

Trotski alla plus encore. Il exigea de Piatakov que le centre parallèle puisse ”c’est de former des cadres pour une guerre éventuelle, c’est-à-dire préparer des agents de diversion et de destruction, des auxiliaires pour l’offensive fasciste contre l’Union soviétique”[52].

 

Piatakov raconta au procès qu´un nouvel élément était intervenu dans son entretien avec Trotski.

” Piatakov – Ce qu’il y avait de nouveau, si vous voulez, a été formulé d’une manière assez nette : l’organisation trotskiste se transformait au fond en appendice du fascisme. Ce n’est qu’alors que cela devint clair pour moi”[53].

L’entretien avec Trotski ”provoqué chez Radek et chez moi une impression fort désagréable et nous nous sommes tracé une ligne de conduite. Nous n’avons pas renoncé et nous continuions à faire ce que nous faisions” et Piatakov comprit ”se trouver dans une impasse”[54]. Le centre trotskiste parallèle continua à exécuter les exigences de Trotski, mais il s´agissait maintenant d´agir rapidement en faisant des attentats pour tuer les leaders membres du Comité Central -Staline, Molotov, Kaganovitch, Vorochilov, Ordzjonikidze et d´autres. Piatakov raconta tout ceci au cours de procès, devant la presse internationale et le corps diplomatique. Les activités du centre parallèle continuèrent jusqu´au début de 1936 lorsqu´il fut découvert et que ses membres furent arrêtés.

 

Les activités des trotskistes en Allemagne nazie et aux États-Unis

      

Les informations sur la collaboration de Trotski avec le parti nazi et la Gestapo sont considérées par les trotskistes d´aujourd´hui et leurs admirateurs libéraux et anticommunistes avec suspicion. Ils refusent d´accepter les faits qui avaient été présentés dans plusieurs procès publics. On n´a toutefois pas seulement besoin de se limiter aux faits déclarés au tribunal pour conclure à l´existence de la collaboration entre Trotski et la Gestapo. Depuis 1934, l´Allemagne nazie était un État policier dans lequel moins d´une année après la prise du pouvoir par les nazis, plusieurs milliers de communistes allemands étaient toués et où plusieurs dizaines de milliers d´autres communistes étaient enfermés dans des camps de concentration. Rien ne se passait en Allemagne sans l´autorisation de la Gestapo. Absolument aucune activité politique et en tout pas d´activités où les révolutionnaires russes étaient impliqués. Le grand travail d´organisation politique auquel s´adonnait Leo Sédov ne pouvait être fait qu´avec l´autorisation et la collaboration de la Gestapo et avec les moyens matériels et financiers fournis par celle-ci. Aux États-Unis, un groupe trotskiste s´était organisé pour apporter son soutien à la lutte de Trotski contre le gouvernement soviétique. L´objectif principal du groupe était de trouver, à l´aide de la propagande, un appui très large de la part de la population contre l´Union Soviétique. Le groupe organisa des intellectuels connus et eut un large accès à la presse. Mais ce n´était pas n´importe quel journal qui publia le manuscrit de Trotski. Trotski avait directement remis ses articles à la presse pronazie Hearst. William Hears était le magnat de la presse qui déclara ouvertement ses sympathies pour Hitler et le nazisme. En 1934, l´année où Hearst rencontra Hitler, les journaux de Hearst devinrent la grande presse de propagande du nazisme aux États-Unis. C´était là-bas que Trotski envoyait ses lettres pour publication. On pouvait donc voir côte à côte les écrits de Trotski et la chronique de Mussolini lequel avait sa propre colonne dans la presse de Hearst, et dans la propagande ouvertement naziste de Göring. Les articles de Trotski avaient une place de choix dans la propagande nazie contre l´Union soviétique.

 

Le jugement contre les membres du centre trotskiste tomba le 30 janvier 1937 à 3 h 00 du matin. Treize des accusés - Piatakov, Sérébriakov, Mouralov, Drobnis, Livchitz, Bogouslavski, Kniazev, Rataïtchak, Norkine, Chestov, Tourok, Pouchine et Hrasche  furent condamnés à la plus haute peine – la peine de mort. Trois des accusés – Radek, Sokolnikov et Arnold – furent condamnés à 10 ans de prison. Stroïlov fut condamné à 8 ans de prison. Les condamnés aux peines de prison se virent confisquer les droits politiques pendant 5 ans. Les biens personnels des condamnés furent confisqués[55].

 

L´ambassadeur des États-Unis Joseph Davies parle de l´affaire Piatakov-Radak    

 

Un témoin du procès qui en a laissé un grand rapport et des écrits sur d´autres sujets relatifs à la situation en Union Soviétique de 1936-1938 est Joseph E. Davies, l´ambassadeur des États-Unis à Moscou à l´époque des faits. Davies a écrit un livre que l´auteur du présent article recommande avec insistance. Publié en 1941, le livre ”Comme ambassadeur des États-Unis à Moscou” rassemble toutes ”les dépêches  confidentielles, la correspondance officielle et personnelle ainsi que les journaux intimes et les notes”[56] que Davies prenait lors de ses contacts avec le président des Étas-Unis, Roosevelt, le ministre des affaires étrangères et sa famille aux États-Unis. L´ambassadeur écrivit aussi une petite brochure -Our Debt to Our Soviet Ally- à l´issue du premier anniversaire de la deuxième guerre mondiale en 1942. La brochure aborde les questions relatives à l´Union Soviétique et la deuxième guerre mondiale, elle soutient l´ouverture par les États-Unis d´un autre front de guerre en Europe contre l´Allemagne nazie.

 

Joseph Davies n´était pas un diplomate de carrière. C´était un avocat, un capitaliste et un homme d´affaires. C´était un élément de l´établissement capitaliste américain, un ami personnel du président Franklin Roosevelt. Davies était un admirateur de la démocratie américaine, et un antisocialiste engagé. Dans son discours d´adieu au personnel de l´ambassade, à la fin de sa mission à Moscou, il déclara entre autres que ”la valeur humaine, le caractère sacré de la vie et celle de la liberté et le respect de soi sont les grands avantages de la civilisation. Ces valeurs sont plus répandues aux États-Unis que nulle part ailleurs dans le monde.  Je ne me soucie nullement de la condition matérielle des enfants et des vieillards dans les régimes totalitaires et dictatoriaux. Si la liberté et les droits de l´homme doivent être sacrifiés, le prix à payer est donc très élevé”[57]. Ce qui rend Davies intéressant, c´est que pendant son séjour en Union soviétique, il s´est efforcé de connaître le pays et la gestion socialiste. Il avait sollicité, de la part du gouvernement soviétique, de voyager dans le pays, il y avait été autorisé, avec tout le soutien nécessaire. L´ambassadeur voyage donc partout dans le pays, visita plusieurs villes, des fabriques, des coopératives agricoles, des écoles, des hôpitaux etc. Il décrivit tout ce qu´il vit de manière objective et en fit rapport au département État américain.

 

La lettre de Davies au secrétaire État américain

 

En ce qui concerne le procès contre le groupe Piatakov-Radek, Davies écrivit une lettre ”hautement confidentielle” au secrétaire État américain le 17 février 1937:

”J´ai suivi avec beaucoup d´intérêt, avec l´aide d´un interprète, le déroulement du procès. Je reconnais volontiers qu´au départ, j´étais sceptique sur la crédibilité des aveux des accusés. Leur long procès, la durée de leur incarcération et les pressions et la violence éventuelles contre eux et leurs familles avaient soulevé des doutes rigides dans mon esprit sur la crédibilité de leurs déclarations. Après une appréciation objective de la situation et grâce à mon expérience des procès et de leur crédibilité, je suis donc parvenu, à contre coeur, à la conclusion que le procureur avait défendu son point de vue, tout au moins, jusqu´à démontrer l´existence d´une large conspiration, au sein des cercles politiques les plus élevés, contre le gouvernement soviétique; ce qui, avec l´application des lois existantes implique les infractions telles que l´accusation les a présentées”[58].

 

 

Conquest et le procès de trahison  

 

Il peut y avoir un certain intérêt à connaître l´interprétation que se fait la bourgeoisie du procès de trahison de février 1937. La référence principale de la bourgeoisie est comme d´habitude le livre, The Great Terror, de l´agent des renseignements Robert Conquest. Tous les autres soi-disant écrivains qui abordent ce sujet aussi bien en Suède qu´à l´étranger, sont seulement les disciples de Conquest. Il est impossible de citer ici, tous les mensonges de Conquest sur le procès. Contentons-nous de sa description du procès contre Piatakov.

Conquest écrit: ”Le fait que Piatakov fut sacrifié est peut-être l´indication la plus claire sur les motifs de Staline. Il avait sûrement été un opposant et un homme important. Ayant abandonné l´opposition en 1928, il s´était comporté de manière irréprochable et loyale ... Qu´y avait-il donc à lui reprocher? Il avait été l´un des critiques acharnés de Staline dans les années 1920. Il avait laissé dire qu´il considérait l´arrivée de Staline au pouvoir comme un malheur. Quels que soient ses ambitions, il était avant tout un leader potentiel”[59].  Nous avons déjà lu ce que ”la loyauté irréprochable de Piatakov” veut dire dans le procès-verbal du procès. Mais l´affirmation par Conquest que Piatakov  aurait  ”toujours” été  ”un leader potentiel” n´a rien à voir avec la réalité. A cette époque, l´opposition avait été depuis longtemps politiquement vaincue et n´avait plus d´influence politique en Union soviétique.

 

L´ambassadeur de Suède à Moscou par exemple, s´est exprimé dans ce sens lorsqu´il écrivit au ministère suédois des affaires étrangères le 28 juin 1937 pour faire le rapport du procès Piatakov-Radek. Gyllenstierna affirme qu´”il n´existe pas une opposition politique pouvant constituer un danger pour le pouvoir”[60].

 

Selon Conquest, ce procès pour trahison aura été une manière pour Staline de se débarrasser davantage d´hommes politiques rivaux dans le but de rester seul au pouvoir! Pour tout celui qui connait les déclarations faites par Piatakov au tribunal, les écrits de Conquest sont des affirmations ridicules. Même le livre de Littlepage paru en 1939, réduit à néant les mensonges de Conquest et révèle Piatakov comme un voleur et un saboteur. Mais ce sont les mensonges de Conquest que l´on propage dans les médias pour influencer les gens moins informés, ce sont ce genre de mythes que la bourgeoisie sert à la population. Dans les cercles de la classe bourgeoise, les choses étaient cependant présentées autrement. Jetons un coup d´oeil sur un autre document confidentiel envoyé par l´ambassadeur Gullenstierna au ministère des affaires étrangères à Stockholm.

 

L´ambassadeur Gyllenstierna parle du procès Piatakov

 

”Légation de Suède

Points de vue sur les aveux dans le récent procès Trotski (6 pages)

Moscou, le 3 février 1937

Confidentiel”

 

(Page 3:)

”On était frappé par le fait que les accusés, à quelques exceptions près, malgré une longue incarcération et la torture mentale difficile -et sûrement physique chez la plupart d´entre eux- qu´ils ont subies n´apparaissent pas particulièrement écrasés et déprimés. Ils étaient plutôt pleins de vivacité, l´un ou l´autre d´entre eux ayant même un petit sourire aux lèvres”.

 

(Page 4)

”Il est difficile de trouver une explication psychologique satisfaisante au comportement des accusés et à leur stratégie vis-à-vis du ministère public. Il est facile de se tromper dans l´interprétation de ce genre de choses, comme l´a montré l´expérience. Comme d´habitude, on va jusqu´à formuler l´hypothèse que les accusés ont subi une certaine forme d´influence médicale, qu´ils ont été drogués ou hypnotisés -une hypothèse qui, par manque de preuves, ne doit pas être prise en compte.

La principale explication habituellement avancée est que l´espoir de sauver sa propre vie, ou en tout cas, celle d´un membre de famille le plus proche, était déterminante dans leur attitude si étonnamment irresponsable vis-à-vis du procureur, et que l´envie si grotesque de passer aux aveux soit pour ainsi dire à assimiler à un véritable instinct de survie. Pour ma part, je doute que cette explication soit la bonne. L´expérience de l´affaire Zinoviev et d´autres affaires similaires devrait avoir enseigné que même les accusations personnelles les plus frénétiques et les accusations contre les coaccusés ne peuvent même pas suffi à amener le tribunal à adoucir les mesures de condamnation.

Pour le reste, il n´a pas non plus semblé que le grand nombre des accusés au moment des aveux était guidé par une sorte d´envie exagérée de plaire au tribunal et aux tenants du pouvoir. Au reste,  leur comportement  individuel contredît, comme j´ai cherché à le dire, cette affirmation... On ne le dira pas assez, ça ne sert à rien de fournir tant d´efforts pour comprendre le mystère de ces aveux. C´en est ainsi et ça devrait aussi demeurer un mystère psychologique.   

Eric Gyllenstierna”[61].

 

Gyllenstierna (1937) et Arch Getty (1999)

 

Selon l´ambassadeur Gyllenstierna, les accusés du procès Piatakov étaient ”pleins de vivacité, l´un ou l´autre d´entre eux avait même un petit sourire sur les lèvres” lorsqu´ils étaient entendus et avaient reconnu leurs crimes. Les accusés pouvaient en plus parler librement  et ils reconnurent leurs crimes, ce qui, pour l´ambassadeur Gyllenstierna, était ”un mystère psychologique”. Gyllenstierna refuse de comprendre que les accusés étaient réellement coupables et qu´ils n´avaient rien à opposer aux preuves irréfutables exposées par le ministère public. Gyllenstierna n´était cependant pas le seul. Toute la classe bourgeoise dans son ensemble et tous ses écrivains à l´exception près, hier comme aujourd´hui, était complètement étonnés des aveux des accusés. Chaque fois que cette affaire était d´actualité, à l´occasion d´une nouvelle recherche ou de la publication d´un livre, il y a eu de nouvelles théories  tendant à nier le fait que les accusés étaient effectivement coupables des crimes pour lesquels ils étaient amenés devant le tribunal. La dernière de la série de ces théories totalement incomparables et sans une autre explication que celle basée sur les fantaisies des auteurs est à lire dans le dernier livre de Arch Getty, The Road to Terror, Staline and the Self-Destruction of the Bolsheviks, 1932-1939[62]. Le professeur Getty qui a été l´un de quelques chercheurs bourgeois sérieux dans leurs recherches sur l´histoire de l´Union Soviétique, a dans cette question des aveux des accusés des procès politiques, complètement tapé à côté.

 

Le professeur Getty n´accepte pas le simple fait que les accusés étaient coupables. Ce genre d´affirmations n’est pas accepté dans les milieux fréquentés par Getty, milieux dans lesquels une ligne de pensée hostile et pleine des préjugés à l´égard de l´Union Soviétique et des louanges sur Trotski occupent une position dominante. Getty a, de cette manière, construit sa propre théorie pour expliquer les aveux des accusés. Ce qu´il appelle ”confession rituel[63]. Pour Getty, ces aveux faisaient partie d´un rituel qui constituait le fondement de toutes les pratiques qui, sous Lénine, prévalaient au sein du parti bolchevique. Le rituel consistait dans le fait que les membres devaient se subordonner au parti ou à sa nomenclature et reconnaître les infractions lorsque cela était exigé d´eux, même quand ils n´étaient pas coupables. Selon Getty, des gens non coupables étaient obligés de mentir et se sont laissés déshonorer devant leurs camarades, tout le peuple travailleur de l´Union Soviétique et le monde entier et pour l´avenir, et jugés en plus à la peine de mort et fusillés seulement pour montrer du respect à la nomenclature et pour l´unité du parti! Et tous ceux qui ne voulaient pas du rituel des aveux de Getty et refusaient de se reconnaître coupables des infractions qu´ils n´avaient pas commises étaient de toutes façons condamnés à mort. Pour le moins qu´on puisse dire, cette façon de voir les choses n´est pas naturelle, pour ne pas dire qu´elle est ridicule. L´on comprendrait qu´un homme confus pourrais pensé de cette façon, mais que, bien que non coupables, toutes les accusés aient accepté de se déclarer coupables, ne peut être accepté que par un scrutateur désordonné et confus. Dans ces conditions, on ne recherche pas la vérité, on veut tout simplement faire accepter sa propre théorie.

 

Les intrigues et les folies de Getty          

 

Il faut aussi constater que la plupart des accusés dans le procès de Moscou étaient d´anciens hauts fonctionnaires du Parti Communiste, des gens de la soi-disant tête du parti, la nomenklatura. Pourquoi donc une partie de la nomenklatura s´attaque-t-elle à une partie de cette même structure s´il n´y n’avait pas des crimes et des coupables? Malgré des centaines de page fatigantes du document et des théories compliquées où l´histoire est transformée en un récit désordonné truffé d´intrigues et des folies de toutes sortes, Getty n´arrive pas, dans  The Road to Terror, à donner une réponse à cette question. Tout ce qui finalement se dégage est, comme d´habitude, que tout était l´oeuvre de Staline, qui se tenait derrière avec son désir effréné du pouvoir et agissait dans le sens lui permettant de préserver le contrôle du système politique. Et Getty va si loin dans son livre qu´il s´autorise à déclarer qu´”aucune révolution des travailleurs n´a jamais exister” en Union Soviétique, que ”la nomenclature a survécu au socialisme et qu´elle a effectivement hérité le pays” et  qu´elle est devenue ”non seulement la ”nouvelle” élite dirigeante de 1990 mais aussi la propriétaire des richesses et propriété du pays”[64].

 

Peut-on parler de l´histoire dans ces conditions? Essayer de nous faire croire que tout était si simple, que la nomenclature qui existait il y a 60 ans est la même qui en 1990 a vendu le pays aux capitalistes? Comment donc peut-on sauter 60 ans d´histoire et fermer les yeux sur tout ce qui s´est passé pendant tout ce temps seulement dans le but de vendre sa ”théorie”? On ne peut pas oublier toutes les luttes de classes qu´il y a eu lors du combat pour le socialisme et pour une société sans classes. On ne peut pas non plus fermer les yeux sur la plus grande tragédie humaine, la deuxième guerre mondiale contre le nazisme et le fascisme. Une guerre qui, pour la plus grande part, a été menée et gagnée par l´Union Soviétique et dans laquelle une grande partie des meilleurs communistes et des jeunes ont donné leur vie pour la liberté, non seulement pour leur propre pays mais pour l´humanité. Cette guerre avait exigé une dizaine d´années de travail et laissé l´Union Soviétique en cendre et dans d´énormes problèmes économiques et sociaux. Peut-on tout simplement oublier tout ça? La plus grande tragédie de l´humanité n´a-t-il pas eu une influence sur l´évolution de la société dans le pays où la plus grande partie de cette tragédie a eu lieu? Getty a, avec son livre, fait un produit à la mesure de la classe capitaliste dirigeante. Il remet en question une partie de vieux mensonges sur l´Union soviétique, lesquels mensonges étaient impossibles à défendre. Il sait toutefois défendre  de nouvelles théories mensongères créées pour salir et suspecter l´Union Soviétique.

 

Les purges du parti de 1937 et la lutte contre la bureaucratie   

 

En 1937 il se posa deux problèmes sérieux de la solution desquels dépendait l´avenir de la construction du socialisme en Union Soviétique. L´un de ces problèmes était la conséquence des procès Zinoviev-Kamenev et Piatakov-Radek. Il était maintenant démontré que la vieille opposition n´avait pas déposé les armes. L´autocritique de jadis ayant été juste un jeu pour amuser la gallerie, une façon de se procurer des positions de direction dans la société. Leurs activités secrètes avaient continué de manière ininterrompue depuis les 1930 et personne ne savait vraiment combien ils étaient. Le second problème était la lutte contre la bureaucratie, la corruption et l´opportunisme dans le parti. Il s´agissait particulièrement des potentats locaux et régionaux que les membres de base ne pouvaient pas ou n´osaient pas dénoncer et qui, pour cette raison, restèrent confortablement installés dans leurs positions au niveau local et régional.

 

Pour traiter ces questions, le Comité Central dut se réunir en février 1937. Cette réunion devint donc comme le point de départ du combat qui fit rage pendant les années 1937-1938. Boukharine et Rykov prirent part à cette réunion et furent accusés à ses débuts d´avoir collaboré avec les ennemis du parti. Et même d´avoir fait partie, avec Trotski, d´une ligue contre révolutionnaire pour faire tomber le gouvernement soviétique. Les accusations contre eux étaient basées sur les données ayant pour origine les procès-verbaux du récent procès contre Piatakov, Radek et les autres etc. Boukharine et Rykov cherchèrent à se défendre mais ils furent, sur décision du Comité Central, considérés comme traîtres et exclus du parti. Leurs dossiers furent déposés auprès du parquet pour investigation et traduction devant le tribunal. Nous reviendrons plus loin sur cette affaire.     

 

Le discours de Staline

 

Pendant la réunion du Comité central. Staline fut un discours important sous le titre: Défauts du travail du Parti et mesures à prendre pour liquider les gens à double face, trotskistes et autres[65]. Ce discours, et la conclusion qu´en fit Staline, est un document de base pour tout celui qui veut comprendre l´histoire des événements des années 1930. Même d´autres camarades comme Molotov, Jdanov et Ejov soulevèrent d´importantes questions lors de cette réunion.

 

Dans son discours, Staline s´adressa aux membres du Comité central pour leur demander comment il était possible que des agents étrangers, des trotskistes et leurs alliés politiques pouvaient avoir accès aux organisations économiques et administratives de l´État soviétique et dans les organisations du parti pour y commettre des actes de sabotage, d´espionnage et de destruction. Staline demanda en plus comment ces éléments étrangers pouvaient avoir des postes de responsabilité et même recevoir de l´aide des camarades du parti haut placés pour se faire accorder des fonctions si importantes.

 

Staline présenta par la suite une liste des actes de sabotage et d´espionnage perpétrés au cours de l´année écoulées ainsi que la lettre de mise en garde du Comité central et poursuivit:

”Les faits ont montré que, pour entendre ces avertissements et signaux, nos camarades avaient l’oreille plus que dure. C’est ce qu’attestent avec éloquence les faits connus de touts, empruntés à la campagne pour la vérification et l’échange des cartes du Parti. Comment expliquer que ces avertissements et signaux n’aient pas eu l’effet voulu ? … Peut-être, nos camarades du Parti ont-ils perdu les qualités qu’ils avaient autrefois, sont-ils devenus moins conscients et moins disciplinés ? Non, certes non. Peut-être, sont-ils en voie de dégénérescence ? Non plus ! Une telle supposition est dénuée de tout fondement. Mais alors ? D’où viennent cette badauderie, cette insouciance, cette bénignité, cette cécité ? La vérité est que nos camarades du Parti, emportés par les campagnes économiques et les succès prodigieux remportés sur le front de l’édification économique, ont simplement oublié certains faits très importants que les bolcheviks n’ont pas le droit d’oublier. Ils ont oublié un fait essentiel touchant la situation internationale de l’URSS … Ils ont oublié que le pouvoir des Soviets n’a triomphé que sur en sixième du globe … et qu’il existe, en outre, un grand nombre de pays, pays bourgeois, qui continuent à mener un genre de vie capitaliste et qui encerclent l’Union soviétique, guettant une occasion de l’attaquer, de la briser ou, en tout cas, de saper sa puissance et de l’affaiblir”[66].

 

Les espions des pays capitalistes 

 

Staline passa ensuite à la partie du discours décrivant les conditions prévalant entre les pays capitalistes.

”Il a été démontré, comme deux fois deux font quatre, que les États bourgeois se dépêchent mutuellement, sur leurs arrières, leurs espions, leur saboteur, leurs agents de diversion, et parfois aussi, leurs assassins ; qu’ils leur donne comme tâche de s’insinuer dans les établissements et entreprises de ces États, et de les noyauter, et, « en cas de nécessité », de faire sauter les arrières de ces États, pour les affaiblir et saper leur puissance. … A l’heure actuelle, la France et l’Angleterre grouillent d’espions et d’agents de diversion allemands ; et inversement, les espions et agents de diversion anglo-français agissent, de leur côté, en Allemagne. Les États-Unis d’Amérique grouillent d’espions et d’agents de diversion japonais, et le Japon d’espions et d’agents de diversion américains. Telle est la loi des rapports entre États bourgeois. On se demande pourquoi les États bourgeois devraient observer envers État soviétique socialiste une attitude plus délicate et de meilleur voisinage qu’envers les États bourgeois de même type qu’eux ? Pourquoi doivent-ils dépêcher à l’arrière de l’Union Soviétique moins d’espions, de saboteurs, d’agents de diversion et d’assassins qu’ils n’en ont sur les arrières des États bourgeois congénères ? Où avez-vous été chercher cela ? Ne serait-il pas juste de supposer, du point de vue marxiste, que les États bourgeois doivent dépêcher à l’arrière de l’Union Soviétique deux fois et trois fois plus de saboteurs, d’espion, d’agents de diversion et d’assassins qu’ils n’en envoient à l’arrière de n’importe quel État bourgeois ? N’est-il pas clair que tant qu’existe l’encerclement capitaliste, existeront chez nous les saboteurs, les espions, les agents de diversion et les assassins dépêchés à l’arrière de notre pays par les agents des États étrangers?”[67]

 

Ce sont ces circonstances que les camarades haut placés dans le parti avaient, selon Staline, oublié, ce qui a conduit au sabotage et aux actes d´espionnage auxquels beaucoup ne s´attendaient pas. Concernant les succès économiques, il fut fait allusion à la négligence et à l´insouciance. Les véritables grands succès de la construction socialiste avaient amené avec eux la tendance à surestimer ses propres forces et à sous-estimer celles de l´ennemi. Les grands succès créent ”une atmosphère de triomphalisme de parade et des acclamations internes qui tuent le sentiment de la proportion, et à diminuer l´instinct politique et qui affaiblissent les hommes et les amène à ne rien entreprendre”[68].

 

L´encerclement capitaliste?

 

Et Staline de continuer en introduisant les pensées d´un fonctionnaire local du parti dans le sujet.

”L´encerclement capitaliste? Quelles histoires! Quelle signification peut-il avoir, cet encerclement si nous accomplissons et dépassons nos plans économiques? De nouvelles formes de sabotage, la lutte contre le trotskisme? Tout cela est ridicule! Quelle est la signification de toutes ces bagatelles si nous accomplissons et dépassons nos plans économiques? Les statuts du parti, le choix des organes du parti, l´obligation pour les leaders du parti de présenter leurs comptes devant la masse du parti? Tout cela est-il nécessaire? Est-il vraiment nécessaire de perdre du temps sur toutes ces petites choses si notre économie croît, et si la situation matérielle des travailleurs et celle des ouvriers s´améliorent? Tout cela est inutile! Nous surpassons nos plans, notre parti se porte bien, le Comité Central du parti se porte aussi bien, - de quoi donc avons-nous en plus besoin? C´est bizarre que des gens soient assis dans le Comité Central à Moscou et s´imaginent des choses, discutent sur une quelconque destruction, ils ne dorment pas eux-mêmes et ne laissent pas d´autres dormir...”[69].

 

Les cours du parti et les cours de Lénine

 

Staline énumère par la suite les erreurs commises dans le travail du parti et les solutions qu´il trouve nécessaires pour les résoudre. Il conclut par une proposition sur les études organisées pour les cadres du parti, des responsables des cellules jusqu´aux leaders des organisations du parti au niveau des régions et des conseils des républiques. Pour les leaders des cellules, des ”cours du parti ” de 4 mois étaient à organiser. Pour les leaders des districts, ”les cours de Lénine” étalés sur une période huit mois allaient être organisés dans les plus grandes villes de l´Union soviétique. Pour les leaders des organisations des villes, des cours de six mois, ”cours sur l´histoire du parti et la politique” étaient organisés auprès de SUKP (b) du Comité central.  Enfin, ”une conférence” de six mois  sur la politique intérieure et la politique internationale” était aussi organisée auprès de SUKP(b) du Comité Central pour les leaders au niveau des organisations des régions et des territoires et à celui des Comités Centraux des partis communistes nationaux. Les études étaient la seule voie à suivre pour résoudre les problèmes et les contradictions dans le parti, une ligne politique présentée par Staline, Jdanov et Kirov depuis Janvier 1934[70].

 

Dans la Conclusion à la réunion du Comité Central, Staline souleva d´importants sujets de contradiction constatés pendant le débat. Il indiqua entre autres que tous ceux qui avaient été trotskistes ou sympathisants des trotskistes et qui avaient changé de position et avaient bien travaillé pour le parti, n´étaient pas visés par le combat contre les destructeurs et les espions trotskistes. ”Dans cette question comme dans beaucoup d´autres, chacun doit être jugé individuellement. On ne doit pas incriminer tout le monde”[71].

 

Contrôler les fonctionnaires du parti

 

Le reste des questions soulevées dans la conclusion étaient toutes destinées à critiquer les fonctionnaires du parti dans leurs relations avec les membres de base du parti. Staline ne mâcha  pas les mots. Il commença par critiquer le choix des fonctionnaires du parti.

”Les fonctionnaires du parti ne sont pas élus sur des bases objectives mais plutôt sur des critères à caractère petit-bourgeois. D´habitude on vote les soi-disant connaissances, les amis, les gens provenant du même milieu, des gens auxquels on est attaché, des gens qui savent flatter leurs chefs -indépendamment de leurs idées politiques et de leurs connaissances. Il est clair qu´au lieu d´un groupe des dirigeants responsables, on se retrouve avec une clique de gens familiers, des proches, une sorte de cartel, dont les membres chercheront à vivre en paix pour éviter d´avoir des problèmes les uns envers les autres, qui se louent mutuellement et qui de temps en temps présentent des rapports dégoûtants et vides sur leurs succès à la direction centrale du parti.  Il n´est pas difficile de comprendre qu´il ne peut pas exister, dans un milieu aussi familier, de la place pour des critiques et de l´autocritique dans le travail de la part des dirigeants. Il est clair qu´un tel milieu familier crée un endroit favorable pour des lécheurs de souliers, de personnes sans dignité qui, pour cette raison, n´ont rien en commun avec le bolchevisme”[72].

 

Staline indiqua aussi la nécessité pour les fonctionnaires du parti d´être contrôlés non seulement par leurs supérieurs, mais surtout par les membres de base du parti.

”Tous les camarades croient que le contrôle ne peut se faire que de haut, lorsque les supérieurs contrôlent ceux qui sont sous leur autorité. Cette conception est mauvaise. Le contrôle d´en haut est naturellement nécessaire comme une mesure effective pour éprouver les fonctionnaires et se rassurer que le travail a été effectivement faite. Mais le contrôle exercé de haut est loin d´être le plus efficace pour éprouver les travailleurs. Il y a aussi une autre forme de contrôle, le contrôle d´en bas, lorsque ce sont les masses qui contrôlent les dirigeants, déterminent leurs fautes et expliquent comment celles-ci seront corrigées. Ce genre de contrôle est l´une des manières les plus efficaces d´éprouver les gens”[73].

 

Appliquer le léninisme

 

Staline critiquait très sérieusement ceux qui ne voulaient pas faire l´autocritique ouvertement parce que ceci serait considéré comme de la faiblesse laquelle serait utilisée au profit de la désorganisation et de l´affaiblissement.

”Ce sont des stupidités, chers camarades, des stupidités pures et simples. Reconnaître ses fautes et les corriger de manière honnête ne pourraient, au contraire, que renforcer notre parti et son autorité ... Épargner et garder les cadres en cachant leurs fautes est très sûrement la même chose que les détruire”[74].

 

En conclusion, Staline exhorta les leaders des sections du parti à écouter la voix des masses, une manière sûre de diriger. Il critiqua très fortement ”les relations formelles, bureaucratique et sans coeur de certains des nos camarades à des autres membres du parti ; pour la question des purges ou celle de remettre leurs cartes aux membres exclus”[75]. Selon Staline, les leaders doivent apprendre à connaître les membres, leur développement et leurs façons de vivre pour être à mesure d´apprécier chacun d´entre eux. Sans une telle connaissance, ”ils agiront sans discernement. Ou bien ils font une appréciation rapide et fait l’éloge de tout le monde, ou bien sermonnent tout le monde de manière aussi rapide, et excluent des milliers et des dizaines de milliers des membres du parti”[76]. Staline s´opposa contre toutes les purges à cause de la soi-disant passivité ou parce que les membres n´ont pas assimiler les statuts. Assimiler le programme du parti ne peut être fait que par des marxistes théoriquement éduqués et éprouvés.

 

Staline exhortait les leaders du parti à appliquer la formule léniniste dans le recrutement des membres au parti. Selon cette formule, ”le membre du parti c´est ceux qui reconnaît le programme du parti, paye ses cotisations et travaille dans l´une des organisations du parti”[77]. Aucun membre du parti ne devrait être exclu à cause de son manque de connaissance du programme et de la politique du parti. Staline appela cela de la politique sans coeur et de la bureaucratie extrême que d´exclure les travailleurs pour de petites fautes comme des retards a des réunions ou pour n´avoir pas payé les cotisations. Avant que la question des purges soit discutée, il faut qu´au préalable, une annotation, une mise en garde ou un certain temps d´observation ou d´amélioration, soit donnée à la personne concernée. Il était exigé des responsables du parti qu´ils devaient vraiment se soucier de la situation des membres. ”C´est cela justement que quelques de nos camarades manquent”[78], conclut Staline.

 

Les membres du parti se mettent à critiquer 

 

Lorsque le discours de Staline fut publié, comme d´ailleurs ceux de Molotov, Jdanov et Ejov, il devint un point de départ pour un débat dans la société. Le thème principal était la Conclusion de Staline et la proposition de Jdanov sur les votes secrets au cours des élections du parti. Cette proposition avait été adoptée au cours de la réunion du Comité Central du parti. Les thèmes qui attirèrent l´attention des gens concernaient aussi le pouvoir et le comportement des responsables ainsi que la démocratie du parti. Le procès Boukharine-Rykov et le besoin d’être sur sa garde contre les espions et les saboteurs furent aussi discutés ainsi que la critique sur les manquements des membres contre la discipline du parti. Mais la question principale était celle du contrôle du pouvoir et de la corruption parmi les responsables locaux du parti.

 

Le Comité Central avait pendant toute la décennie 30 exhorté les membres du parti de critiquer la direction du parti et de démasquer les secrétaires du parti corrompus et insouciants. La discussion fut donc déclenchée! Il fut organisé, partout dans le pays, des réunions du parti à la suite de celle du Comité Central de février. Cette réunion récemment organisée de manière désorganisée et bureaucratique avec des suspicions sur la corruption amicale, devait être réorganiser après les protestations des membres. Les archives de Smolensk donne des exemples des responsables du parti qui avaient été contraints par les membres à l´autocritique. Les masses de membres n´avaient pas eu pitié. A l´issue de plusieurs réunions de districts, des réunions tenues sur les lieux de travail et les lieux d´habitation, les responsables locaux du parti furent tellement foncièrement dénoncés qu´ils furent immédiatement révoqués de leurs positions et que de nouveaux leaders bénéficiant de la confiance du peuple furent directement élus. Ces élections n´étaient pas planifiées par le Comité Central dans son programme sur des élections secrètes des responsables. Mais ceci n´était encore qu´à un stade embryonnaire. Toutefois, rien ne pouvait arrêter la volonté des membres de prendre le pouvoir des mains des bureaucrates du parti corrompus.

 

L´exemple du district de Belyi

 

Un exemple typique de la situation des travailleurs, après la réunion du Comité central de février 1937, nécessite d´être donné. Dans le district de Belyi (Belyi Raion), il fut organisé une réunion de 4 jours pour passer en revue les activités du parti. Le procès-verbal de cette réunion se trouve dans les archives de Smolensk[79]. Les membres de base qui avant, parlaient rarement, au cours des réunions ou qui étaient considérés comme passifs, pouvaient cette fois s´exprimer ouvertement ”indépendamment de la personne”[80] concernée. 220 des 240 membres du parti assistèrent à cette réunion de Belyi. 77 s´étaient exprimés au cours de la réunion pour critiquer durement le secrétaire de district Kovalev. Celui-ci était accusé d´être le bureaucrate qui avait maltraité les membres. Il avait falsifié les rapports sur les cours d´éducation politique et fermé des salles de cours sous prétexte qu´ils n´étaient pas nécessaires. Ses méthodes étaient dictatoriales, partiales et brutales. Les membres qui, pour une raison ou une autre, étaient convoqués au siège du district se sentaient mal à l´aise et savaient qu´ils allaient beaucoup attendre; ils étaient plusieurs rentrés sans avoir résolu leurs problèmes.

 

Vinogradov, chef du NKVD de Belyi vint au secours de Kovalev exhortant les membres à ne pas discuter le travail du parti. Selon lui, la directive de la réunion du Comité Central de février recommandait de discuter les récoltes. Pour sa part, Kovalev chercha à se décharger sur ses subordonnés des cellules du parti. C´était, selon lui, à ce niveau qu´il y avait eu des manquements, pas au niveau du district. Selon Golovashenko, représentant des comités des régions (obkom) vola lui aussi au secours de Kovalev. Il chercha à calmer la discussion et s´adressa de manière critique contre les membres qui avaient durement critiqué Kovalev. Mais rien ne pouvait aider Kovalev. La critique des membres continua de manière ininterrompue pendant la réunion et la liste des accusations devint très longue. La réunion se termina par le renvoi de Kovalev sur décision des membres et par l´élection de Karpovsskij comme secrétaire de district du parti.

 

Conclusion” de Staline, une arme dans la lutte

 

L´histoire ne s´arrête pas ici. Le chef du NKVD de la place ainsi que le représentant régional avaient cherché à aider Kovalev. Une décision du secrétariat régional du parti annula l´élection du nouveau secrétaire de district, Karpovsskij et proposa un autre membre à la place, Boradulin. Une autre réunion de membres ayant eu lieu, Boradulin fut déclaré encore plus incompétent que Kovalev et Kapovsskij fut réélu comme secrétaire de district. Karpovsskij demanda aux membres d´accepter la décision du secrétariat régional. Après quoi, le secrétariat régional recula et Kapovsskij devint secrétaire de district.

 

Telle était la situation après la réunion du Comité central. ”Conclusion” de Staline” à la main, les membres se mirent immédiatement à renvoyer du parti les carriéristes et les bureaucrates corrompus et à élire leurs propres leaders sans se soucier un instant des instances supérieures.  C´était une lutte spontanée dont on peut lire le témoignage dans les archives de Smolensk et dont les conséquences pour l´avenir proche furent d´une grande importance. Les bureaucrates corrompus qui étaient encore en poste continuèrent au même moment à se protéger mutuellement. 

 

Les élections du parti de 1937

 

L´une des  décisions importantes prises lors de la réunion du Comité Central de février fut celle de décréter les élections générales au sein du parti, celles-ci devant avoir lieu dans des conditions soigneusement et rigoureusement démocratiques dont l´introduction du vote secret. Le 20 mars 1937, deux semaines après la réunion, le Comité Central prit la directive, Élections au sein des organisations du parti. Cette directive mit en route, dans la presse, un débat sur la nécessité de l´autocritique, de la démocratie dans le parti et du contrôle des fonctionnaires du parti. La direction centrale du parti prit des mesures devant empêcher la manipulation par des urnes des responsables corrompus.

 

Les élections eurent lieu en avril 1937. Au  cours de différentes réunions électorales, les dirigeants locaux furent abondamment critiqués. Des réunions antérieures du parti avait été organisé un peu partout comme des forums de discussions et de débats portant sur le manque de discipline ou la manière de vivre des membres de base du parti. La situation était maintenant inversée. Maintenant c´était les dirigeants locaux qui étaient au centre de la critique. Beaucoup de membres furent en principe élus à des postes de responsabilité au cours de ces réunions. Les discussions étaient longues et des procès-verbaux en furent soigneusement élaborés. Les élections secrètes venaient en dernier lieu. Il y a, dans les archives de Smolensk, beaucoup de documents ainsi que les urnes de ces élections

 

Des vieux comités de direction furent changés

 

Les résultats nationaux des élections furent publiés dans la presse. De 54.000 organisations du parti dont les résultats furent publiés en mai 1937, environs 55% d´anciens comités avaient été changés. C´était un résultat incroyable. Ceci démontrait en premier lieu que le manque de confiance envers les anciens comités était très grand. Ça démontre aussi que les membres de base avaient, dans les faits, la force collective nécessaire pour pouvoir renvoyer les politiciens incompétents du parti. La réunion du comité central avait donc démontré qu´il existait déjà un mécontentement dans le parti.

 

Ces élections avaient toutefois un autre aspect. De l´ensemble des dirigeants exclus, la plupart travaillaient au niveau local, au niveau des districts et à celui des cellules, des niveaux auxquels les membres ordinaires pouvaient déterminer le bien du mal et dénoncer la corruption, les abus de pouvoir et le sabotage. Au niveau plus élevés des comités des villes et des régions, les élections n´eurent pas le même genre de résultat. Les directions régionales du parti avaient encore une grande capacité à survivre aux critiques. Des cas bien connus de dirigeants régionaux qui agissaient, dans leurs juridictions, comme de petits rois bureaucrates, existent et démontrent que ces personnes avaient réussi à manipuler les urnes en leur faveur. Les membres de base n´avaient pas la même possibilité d´appréciation des événements entourant les élections de ces dirigeants qu´au niveau local. Un autre facteur ayant contribué à désavantager les membres de base mérite d´être souligné. Les secrétaires des comités des régions et des villes corrompus et incompétents s´entouraient toujours de fidèles qui les soutenaient en toutes circonstances. Il ne leur donc pas était facile de percer toutes les barrières pour rétablir la vérité.

 

 

Les comités des régions furent changés

 

La campagne contre la bureaucratie et la corruption au sein du Parti Communiste se poursuivit même au niveau le plus élevé. Au début de juin, les conférences annuelles du parti se terminèrent comme d´habitude. N´ayant pas tellement une grande signification, elles consistaient surtout à faire état de la situation de travail dans les directions régionales du parti. Toutefois, quelque chose d´inattendu eut lieu cette fois-ci: les dirigeants du parti furent soumis à des critiques. La direction du parti savait qu´il serait plus difficile aux membres de base de se faire entendre au niveau régional. Cette fois-ci, la direction centrale se décida d´envoyer des représentants aux conférences régionales du parti. Ces représentants vinrent de fois sans se faire annoncer, et participèrent aux discussions. Ce qui transforma la conférence en forums de discussion au désavantage des dirigeants régionaux du parti. De 25 conférences régionales annoncées dans la presse, quatre se terminèrent par le renvoi des directions régionales. Malgré cette situation, de petits rois continuèrent à décider au niveau régional, à faire ce qu´ils voulaient sans se soucier des directives du parti.

 

Procès militaire contre les généraux

 

C´était à l´époque des conférences régionales qu´un événement décisif pour l´avenir de la vie politique de l´Union Soviétique se produisit. Le 11 mai 1937, la Pravda publia que le maréchal Toukhatchevski ainsi que les généraux Putna, Yakir, Uborevitj, Feldman, Kork, Primakov et Eidman avaient été emprisonnés pour haute trahison. Ces officiers de haut rang avaient été le 26 mai 1937 accusés d´avoir ”pendant longtemps et dans l´intention de trahir, confié des secrets militaires à un certain pouvoir fasciste ennemi et travaillé comme espions dans le but d´occasionner la chute de l´Union Soviétique et de restaurer le capitalisme”[81].

 

La conspiration des généraux était la face militaire de la lutte de l´opposition contre le gouvernement soviétique. Le procès pour trahison contre Piatakov et Radek avait été un grand coup contre l´opposition, mais les généraux  n´avaient pas pour autant abandonné le plan de faire un coup État Ils avaient compris que chaque retard agissait dans à leur désavantage. Les plans ayant été élaborés depuis très longtemps, il était temps d´agir. Après le procès contre Piatakov et la révélation du groupe Boukharine-Rykov qui était maintenant sous les verrous, les conspirateurs militaires avaient augmenté leurs efforts. Vers la fin de mars 1937, ils décidèrent donc que le temps était mûr pour le coup État. Celui-ci devait avoir lieu dans six semaines au plus tard le 15 mai.

 

Le retour des commissaires politiques

 

Lorsqu´il fut informé des préparatifs de coup État, le gouvernement soviétique décida d´agir rapidement. Une résolution importante fut prise le 8 mai: Les commissaires politiques furent réinstallés dans l´armée à tous les niveaux. Le système des commissaires politiques devant surveiller les officiers de l´armée ainsi que l´application des décisions militaires, avait été supprimé depuis 10 ans, soit le 13 mai 1927, sur proposition de Frounze, un vieux bolchevique, un cadre très haut placé qui était avec le temps devenu l´un des dirigeants de l´armée. Frounze avait supprimé les commissaires politiques et remis en selles le pouvoir des officiers. Il avait choisi des gens qui le soutenaient à des postes importants dans l´armée.

 

Bien plus, le 11 mai 1937, le maréchal Toukhatchevski fut démis de ses fonctions de vice commissaire de la guerre et fut nommé à un niveau plus bas dans le territoire de Volga. Le général Gemarnik, l´un des conspirateurs, qui se suicida, fut destitué le même jour comme commissaire de la guerre adjoint. Le général Yakir et Uborevitj furent aussi transférés à des niveaux plus bas, et les généraux Kork et Eideman furent emprisonnés pour espionnage au profit de l´Allemagne nazie. Les conspirateurs n´eurent donc plus un quelconque moyen pratique de faire le coup État

 

La société socialiste se défend   

  

L´intervention rapide du gouvernement soviétique permit d´empêcher le coup État, mais la grandeur de la conspiration au sein de la société civile et parmi les militaires n´était pas connue dans toute sa dimension. Le réseau constitué par les généraux comprenait aussi bien des fonctionnaires du parti que des officiers de l´armée. C´était dans l´ignorance et dans l´insécurité que la vie politique du pays se jouait. Tout le contenu de la conspiration se révéla lors du procès contre Boukharine en 1938. Les conspirateurs avaient déjà constitué les listes de milliers des cadres qui devraient être emprisonnés et éliminés. Pendant ce temps, la société socialiste fut obligée de se défendre en suivant la piste des généraux et celle du procès Piatakov.

 

Avant le début du procès, les preuves de la culpabilité des généraux fut présenté devant un groupe d´officiers et des représentants de tous les districts militaires de l´Union Soviétique, au cours d´une grande conférence militaire à Moscou. Le procès fut organisé à portes fermées à cause des questions militaires traitées à cette occasion. Seulement les officiers militaires de haut rang y avaient accès. Le siège du tribunal était composé du juge Ulrich et de 8 officiers de haut rang. Les accusés furent déclarés coupables et condamnaient à mort. Deux des membres du siège du tribunal, le maréchal Blücher et le vieux héros bolchevique, le maréchal Boudienny rendirent publique la peine de mort. La Pravda annonça, le 12 mai que les condamnés avaient été exécutés.

 

Les conspirateurs et les liaisons étrangères

 

Le procès contre les généraux fut l´objet des spéculations interminables qui donnèrent lieu à des conceptions les plus ridicules. La raison de ces spéculations fut qu´il y avait eu une conspiration au sein de l´armée soviétique avec pour but de renverser le gouvernement soviétique par la violence au cours d´un coup État Même les analystes les plus réactionnaires admettent qu´une telle conspiration a réellement existé. La différence entre les différentes interprétations des écrivains n´apparaît que lorsqu´on cherche à savoir qui ont été les alliés des généraux. Les recherches historiques des dernières années ont toutefois confirmé les accusations du gouvernement soviétique: Toukhatchevski et son groupe avaient sollicité l´aide de l´Allemagne nazie pour son coup État, les groupes de Piatakov et Boukharine avaient été de la conspiration.

 

La tentative de coup État aurait eu des conséquences très dangereuses et imprévisibles.  D´un côté le gouvernement soviétique bénéficiait d´un large soutien de la population et de la part de l´armée. De l´autre, les conspirateurs avaient agi dans le secret pendant plusieurs années et préparé leurs forces; les gens comme Toukhatchevski étaient en grande partie venus du corps d´anciens officiers de l´armée tsariste. La plupart de ces gens avaient été autorisés à continuer au sein de l´armée rouge et avaient été placés à des postes de commandement élevés. À l´heure des procès, l´armée soviétique était devenue une grande armée modernisée et forte de plusieurs millions de soldats. Une confrontation au sein d´une telle armée entre les troupes gouvernementales et les conspirateurs, même si ceux-ci étaient moins nombreux, aurait eu des conséquences de grande envergure et entraîné beaucoup de pertes.

 

De l´expérience des situations pareilles intervenues au cours de l´histoire, nous savons que ce genre d´événements conduit en principe à la confusion dans laquelle les soldats suivent aveuglément leurs chefs. Si le coup État avait été mis en marche, on serait en face d´une  guerre aux conséquences dévastatrices. Ce qui était aussi l´espoir des généraux. Pour vaincre définitivement, ils avaient inévitablement besoin du soutien de l´étranger, de la part des États forts militairement et qui avaient longtemps constitué une menace pour l´Union soviétique: l´Allemagne nazie, le Japon et l´Italie. C´était cela d´ailleurs qui avait été planifié. Les nazis allaient lancer une invasion pour ”libérer” l´Ukraine et le Japon allait occuper la côte de l´océan pacifique.

 

Les réunions régionales du parti et la lutte contre la contre-révolution

 

La situation était très tendue en Union Soviétique en juin 1937. Personne n´était informé de l´étendue du complot militaire mais tout indiquait que le complot étais plus grand que ce qui avait été dit. Le Comité central se décida de mener une enquête approfondie. La conspiration militaire venait d´en haut et avait des racines dans la société auprès des personnes hautes placées. Un certain nombre de réunions extraordinaires furent organisées dans les régions dans le but de faire l´évaluation du travail des directions régionales du parti et d´enquête sur les ramifications de la conspiration. Dans la région Ouest, l´on eût une réunion de trois jours, entre le 19 et le 21 juin 1937. Kaganovitch prit part à cette réunion comme représentant du Comité Central.  L´objectif principal de cette réunion était d´évaluer le travail du secrétaire régional Roumiantsev et de ses proches collaborateurs.

 

Roumiantsev critiqué

 

Ivan Petrovich Roumiantsev était ”un vieux bolchevique” qui était entré au parti depuis 1905. En 1925, il fut nommé par le Comité Central comme premier secrétaire du parti à Smolensk et il y amena un nombre de vieux camarades qui prirent des postes importants dans la région. Ce genre de camaraderie fut qualifiée d´antimarxiste par Staline lors de la réunion du Comité Central de février, mais ceci n´eut aucune influence particulière sur Roumiantsev. Membre du Comité Central, Roumiantsev, âgé de 61 ans en juin 1937, occupait une position centrale dans la Région ouest où plusieurs entreprises et fabriques s´étaient données son nom. Roumiantsev était en pratique hors de critique. Le ”vieux bolchevique” avait, au cours des années, mis en place une bureaucratie splendide et coûteuse dont le seul objectif était avant tout son propre bien-être. L´insatisfaction vis-à-vis de Roumiantsev était visible mais les possibilités de le démettre de ses fonctions étaient, en pratique, très réduites.

 

Les circonstances changèrent radicalement à la réunion du 19-21 juin 1937. Pas seulement parce que Kaganovitch était présent à la réunion et qu´il soutenait les critiques. Un autre aspect plus important était la liberté d´expression des membres du parti au cours de la réunion. Il a été démontré que l´un des généraux conspirateurs condamnés à mort, Uborevitj, était membre du comité régional dans lequel il collaborait parfaitement avec Roumiantsev. Celui-ci était suspecté d´avoir été l´un des hauts fonctionnaires du parti qui avaient participé à la conspiration militaire. Les injustices commises par Roumiantsev et ses proches furent sans pardon dénoncées devant les membres. La situation devint plus difficile encore dans la Région ouest. La question de l´exclusion de Kovalev fut entre autre soulevée. Ce dernier avait été exclu par les membres à la réunion des membres du district de Belyi, mais il se trouva qu´il avait eu une bonne place de réserve grâce à Roumiantsev. Les membres rappelèrent ce qui s´était passé affirmant à l´occasion que c´était Roumiantsev qui avait appris à Kovalev la façon d´agir contre la volonté générale. C´était lui qui était la cause des violations des règles et d´abus de pouvoir dans le district de Belyi. Par les relations d´amitié, ”Roumiantsev et ses proches de la direction du district de la Région ouest avaient réussi à étouffer la critique et l´autocritique”[82]. La liste des accusations de corruption et d´abus de pouvoirs contre la direction du district de l´Ouest devint longue. Et elle eût pour conséquence, la démission de tout le comité de direction. A la suite d´une enquête effectuée plus tard, Roumiantsev et son groupe furent arrêtés pour corruption et abus de pouvoirs.

 

Le Comité Central mène grande contra offensive   

 

En juillet 1937 le Comité Central avait réuni suffisamment de preuves sur le fait que le coup État militaire avait été une partie du complot auquel beaucoup de hauts fonctionnaires du parti avaient pris part. Il se trouva des complices de ce complot jusqu´au sein du Comité Central. La construction du socialisme avait, pour certains vieux bolcheviques et certains nouveaux hauts fonctionnaires du parti, entraîné des conséquences qu´ils ne pouvaient pas accepter. La lointaine et romantique image du pouvoir des travailleurs des jours de révolution de 1917 avait maintenant été matérialisée dans les faits dans une Union Soviétique dirigée par les travailleurs. Pour ceux qui avaient une bonne vie et s´étaient fait des privilèges, ceci était un développement effrayant. Ils choisirent donc le chemin de la contre-révolution. Ils trouvèrent des alliés en dehors de l´Union Soviétique pour arrêter le développement socialiste. Le Comité Central décida de combattre le terrorisme blanc et la trahison avec détermination.

 

La mission de suivre la piste des traîtres auteurs de la tentative du coup État fut prise en charge par les services de sécurité NKVD alors sous la direction de Ejov. On rechercha dans tout le pays des gens connus pour avoir eu des relations avec les conspirateurs du groupe de Piatakov et ceux de celui des généraux. La situation politique était incertaine et les contacts étrangers des conspirateurs mal connus. Les généraux avaient filtré des informations secrètes sur la défense de l´Union Soviétique et personne ne savait jusqu´à quel point cet acte avait affaibli le pays.

 

Le nazisme gagne en Europe

 

Les armées fascistes avaient commencé à agir librement en Europe. La guerre battait tambour en Espagne et l´Italie venant au secours de Franco, y avait envoyé 50.0000 hommes. L´Allemagne nazie contribua économiquement et matériellement avec des avions de chasse et des bombardiers, des fusils, des chars de combat et d´autres machines de guerre, tout cela pour armer les Italiens et les fascistes de Franco. L´une des premières attaques aériennes historiques contre les civils eût lieu sur Madrid et Barcelone. En Afrique, l´Italie occupa le royaume de l´Ethiopie-Abyssinie après une guerre sans merci menée par une armée moderne contre un peuple sans défense. En 1938, les nazis occupèrent l´Autruche et en mars 1939 la Tchécoslovaquie. Le même mois Madrid tomba aux mains du fascisme et en septembre 1939 l´Allemagne nazie vainquit et occupa la Pologne. En avril 1940 le Danemark fut victime de l´agression nazie et en juin 1940 la Norvège était obligée de capituler après une brave résistance. Le même mois, la Hollande, la Belgique, le Luxembourg, furent vaincues, et la grande puissance militaire, la France tomba après cinq semaines d´attaque allemandes! Une armée britannique était sur place pour aider la France mais fut vaincue et forcée de se retirer après de lourdes pertes.

 

L´Union Soviétique était en danger. L´agression fasciste s´approchait à grand pas. Les dommages que la trahison des généraux avait causés étaient une menace contre le pays et devraient prendre beaucoup de temps à réparer. Le gouvernement savait qu´il y avait encore beaucoup à faire pour être à mesure de faire face aux forces de l´Allemagne nazie, la plus grande et la mieux équipée de toutes les armées du monde. Lorsque le jour de l´invasion arriva, en juin 1941, l´Allemagne nazie avait une armée de huit millions d´hommes! Ni avant, ni plus tard, une aussi grande armée n´avait jamais existé dans l´histoire de l´humanité. L´Union Soviétique avait dans des conditions difficiles mis en place une industrie moderne et augmenté sa capacité à 5 millions de personnes.

 

Les purges frappent jusqu´au sommet

 

Les purges du parti s´accélèrent lorsque le Comité central avait remis en cause la fidélité des secrétaires régionaux du parti envers le socialisme. Les réunions du parti furent fortement influencées par la situation tendue qui prévalait dans le pays et les membres de base du parti devinrent de plus en plus exigeants contre les fonctionnaires corrompus et inefficaces. Des gens qui se croyaient intouchables furent subitement exclus des positions de direction par les masses du parti, certains d´entre furent même renvoyés directement devant les tribunaux après les réunions.

 

La description bourgeoise de l´histoire, en Occident, parle de la terreur contre les fonctionnaires de haut rang et les chefs des entreprises, des gens qui avaient une meilleure situation économique par rapport à la plupart. Personne ”ne pouvait plus dormir tranquille”, disent les historiens bourgeois.

 

Mais pourquoi ne pas mettre en cause les gens qui s´amusaient ”furtivement” avec les biens du peuple, utilisaient l´argent de l´État à des fins personnelles, distribuaient généreusement les cadeaux aux amis et connaissances et s´adonnaient à la corruption? Pourquoi devrait-on spécialement tenir compte des chefs des partis qui profitaient de leurs positions pour opprimer les membres de base du parti et les maltraiter? Pourquoi ne devrait-on pas poursuivre les généraux et d´autres officiers de haut rang qui avaient trahi le pays en vendant ses secrets à l´ennemi et en collaborant avec lui? Pourquoi devraient-ils être libres et éviter d´être traités comme des criminels? En Union Soviétique, contrairement aux démocraties bourgeoises de l´Occident, tous les citoyens étaient égaux devant la loi. Bien plus, une position très élevée dans la société était une mission de confiance, ce qui impliquait que son détenteur devait montrer un bon exemple et suivre scrupuleusement  les lois. En vérité, ceci ne parait étrange que pour la bourgeoisie capitaliste qui a toujours vécu dans le crime, dans la tricherie et la spéculation.

 

Les purges et ”les vieux bolcheviques” 

 

Beaucoup a été dit par les historiens bourgeois sur la persécution des ”vieux bolcheviques” lesquels seraient le plus touchés pendant les purges. Les preuves d´une telle théorie n´existent nulle part dans les archives de Smolensk. Si ”les vieux bolcheviques” ont été arrêtés, c´est parce qu´ils étaient des cadres de direction dans le parti et qu´ils avaient été trouvés par les membres de base comme corrompus, oppresseurs et négligents. Des enquêtes concernant 127 vieux bolcheviques de la génération de Staline qui avaient participé à la révolution d’ octobre 1917 ont démontré qu´ils n´étaient pas un objectif spécialement visé par les purges. S´ils étaient tombés victimes des purges, c´est à cause de leurs hautes responsabilités dans le parti et parce qu´ils avaient été critiqués par les membres. De 127 ”vieux bolcheviques”, on a pu suivre l´itinéraire de 109. De ceux-ci, 38 furent exclus ou portés devant les tribunaux en 1937. [83]

 

Une comparaison entre les années 1934 et 1937 donne aussi des résultats très intéressants. Le nombre de ”vieux bolchevique” à l´occasion du 17è congrès du parti était de 182.600. Au moment du 18è congrès du parti en 1939, ce nombre avait diminué à 125.000. Cette réduction de ”vieux bolcheviques” actifs pendant ces cinq années toutes causes confondues, y compris les décès et les maladies était de 56.900, soit 31 %. Une partie de ces 56.900, sûrement la plus grande, fut exclue pendant les purges de 1937. Le nombre de ”vieux bolchevique” actifs atteignait toutefois 125.000 en 1939[84], dont la plupart occupaient encore des positions de direction dans le parti à travers tout le pays. Le mythe selon lequel ”Staline avait éliminé tous les vieux bolcheviques” n´était justement qu´un mythe, un mensonge supplémentaire de Conquest-CIA que Trotski alors avait lancé.

 

Les recherches montrent que la plupart de ceux qui avaient été exclus pendant cette période avaient été des gens qui occupaient des positions de responsabilité dans le parti. Ci-après un exemple du district de Belyi. De 244 membres et candidats de l´organisation du parti de Belyi 36 furent exclus en 1937. De ceux-ci, 30 occupaient des responsabilités importantes. Deux premiers secrétaires, un président et deux vice-présidents du comité exécutif du soviet, un secrétaire de district de Komsomol, un procureur de district, le chef de NKVD du district et son officier, trois directeurs d´école, le leader de la direction foncière locale, le directeur de la station des tracteurs de Belyi, quatre chefs d´industries, deux leaders syndicaux, cinq présidents des coopératives agricoles et cinq présidents de soviet[85].

 

Le mythe des exclusions de 1937

 

Le mythe de l´effrayante année 1937 que la bourgeoisie par l´entremise de Robert Conquest et de CIA/M15 - les vrais fondateurs du mythe -, a présenté comme l´un de ses plus grands arguments est mieux révélé par des statistiques encore disponibles, sur les purges des années 1930.

 

 

Exclusion du Parti[86]

Année des purges                   Nombre d´exclus                                   % d´exclus

1929                                          170.000                                                   11

1933                                          792.000                                                   18,5

1935                                          170.000                                                     9

1936                                                   -                                                        -

1937                                          100.000                                                     5

1938                                            70.000                                                     2

 

 

NB. Il n´existe aucune statistique nationale pour l´année 1936. Le nombre d´exclus fut de 2 à 3% à Smolensk.

 

Lorsqu´on analyse ces statistiques, on comprend alors l´étendue des mensonges bourgeois. En réalité, l´année 1937 a été l´une des années au cours de laquelle le nombre d´exclus a été le plus bas, seulement 5%!  Comment expliquer que la bourgeoisie et ses laquais aient baptisé cette année  ”1937, l´incroyable année de Staline” avec ”des millions de fausses accusations, des millions de déportés, des millions d´assassinés” tel que le décrit volontiers Peter Englund?[87]  Quels intérêts se cachent derrière cette campagne? Nous comprenons que dans une tel mouvement de masses de critiques et d´autocriques où des millions de gens étaient impliqués, il y ait eu sûrement des fautes qui ont désavantagé des innocents. Mais il y avait eu ce genre de fautes lors des purges antérieures. Des dizaines de milliers de membres furent exclus par erreur et furent repris dans le parti après avoir fait recours auprès de la direction centrale. Ces injustices qui avaient surtout préjudicié les travailleurs ordinaires n´intéressent personne en Occident. Comment donc expliquer l´intérêt particulier porté sur l´année 1937? Et que la bourgeoisie considère justement l´année 1937 comme la pire qui ait existé en Union soviétique?

 

La question de classes donne la réponse

 

L´explication est liée à la question de classes sociales. La grande différence entre les purges de 1937 et le reste des purges orchestrées dans le parti est que, pendant ces dernières, c´étaient les membres de base du parti, les travailleurs ordinaires, qui furent en très grande partie exclus - ils constituaient presque 80 % d´exclus.  Les circonstances étaient presque contraires en 1937. A cette occasion, environs 80 % d´exclus étaient des cadres hauts placés corrompus et des gens de haut rang dans l´armée[88]. C´était des gens qui s´étaient procurés des privilèges et des avantages économiques, qui étaient même près de collaborer avec l´Allemagne nazie pour les garder. C´étaient eux qui oppressaient volontiers les membres de base et expulsaient volontiers ceux qui n´acceptaient pas d´être piétinés. C´étaient des gens favorables à l´Occident, des fonctionnaires du parti et des officiers à idéologie bourgeoise qui furent exclus en 1937. C´était des gens sur qui la bourgeoisie avait fondé espoir et espéraient qu´ils allaient conduire l´Union Soviétique à une social-démocratie menant vers le retour au capitalisme. C´est eux qui avaient affaibli l´Union Soviétique, sympathisé et collaboré avec l´Occident dans le but de réinstaurer le capitalisme qui fut exclus. Ils perdirent leurs positions, furent exclus du parti et traduits devant les tribunaux. Nous comprenons la haine de la bourgeoisie vis-à-vis de l´Union Soviétique en ce qui concerne l´année 1937.

 

La politique du parti et les difficultés de la lutte des masses

 

L´objectif des purges a été d´exclure les bureaucrates corrompus et les traîtres du parti et de l´armée. Une telle grande lutte engageant des millions de membres du parti ne pouvait pas se faire sans erreur. Les vieux conflits de personnes pouvaient conduire à des décisions injustes. Par ailleurs, il y eut un manque de confiance à l´égard de tous les cadres du parti dans une organisation où un certain nombre de fonctionnaires de haut rang avaient été des bureaucrates corrompus et trouvés coupables. Le Comité Central était conscient de ces difficultés et avait dès le départ mis en garde contre les exagérations.

 

La lutte était dirigée contre la bureaucratie et la trahison et non contre les cadres du parti en général. Il était difficile d´appliquer ce principes dans certains endroits. C´est l´exemple des membres du parti qui étaient fonctionnaires de État et qui ne montraient pas un intérêt particulier pour le parti; ces membres avaient été facilement exclus malgré le fait qu´ils avaient, dans leur travail, fait preuve de fidélité au socialisme. Le Comité Central s´opposa a cette démarche et exigea que ces erreurs fussent corrigées lorsque des recours lui étaient adressés.

En octobre 1937, à l´occasion d´une réception des cadres de Donbass, Staline se prononça contre ceux qui s´en prenaient aux cadres du parti. Selon Staline, les nouveaux techniciens et économistes de l´Union Soviétique étaient d´origine prolétarienne et méritaient le respect du peuple.

 

La NKVD et la lutte du pouvoir

 

Même le service de sécurité NKVD et son chef Ejov qui avait joué un rôle important dans la conspiration au sein de l´armée avait été mis en garde par le Comité Central. La police n´avait pas le droit se placer au-dessus de la société socialiste, elle était le serviteur de cette société et devait respecter les lois socialistes. Le travail des services de sécurité était important, ils avaient permis au pays d´éviter la guerre civile mais leurs pouvoirs étaient subordonnés à ceux des travailleurs et des paysans dans le parti. Il y avait, au sein de NKVD, des forces dont la tête pensante était le membre du Comité Central Ejov, voulaient décider qui était  contre-révolutionnaire et qui caractérisait un ennemi. Ces forces voulaient des purges continues, sans tenir compte de la nature de certains comportements insignifiants. Pour elles, le parti devait radicalement être débarrassé de tous ceux qui faisaient preuve de la moindre insécurité dans leur comportement et qui n´étaient pas assez suffisamment engagés. On devrait chasser tous ceux qui dans leur entourage le plus proche ou dans leur milieu de travail avait eu à faire à des bureaucrates corrompus et des traîtres. Ceci était bien entendu une question de la compétence du parti et du Comité Central, pas de celle des services de sécurité. Ejov fut sérieusement critiqué pour avoir, par moments, laissé le NKVD dépasser ses attributions dans la chasse contre les traîtres, des actes qui préjudiciaient des innocents lesquels subissaient la prison ou enduraient beaucoup de souffrances.

 

Bien plus, il y eut par la suite la tendance à la glorification des services de sécurité et de Ejov dans la société et dans la presse. Staline s´opposa personnellement à cette glorification. Au jour d´anniversaire de NKVD le 20 décembre 1937, lequel avait été fêté avec de la musique à la gloire de la police au théâtre de Bolshoi, le siège d´honneur resta vide. Staline n´alla pas à la manifestation et Mikoyan assura la présidence de cette dernière de manière improvisée. La critique contre Ejov et les services de sécurité devait être prise au sérieux. Staline boycotta cette réunion mais alla le soir au concert de musique du théâtre de Bolshoi. L´absence de Staline devait être considérée en fonction de ses habitudes habituelles en cette matière. Il se rendait d´habitude à toutes les réunions, de celle célébrant les héros de l´aviation, celle des scientifiques, celles à l´honneur des femmes paysannes membres des coopératives agricoles, à celles des leaders de l´industrie ou celle des électeurs de sa circonscription.    

 

Le Procès du « Bloc des Droitiers et des Trotskistes » Antisoviétique

(Le Procès Boukharine-Rykov)

2-13 mars 1938

 

Le 27 février 1938 on annonça officiellement que 25 personnalités d´envergure devraient être traduites devant la justice pour haute trahison. Parmi celles-ci se trouvaient neuf anciens membres du Comité central et d´autres fonctionnaires de haut rang (Boukharine, Rykov, Yagoda, Krestinski, Rakovski, Rosengolz, Ivanov, Tchernov, Grinko, Zélenski, Bessonov, Ikramov, Khodjaev, Charangovitch, Zoubarev, Boulanov, Lévine, Plétnev, Kazakov, Maximov-Dikovski, Krioutchkov).[89]  Ils étaient accusés d´avoir crée un groupe dénommé ”le bloc des droitiers et des trotskistes” dans le but de faire tomber le gouvernement de l´Union Soviétique et de restaurer le capitalisme. Les activités du groupe étaient: le sabotage, la terreur, la collaboration avec l´Allemagne nazie, le Japon et l´Angleterre, les attentats contre les personnalités du Comité Central du Parti Communiste et du gouvernement, la participation  dans le meurtre de Kirov et le meurtre de l´écrivain Maxim Gorki, son fils Maxim Pechkov, le chef des services secrets Menjinski et le membre du Bureau politique Kouibychev.

 

Reconnaissance de la culpabilité

 

 Les accusés avaient en plus, depuis longtemps eu connaissance de la conspiration révélée pendant les affaires Zinoviev-Kamenev et Piatakov-Radek et collaboré étroitement avec les groupes de ce s gens. Ils étaient aussi complices de la conspiration des militaires et de la tentative de coup État de 1937. Les personnalités marquantes des accusés étaient Boukharine et Rykov, anciens membres du Comité Central et Yagoda, ancien chef des services de sécurité, un homme jouissant de l´influence et du pouvoir dans la société. Même les autres accusés étaient aussi des fonctionnaires de haut rang qui avaient beaucoup de pouvoirs dans la construction de la société socialiste.  Il existe de nombreux livres et articles sur ce procès mais ces écrits nient presque tous la culpabilité de Boukharine et ses compagnons. Pourtant, tous les accusés s´étaient reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés. Le fait que les accusés étaient coupables pouvait aussi à partir de l´impression générale constatée  au cours du procès notamment par l´attitude des diplomates présents. Un témoignage  sur l´impartialité et le caractère correct du procès fut donné par l´ambassadeur des États-Unis d´alors, Joseph Davies, lequel avait assisté à tous les procès. Nous y reviendrons plus tard.

 

Sur ses gardes contre le fascisme!

 

L´affaire Boukharine-Rykov avait été publique et fut suivie de manière assidue par le corps diplomatique et la presse internationale. Comme cela était d´habitude en Union Soviétique, les accusés étaient tous présents et étaient assis les uns à côté des autres pendant le procès. Ils avaient toute la liberté de s´exprimer, de poser des questions et même de donner des points de vue critiques sur les déclarations des autres. Plus que jamais, il est important aujourd´hui de connaître ce procès, les accusations du procureur et les réponses des accusés ainsi que les moyens de défense dont ces derniers disposaient. Connaitre les faits est le meilleur moyen de combattre la campagne de mensonges de la droite contre l´Union Soviétique et le socialisme.

 

Dans les pages qui suivent, nous allons présenter les faits tels qu´ils résultent du Procès-verbal (PV) de l´affaire lequel PV a déjà fait l´objet de publication sous forme de livre en français, en anglais et en allemand en 1938 en Union soviétique, et en suédois par la maison d´édition de Arbertarkultur sous le nom de På vakt mot fascismen. Pour des raisons de place, cette présentation sera limitée même si ce sera de toute façon une longue histoire, avec de longs extraits. Pour celui qui peut se procurer le texte, nous en recommandons avec insistance la lecture. Nous présenterons d´abord des parties d´interrogatoire avec trois des accusés; Tchernov, Zélenski et Ivanov, comme exemple des activités générales du group de droite pour parler par la suite des chefs du groupe de droite, Boukharine, Rykov et Yagoda.   

 

Recherche inexistante

 

Le travail de recherche et de présentation des affaires Boukharine-Rykov (et Piatakov-Rydek) n´a été fait que très rarement. Des avis sur ces affaires sont donnés de temps en temps dans des livres nouvellement publiés et des articles dans les médias capitalistes. Mais ce sont pour la plupart simplement des copies des livres et des agents des services de renseignement (comme Conquest) et des trotskistes. La recherche dans le domaine de ces procès est presque inexistante. L´auteur du présent document a été amené à faire cette constatation lorsqu´il recherchait la version anglaise des procès-verbaux des affaires Piatakov-Radek et Boukharine-Rykov à la Bibliothèque de l´Université d´Uppsala en novembre 1999. Il fut découvert à ce moment précis que ces PV avaient été prêtés et qu´ils l´avaient été à une seule personne depuis 1967! A l´Université d´Uppsala, les livres sont laissés à une même et seule personne jusqu´à ce que quelqu´un d´autre vienne chercher à les emprunter. L´auteur de la présente brochure était le premier, depuis 32 ans, à exiger de les emprunter. L’écrivant Peter Englund qui habite à Uppsala, membre de l’Académie Suédoise, et de l’Académie Royale des Sciences de Guerre n’a jamais emprunté les PV. Mais il a écrit des livres sur l’histoire du procès! Il faut dire ici que ces PV n’existent plus dans la bibliothèque de l’Université d’Uppsala. L’Université, dit-on, n’avait pas d’argent pour payer le loyer de tous les dépôts des livres. Pour faire face à cette situation, une grande quantité de livres dont les procès verbaux, furent jeté dans le feu. Tous simplement ! Un bon exemple de la culture bourgeoise.

 

L´enquête menée auprès de Tchernov, commissaire du peuple en charge de l´agriculture

 

Pendant le procès, les accusés avouèrent des crimes atroces où le sabotage contre l´appareil de production était une activité très répandue. Tchernov, Commissaire du Peuple à l´Agriculture de l’U.R.S.S.[90] ancien Commissaire du Peuple au Commerce d’Ukraine[91], confia au tribunal que Rykov lui avait recommandé d´accomplir ses missions en Ukraine de manière à créer ”de telle façon que vous puissez provoquer l’irritation du paysan moyen”. C´était la tactique de la droite de saboter et de rendre impossible la lutte pour la collectivisation de l´agriculture. Dans la directive de Rykov  à Tchernov, il était aussi recommandé de ”Aggravez encor les exagérations, tenez particulièrement compte du sentiment national de la population ukrainienne et expliquez partout que ces exagérations sont une conséquence de la politique de Moscou ”[92]!  Bien plus, Tchernov raconta à la cour qu´il avait aussi reçu mission de, lors de ces voyages à l´Allemagne, ”crée une organisation des droitiers avec les personnes de ma connaissance, si tant est que j’en eusse parmi les collaborateurs de la Représentation commerciale et de l’Ambassade soviétique”[93] à Berlin.

 

Ce que fit Tchernov lors de son arrivée en Allemagne. La directive de Tchernov dans ce cas précis, ”s’agissait, par l’intermédiaire des parties de la IIe Internationale, de soulever l’opinion publique des pays capitalistes contre le Gouvernement soviétique” dans le but de ”que les gouvernements Bourgois accentuent leur hostilité à l’égard de l’Union Soviétique”. Les droitiers, ”après leur arrivée au pouvoir, … accepteraient de s’entendre avec les gouvernements bourgeois, tant sur les questions d’ordre économique que, si cela était nécessaire, sur les questions d’ordre territorial”[94]. Rykov avait fait dire à Tchernov: ”puisque la défaite d l’Union Soviétique était une condition indispensable pour que nous puissions nous emparer du pouvoir dans le pays, nous devions hâter cette défaite, de même que nous devions hâter de déclenchement de la guerre, en diminuant la puissance économique et la capacité de défense de l’Union Soviétique”[95]. Au cours du procès public et devant la presse internationale, Rykov reconnut qu´il avait donné toutes ces directives à Tchernov. La droite était prête à travailler pour la défaite de l´Union Soviétique dans la guerre et céder l´Ukraine et des parties de la Biélorussie à l´Allemagne et la côte pacifique au Japon en échange de l´aide pour démettre le gouvernement de l´Union Soviétique et prendre le pouvoir.

 

L´agent de l´Allemagne nazie   

 

Mais les activités de Tchernov prirent subitement une tournure différente. Un des membres du bloc de droite qui travaillait même pour les services de sécurité nazis, parla des activités de conspiration de Tchernov au profit des services de sécurité allemands. Tchernov fut mis devant le choix de soit commencer à travailler pour l´Allemagne ou être dénoncé auprès des autorités soviétiques. Il raconta devant la cour qu´il avait accepté la mission de travailler pour l´Allemagne. Il commença de manière régulière à pourvoir la police allemande des informations secrètes sur la production agricole et industrielle ainsi que d´exécuter les missions de sabotage exigées par la police allemande. ”La directive essentielle que me donna alors le service d’espionnage allemand”, confia Tchernov à la cour, ”consistait à organiser la détérioration des grains dans le pays. Pour cela, il fallait retarder la construction des dépôts et des élévateurs, en vue de provoquer une disproportion entre les stockages qui allaient croissant et la capacité des dépôts, et obtenir, par cela même, comme disait Scheffer, deux choses : premièrement, la détérioration des grains mêmes et, deuxièmement, provoquer le mécontentement des paysans, ce qui serait inévitable, s’ils voyaient que les grains étaient gâtés. Il fallait également organiser l’infestation massive des greniers à blé par les insectes nuisibles, en particulier par les charançons” et ”exigeait surtout qu’on organisât l’infestation par les insectes nuisibles et par les charançons des réserves destinées à la mobilisation”[96]. Tout cet horrible travail de sabotage a été fait par Tchernov pour les Allemands et a causé de grandes pertes pour l´Union Soviétique. Imaginez que Tchernov était l´un des hauts fonctionnaires du parti dans le domaine de l´agriculture pendant de nombreuses années.

 

Sabotage dans l´agriculture

 

Tchernov parla aussi d´autres aspects de ses activités contre-révolutionnaires. Il s´agissait entre autres de ”en ce qui concerne les semences, embrouille les choses” en ”mélanger les semences sélectionnées, faire baisser ainsi le rendement des récoltes dans le pays”. ”Il s’agissait, par une distribution irrationnelle des surfaces ensemencées, de placer la paysannerie kolkhozienne dans une situation qui l’empêcherait pratiquement de réaliser des assolements rationnels”. ”Ce qui devait”, selon Tchernov, ”entraîner une diminution de la récolte dans le pays, et provoquer en même temps le mécontentement des paysans”[97]. Pour les stations des machines et des tracteurs, ”la directive fut donnée de mettre hors d’usage tracteurs, moissonneuses-batteuses, machines agricoles, d’embrouiller les opérations financières de ces stations”[98]. Pour ce qui concerne l´élevage, la directive de Rykov visait entre autres ”égorger les reproducteurs de race, obtenir de plus grandes pertes de bétail. Empêcher le développement de la base d’alimentation et utiliser surtout, pour déterminer des pertes de bestiaux, l’infection artificielle du bétail par toute sorte de bactéries”[99].

 

Tchernov était aidé dans son travail de sabotage par les membres de l´organisation de droite dans tout le pays. Ils empêchaient l´introduction des médicaments contre les épidémies en Sibérie de l´Ouest, ce qui eut pour conséquence que la peste du printemps 1936 occasionna la perte de 25.000 chevaux. Les membres de la droite répandirent aussi des infections et causèrent la peste des porcs à Leningrad et celles des territoires de Voronej, de Azov et de la Mer Noire. Le matériel infecté était préparé dans les usines de Kachinzev, Orlovsk et Stavropol sous le contrôle du bloc de droite. Approximativement 10.000 porcs périrent cette fois. Tchernov qui avait reçu la mission d´organiser l´agriculture soviétique pour le bien-être de la population, s´était consacré au sabotage avec l´aide d´un grand nombre de subordonnés.

 

Zélenski, Secrétaire du Comité du Parti de Moscou, président de Centrosoyouz[100]

 

Donnons un autre exemple des activités d´un traître. Zélenski raconta lui-même au tribunal qu´il avait travaillé comme informateur au sein des services de sécurité du temps du tsar et qu´il dénonçait ses camarades du Parti Communiste pour l´argent.  Il était l´un de ceux qui avaient réussi à cacher son identité et continué à être actif et à faire carrière au sein du Parti Communiste. Il avait été recruté à l´organisation de Boukharine et de Rykov par Smirnov en 1929. Sa première mission était de saboter la collectivisation en Asie du Centre. Il avait reçu de Smirnov la mission de ”sauvegarder par tous les moyens l’exploitation rurale cossue, sous-entendant par là les exploitations koulaks” dans le but ”freiner par tous les moyens le développement du mouvement de collectivisation, freiner et saboter l’édification kolkhozienne”[101].

 

La mission de Zélenski à Moscou fut de causer la destruction des associations coopératives de Moscou et de Centrosoyouz où il était président. (Centrosoyouz: Organisation soviétique centrale pour la planification, le transport et la distribution de la production agricole, ainsi que l´achat et la distribution des marchandises soviétiques et étrangères aux producteurs agricoles. Centrosoyouz avait des sections dans toutes les républiques de l´Union soviétiques et des subdivisions au niveau des villages). L´objectif était ”la désorganisation de l’économie dans les branches qui touchaient de plus près à la population : habitations, coopératives, commerce, circulation des marchandises, etc.” afin de ”susciter le mécontentement de la population en raison du mauvais fonctionnement du ravitaillement”[102].  Zélenski raconta comment, en 1936,  on ”organisaient des à-coups dans le commerce de sucre dans la région de Koursk” où ”de nombreux magasins restèrent sans sucre durant une ou deux semaine”[103]. Zélenski parla d´un sabotage similaire mais à propos des cigarettes à Leningrad, du pain en Biélorussie et du sel dans tout le pays.

 

Le beurre qui déchira le cou et le ventre du peuple

 

Lorsque le procureur Vychinski posa une question directe sur le sabotage du beurre qui fut organisé par le bloc de la droite et les trotskistes, Zélenski nia d´abord en avoir eu connaissance. Mais comme beaucoup de questions lui étaient posées sur cette affaire, il finit par débiter toute l´histoire. L´organisation de la droite s´arrangeait pour faire fabriquer seulement de le beurre de qualité supérieure et cela de manière périodique et à des prix très élevés. Ce qui créa un grand mécontentement dans la population. Mais ce fut pire que cela. En effet, pour se rassurer de provoquer réellement la colère dans la population, l´organisation de la droite mélangeait les verres et les clous dans le beurre ”qui déchiraient la gorge et l’estomac du peuple”. Zélenski était responsable de ces sabotages et même du sabotage contre les oeufs. Selon Zélenski, la droite avait réussi ”en 1936, on laissa, par sabotage, se détériorer 50 wagons d’oeufs” et laisser Moscou sans oeufs. Le slogan était ”saboter par tous les moyens”[104].

 

 

Le parti travailliste anglais favorable au coup d´État

 

Imaginez que Zélenski était président de Centrosoyouz et que sa mission était de fournir les biens de consommation et d´autres bien de première nécessité à la population. Zélenski raconta aussi à la cour l´organisation ”immobiliser les marchandises en les répartissant d’une façon irrationnelle et inopportune. C’est ainsi, par exemple, qu’il y eut des cas où l’on expédia en hiver des marchandise d’été et en été, au contraire, des marchandises d’hiver”[105], par exemple, les bottines en feutre en été, et les souliers d´été en hiver.  Pour le reste, l´activité contre-révolutionnaire de Zélenski s´étendait au détournement de l´argent de la grande organisation qu´était Centrosojus et à l´utilisation des diverses directions régionales de l´organisation comme centres des activités contre-révolutionnaires secrètes. Zélenski utilisait aussi sa position de président de Centrosojus pour entretenir des contacts avec le parti travailliste anglais et solliciter de l´aide en vue de l´organisation du coup d´État en Union Soviétique. Le parti travailliste accueillit favorablement cette idée du coup État contre-révolutionnaire et offrit des crédits pour sa réalisation. 

 

Ivanov, Secrétaire adjoint du Comité régional du Parti au Caucase du Nord[106]

 

Les récits de Tchernov et Zélenski devant la cour constituent des crimes horribles contre le peuple travailleur de l´Union soviétique. Pour autant, ces crimes ne constituent qu´une petite partie de ceux commis par l´organisation dirigée par Boukharine et Rykov. Un autre accusé, Ivanov, deuxième secrétaire du parti en Caucase du Nord, détailla à l´intention de la cour la mission qu´il avait reçu de Boukharine, celle ”de commencer à préparer, à l’aide des organisations des droitiers, la défaite du pouvoir soviétique lors de l’intervention, lors de la guerre avec les États capitalistes fascistes” et dans ce sens, ”avec votre organisation de Parti, apporter toute l’aide possible au résident qui sera là-bas, de manière à satisfaire les besoins du service d’espionnage anglais”. Ivanov accomplit sa mission conformément aux instructions de Boukharine et découvrit que ”d’ailleurs, ces instructions provenant du service d’espionnage anglais coïncidaient entièrement avec les directives que je recevais du centre des droitiers”[107].

 

Selon Ivanov, Boukharine parlant des intérêts de l´Angleterre en Caucase du Nord, ”il disait que le centre des droitiers avait, avec ce pays, un accord d’assistance aux droitiers pour le renversement du pouvoir soviétique et le maintien du pouvoir usurpé par les droitiers”. ”Cet accord garantissait les intérêts des industriels anglais par les exploitations forestières du Territoire du Nord”. Selon Ivanov, Boukharine avait déclaré qu’il ”faut remettre les scieries en concession aux Anglais, et les nouvelles scieries qui ont été construites par le pouvoir soviétique, doivent être livrées au compte des dettes tsaristes”. Et que Boukharine ”considérait” depuis 1934, ”que dorénavant il fallait tout de même commencer réellement à nous acquitter… Il dit que nous devions donner des acomptes à la bourgeoisie anglaise, afin de ne pas perdre son appui, ni sa confiance”. Conformément à ses indications de Boukharine ”les mesures suivantes furent prises par l’intermédiaire de Rosengolz et de Lobov. Les bois de la plus haute qualité étaient vendus à des prix inférieurs. L’État soviétique a subi de ce fait un préjudice de quelques millions de roubles or”[108].

 

Terreur en Caucase du Nord

 

Ivanov raconta aussi à la cour qu´il avait reçu de la part de Boukharine la mission de créer un groupe de terreur en Caucase du Nord. Après la mort de Kirov, Boukharine avait dit à Ivanov que ”que les actes terroristes isolés ne donnent pas de résultats, qu’il fallait préparer des actes terroristes en masse et qu’alors seulement nous aurions des résultats. Sa ligne visait à supprimer les dirigeants du Parti”. Si cela ne marche pas avant l´imminente guerre contre l´Allemagne, ”nous le ferions alors pendant la guerre, ce qui jetterait un grand trouble, ruinerait la capacité de défense du pays et contribuerait considérablement à la défait du pouvoir soviétique dans la guerre contre les impérialistes”. Le groupe de terreur de Ivanov travaillait à partir de Arkhangelsk, ”de manière à couper les communications de cette ville avec les lignes centrales de notre pays, au moment de l’intervention, afin de faciliter aux Anglais la mainmise sur cette région forestière et ce port très important”[109].

 

Le groupe terroriste de Ivanov organisa aussi le sabotage contre la sylviculture en Caucase du Nord dans le but ”à faire échec au rèoutillage de l’économie forestière, à encrasser, à détériorer les mécanismes, à saboter le flottage du bois” de telle sorte que le manque du bois augmenta dans le pays. Bien plus, le groupe se chargea aussi ”à saboter le réoutillage des exploitations forestières, les grands travaux de construction et surtout l’industrie du papier et de la cellulose pour maintenir dans le pays la disette du papier et porter de la sorte un coup à la révolution culturelle, à saboter la fourniture du pays en cahiers et provoque ainsi le mécontentement des grandes masses”[110]. Mais Ivanov commença petit à petit à douter des possibilités de gagner cette guerre, ce qu´il fit savoir à Boukharine. ”Je dis à Boukharine que notre organisation se désagrège … que les masses elles-mêmes démasquent nos partisans, et je posais la question de savoir si, en raison de la situation qui s’était créer à l’intérieur du pays, il ne s’ensuit pas que nous faisons entièrement fiasco … Toute l’organisation vivait dans les transes, je dirais que toutes l’activité des droitiers était en somme à la veille d’être complètement démasquée”[111].

 

Boukharine s´exprime sur l´interrogatoire de Ivanov

 

La reconnaissance par Ivanov de ses crimes étaient en même temps une très sérieuse accusation contre Boukharine qui n’était assis loin de sa chaise dans la salle d´audiences du tribunal. Le procureur Vychinski se tourna vers Boukharine pendant l´interrogatoire de Ivanov et en profita pour lui poser des questions, pour qu´il puisse affirmer ou démentir les déclarations que Ivanov avait faites.

”Vychinski – L’accusé Ivanov a déclaré que vous lui avez proposé de crée au Caucase du Nord une organisation des droitiers ayant des tâches déterminées. Le confirmez-vous aussi ?

Boukharine – Il y a ici une confusion de dates.

Vychinski – Tout d’abor confirmez-vous le fait même ?

Boukharine – Je confirme que je lui ai donné des indications au sujet de la constitution d’une organisation.

Vychinski – Organisation conspirative ?

Boukharine – Conspirative, illégale, contre-révolutionnaire. Mais dans cette période l’acuité de la lutte contre le Parti et le pouvoir soviétique ne prenait pas les formes qui…

Vychinski – Ce qui m’intéresse c’est la déclaration de l’accusé Ivanov que la Cour a entendue. Il a dit : Boukharine m’a donné, c’est-à-dire à Ivanov, l’instruction de procéder dans le Caucase du Nord à la constitution d’une organisation conspirative de droitiers. Confirmez-vous cela? 

Boukharine – Je confirme cette partie.

Vychinski – Par conséquent, en 1928 vous êtes entré dans la voie de l’action clandestine illégale ?

Boukharine – C’était le moment d’une telle transition…

Vychinski – Je ne vous demande pas quand cela se passait, mais si le fait est exact, oui ou non ?

Boukharine – Je le confirme.

Vychinski – Avez-vous dit alors à Ivanov que le centre de l’organisation de droite fonctionnait déjà ?

Boukharine – Je l’ai dit.

Vychinski – Quelle était sa composition ?

Boukharine – Trois personnes : Tomski, Rykov et moi, Boukharine.

Vychinski – Avez-vous dit que ce centre préparait le renversement du pouvoir soviétique ?

Boukharine – Je l’ai dit, mais cela a trait à la période suivante.

Vychinski – Laquelle précisément ?

Boukharine – Je pense que cela se rapporte à peu près à 1932-1933.

Vychinski – Donc un peu plus tard, mais confirmez-vous avoir eu avec Ivanov un entretien de ce genre ?

Boukharine – Je le confirme. Je ne me souviens ni du jour, ni du mois, mais c’était l’orientation générale du centre des droitiers.

Vychinski – Et quand avez-vous posé la question des détachements insurrectionnels ?

Boukharine – Le passage aux mesures de violence se situe vers l’année 1932.

Vychinski – Ivanov déclare avoir appris de vous l’existence d’un bloc entre les trotskistes, les groupements de droitiers et les groupes nationalistes. Vous le confirmez ?

Boukharine – Cela, je le confirme.

Vychinski – Étiez-vous informé des pourparlers qu’Ivanov et les autres menaient avec les pays capitalistes ?

Boukharine – Oui, cela se rapporte à une période de beaucoup plus récent.

Vychinski – Par conséquent, ces déclarations d’Ivanov sur la liaison avec le service d’espionnage anglais…

Boukharine – En ce qui concerne le service d’espionnage et les plans, je n’étais pas du tout au courant.

Vychinski – Et de quoi étiez-vous au courant ?

Boukharine – J’avais initié Ivanov à l’orientation politique extérieure du centre des droitiers ; je lui disais que dans la lutte contre le pouvoir des Soviets, on pouvait utiliser la conjoncture de guerre et tous autres facteurs. En un mot j’étais tenu, comme un des dirigeants du centre des droitiers, de faire connaître notre attitude à l’un des dirigeants d’un centre de la périphérie. Quelle était cette attitude ? En bref, elle admettait dans la lutte contre le pouvoir des Soviets, la possibilité d’utiliser la conjoncture de guerre et telles ou telles concession aux États capitalistes afin de les neutraliser et, parfois, pour en obtenir une aide.

Vychinski – En d’autres termes, c’était s’orienter vers l’aide de certains États étrangers ?

Boukharine – Oui, on peut le formuler ainsi.

Vychinski – En d’autres termes, c’était s’orienter vers la défaite de l’U.R.S.S. ?

Boukharine – En somme, d’une façon générale, oui, je le répète”[112].

 

L´interrogatoire avec Boukharine

 

Voyons maintenant l´interrogatoire avec les trois principaux accusés: Boukharine, Rykov et Yagoda. D´abord Boukharine, le véritable leader idéologique du centre de droite qui, ensemble avec Rykov, décidait de l´organisation pratique. Des falsificateurs de l´histoire ont parfois prétendu que le procureur Vychinski était perdant dans la discussion avec Boukharine, que Boukharine avait d´une manière éclatante utilisé le tribunal pour propager ses idées politiques. C´est facile de faire tomber les gens dans un tel piège, étant donné que peu de gens connaissent les interrogatoires dont question ici. Documents à l´appui, jugez vous-mêmes. Laissez-nous continuer à citer des extraits des PV du procès:

 

”Vychinski – Formulez brièvement de quoi exactement vous vous reconnaissez coupable ?

Boukharine – Premièrement, d’avoir fait partie du « bloc des droitiers et des trotskistes » contre-révolutionnaire.

Vychinski – Quels étaient les buts visés par cette organisation contre-révolutionnaire ?

Boukharine – Elle se proposait comme but essentiel, à proprement parler, sans peut-être, pour ainsi dire, s’en rendre suffisamment compte, et sans mettre tous les points sur les « i », la restauration des rapports capitalistes en U.R.S.S.

Vychinski – Le renversement du pouvoir des Soviets ?

Boukharine – Le renversement du pouvoir des Soviets était le moyen d’atteinte ce but.

Vychinski – Par quelle voie ?

Boukharine – Comme on sait…

Vychinski – Par la voie d’un renversement violent ?

Boukharine – Oui, par la voie du renversement violent de ce pouvoir.

Vychinski – A l’aide de…

Boukharine – En utilisant toutes les difficultés qui se rencontrent dans le chemin du pouvoir des Soviets, et particulièrement utilisant la guerre dont les pronostics dressaient la perspective.

Vychinski – Dont les pronostics dressaient la perspective, avec l’aide de qui ?

Boukharine – Avec l’aide des États étrangers.

Vychinski – A quelles conditions ?

Boukharine – A des conditions qui, s’il faut parler concrètement, prévoyaient de nombreuses concessions.

Vychinski – Y compris…

Boukharine – Y compris des cessions de territoires.

Vychinski – C’est-à-dire ?

Boukharine – S’il faut mettre tous les points sur les « i », à la condition du démembrement de l’U.R.S.S.

Vychinski – Du détachement de l’U.R.S.S. de régions et de républiques entières ?

Boukharine – Oui.

Vychinski – Un exemple ?

Boukharine – De l’Ukraine, de la Province maritime, de la Biélorussie.

Vychinski – Au profit de qui ?

Boukharine – Au profit des États intéressés qui, géographiquement et politiquement…

Vychinski – Quels États exactement ?

Boukharine – Au profit de l’Allemagne, au profit du Japon et, partiellement, de l’Angleterre”[113].

 

Boukharine raconta aussi au cours du procès qu´il avait appris de Radek, au cours de l´été 1934, ”que des directives étaient parvenues de Trotski, que Trotski était en pourparlers avec les Allemands et qu’il leur avait déjà promis certaines concessions territoriales, entre autres l’Ukraine”[114]

 

Le meurtre de Kirov

 

Le procureur Vychinski aborda aussi la question des attentats contre des camarades leaders du parti.

 

”Vychinski – Le bloc  s’orientait-il vers l’organisation d’actes terroristes, vers l’assassinat de dirigeants du Parti et du Gouvernement soviétique ?

Boukharine – Oui, et je pense qu’il convient de dater cette organisation à peu près de l’automne de 1932.

Vychinski – Et quelle a été votre attitude envers l’assassinat de Serguéï Mironovitch Kirov ? Cet assassinat a été également accompli au su et sur les indications du « bloc des droitiers et des trotskistes » ?

Boukharine – Je n’en étais pas informé.

Vychinski – Je vous demande : cet assassinat a-t-il été accompli au su et sur les indications du « bloc des droitiers et  des trotskistes » ?

Boukharine – Et moi je répète que je n’en étais pas informé, citoyen Procureur.

Vychinski – Vous n’étiez pas informé spécialement à propos de l’assassinat de S. M. Kirov ?

Boukharine – Non pas spécialement, mais…

Vychinski – Permettez-moi d’interroger l’accusé Rykov ?

Le Président – Je vous en prie.

Vychinski – Accusé Rykov, que savez-vous de l’assassinat de Serguéï Mironovitch Kirov ?

Rykov – Je n’ai connaissance d’aucune participation des droitiers ni de la fraction de droite du bloc dans l’assassinat de Kirov.

Vychinski – Étiez-vous en liaison avec Énoukidzé ?

Rykov – Avec Énoukidzé ? Très peu.

Vychinski – Était-il membre du « bloc des droitiers et des trotskistes » ?

Rykov – Oui, depuis 1933.

Vychinski – Quelle partie représentait-il dans ce bloc ? La partie trotskiste ou la partie de droite, de quel côté penchait-il ?

Rykov – Je suppose qu’il représentait la partie de droite.

Vychinski – C’est bien, asseyez-vous, s’il vous plaît. Permettez-moi d’interroger l’accusé Yagoda. Accusé Yagoda, saviez-vous que Énoukidzé dont vient de parler à l’instant l’accusé Rykov, représentait la partie droite du bloc et avait un rapport direct avec l’organisation de l’assassinat de Serguéï Mironovitch Kirov ?

Yagoda – Rykov et Boukharine ne disent pas la vérité. Rykov et Énoukidzé ont pris part à la séance du centre où fut examinée la question de l’assassinat de S. M. Kirov.

Vychinski – Les droitiers avaient-ils un rapport quelconque à cet égard ?

Yagoda – Un rapport direct, puisque le bloc était celui des droitiers et des trotskistes.

Vychinski – Les accusés Rykov et Boukharine, notamment, avaient-ils un rapport avec cet assassinat ?

Yagoda – Un rapport direct.

Vychinski – Aviez-vous un rapport quelconque avec cet assassinat, en tant que membre du « bloc des droitiers et des trotskistes » ?

Yagoda – Oui.

Vychinski – Boukharine et Rykov disent-ils la vérité maintenant, quand ils prétendent avoir ignoré la chose ?

Yagoda – Cela ne peut pas être parce que, quand Énoukidzé m’a informé qu’ils avaient, c’est-à-dire que le « bloc des droitiers et des trotskistes » avaient décidé, en séance commune, d’accomplir en acte terroriste sur la personne de Kirov, j’ai protesté catégoriquement”[115].

 

Des contre-révolutionnaires amers

 

La dénonciation par Yagoda de Boukharine et de Rykov comme complices du meurtre de Kirov en décembre 1934 rencontra un silence total de la part de ceux-ci. Ils savaient que l´ex-chef de la police secrète, Yagoda, avait tous les détails entourant le meurtre de Kirov et ne voulaient pas continuer une discussion qui allait seulement démontrer leur grande complicité dans le meurtre.

Vychinski aborde par la suite la question de savoir pourquoi le bloc de la droite et des trotskistes avait mené cette lutte criminelle contre l´Union soviétique.

 

”Boukharine –  … je suis un accusé qui doit porter la responsabilité comme un criminel placé devant le tribunal du pays prolétarien. … La Cour et l’opinion publique de notre pays, de même que l’opinion publique des autres pays, pour autant qu’il s’agit de l’humanité progressive, peuvent juger comment les hommes en sont venu là, comment nous sommes tous devenus des contre-révolutionnaires acharnés, des traîtres à la patrie socialiste ; comment nous sommes devenus des espions, des terroristes, des restaurateurs du capitalisme, et quelles sont en définitive les idées, les plates-formes politiques du « bloc des droitiers et des trotskistes ». Nous avons trahi, nous avons commis des crimes, des trahisons. Mais au nom de quoi avons-nous fait tout cela ? Nous sommes devenus un détachement d’insurgés, nous avons organisé des groups terroristes, nous avons pratiqué le sabotage, nous voulions renverser la si vaillante direction de Staline, le pouvoir soviétique du proletariat. 

Vychinski – Dites-nous, accusé Boukharine, comment tout cela a pris  pratiquement chez vous la forme d’une activité antisoviétique ?

Boukharine – Si l’on veut formuler pratiquement ma plate-forme programme, ce sera en ce qui concerne l’économie : le capitalisme d’État, le moujik aisé, ménager de son bien, la réduction des kolkhoz, les concessions étrangères, l’abandon du monopole du commerce extérieur et, comme résultat, la restauration du capitalisme dans le pays.

Vychinski – A quoi se ramenaient vos buts ? Quel pronostic général donniez-vous ?

Boukharine – Notre pronostic se ramenait à ceci, que le pays donnerait fortement de la bande vers le capitalisme.

Vychinski – Et le résultat ?

Boukharine – Et le résultat a été tout autre.

Vychinski – Et le résultat a été la victoire complète du socialisme.

Boukharine – Oui, la victoire complète du socialisme.

Vychinski – Et la faillite complète du votre pronostic ?

Boukharine – Et la faillite complète de notre pronostic”[116].

 

Conspiration contre Lénine, Staline, et Sverdlov en 1918

 

Pendant l´interrogatoire de Boukharine, il eut de nouvelles accusations contre lui, accusations dont le procureur Vychinski déclara qu´elles ”rendaient les coupables responsables sinon même pas devant la Haute Cour qui doit respecter les règles relatives à la prescription des crimes, mais de toutes façons devant le tribunal de l´histoire lequel ne connait aucune prescription, aucune clémence”. Le cas concernait les événements de 1918, en relation avec l´accord avec l´Allemagne, à Brest, vers la fin de la première guerre mondiale.

 

Le procureur Vychinski souleva cette affaire lors de l´interrogatoire avec Boukharine et demanda à celui-ci s´il avait été partisan de l´emprisonnement de Lénine. Après hésitation, Boukharine répondit qu’ ”On avait parlé pour la première fois de l’arrêter pour 24 heures”. Vychinski continua:

 

”Vychinski – Je vous demande : aviez-vous en 1918 un plan d’arrestation du camarade Staline ?

Boukharine – Pas de Staline, il y avait un plan d’arrestation de Lénine, Staline et Sverdlov.

Vychinski – Et à propos de l’assassinat des camarades Staline, Lénine et Sverdlov ?

Boukharine – En aucun cas”[117].

 

Le procureur Vychinski demanda alors au tribunal d´appeler les témoins Iakovléva, Ossinski et Mantsev, trois anciens membres actifs dans la fraction de Boukharine d´alors (1918), les soi-disant communistes de gauche ainsi que Karelin, et Kamkov, deux anciens membres du Comité Central des socialistes-révolutinnaires de ”gauche”. Selon Vychinski, une conspiration avait été organisée en 1918 par ”les communistes de gauche” de Boukharine, les socialistes-révolutinnaires ”de gauche” et le groupe de Trotski pour empêcher la paix à Brest. Trotski qui était responsable des négociations avec les Allemands refusa de signer l´accord de paix et proclama la théorie du ”Ni guerre ni paix”. Ceci après une longue et terrible première guerre mondiale, lorsqu´une continuation de la guerre n´était pas possible, entre autre parce que l´armée tsariste était écrasée et que l´armée rouge n´existait pas.

 

Préparait le coup État

 

Le refus de Trotski de signer l´accord de paix amena les Allemands à continuer à avancer en Russie. Lénine réussit, au cours du débat au Comité Central, à isoler Trotstki et Boukharine et à amener le Comité Central à reconnaître l´accord de paix. Mais l´opposition ne voulait pas accepter cette décision et la politique de Lénine, elle préparait un coup État Le Comité Central savait que quelque chose se préparait pour lutter contre la proposition de Lénine mais n´avait ni le temps ni la tranquillité nécessaires pour essayer de comprendre les intrigues de l´opposition. Au cours des enquêtes sur la droite et le centre des trotskistes, toute l´histoire fut révélée au public. Vychinski choisit de soulever cette affaire pendant le procès malgré le fait que l´affaire avait été prescrite.

 

Tous les témoins racontèrent qu´un complot des groupes de Boukharine et de Trotski, ensemble avec la gauche -les socialistes-révolutionnaires, avait préparé l´emprisonnement de Lénine, Staline et Sverdlov ainsi qu´un changement du gouvernement. Bien plus, ces groupes s´étaient convenus  qu’ ”en cas d’aggravation ultérieure de la lutte il ne fallait pas même reculer devant leur suppression physique”[118]. En pointe du complot se trouvait Boukharine, son principal organisateur et inspirateur. Boukharine reconnut ceci devant le tribunal mais déclara qu´aucune décision sur ce qu´il fallait faire avec les détenus n´avait pas été prise. Nous reproduisons ci-après l´échange entre Vychinski et Boukharine sur la question de savoir qui les conspirateurs entendaient emprisonner.

 

Qui devrait être emprisonné?

 

”Boukharine – Lénine, Staline et Sverdlov.

Vychinski – Pour 24 heures également ?

Boukharine – On ne s’était pas servi de cette formule, à l’époque.

Vychinski – Et comment arrêter, pour quel but ?

Boukharine – Pour former un nouveau gouvernement.

Vychinski – Et que devait-on faire de ceux qui auraient été arrêtés ?

Boukharine – Il n’a pas été question de suppression physique.

Vychinski – Mais elle n’était pas exclue ?

Boukharine – Au contraire, tout le monde pensait qu’il fallait à tout prix assurer la sauvegarde de ces personnes.

Vychinski – Lorsqu’on renverse un gouvernement et qu’on le met en état d’arrestation, use-t-on de procédés violents ?

Boukharine – Oui.

Vychinski – Et vous vous proposiez d’user de procédés violents au moment de l’arrestation ? Est-ce exact ou non ?

Boukharine – C’est exact.

Vychinski – Mais en quoi consistent les procédés violents ? Avez-vous défini cela exactement ?

Boukharine – Non, nous ne l’avons pas défini.

Vychinski – Par conséquent, vous aviez décidé d’agir comme le permettraient et le commanderaient les circonstances ?

Boukharine – C’est parfaitement exact.

Vychinski – Mais les circonstances peuvent commander d’agir très énergiquement.

Boukharine – Oui, mais c’est que les « communistes de gauches » ne se plaçaient pas non plus au point de vue du fatalisme, ils tenaient compte des circonstances. Il ne s’ensuit pas que les circonstances leur dictent n’importe quoi.

Vychinski – Bornons-nous, pour le moment, à établir les faits indiscutables. Avant la paix de Brest-Litovsk il y eut un entretien en vue de l’arrestation de Vladimir Ilitch Lénine ; après la paix de Brest-Litovsk, il eut des pourparlers en vue de l’arrestation de Lénine, de Staline, de Sverdlov et du renversement violent du Gouvernement. Est-ce exact ?

Boukharine – C’est exact pour l’essentiel.

Vychinski – Et lorsqu’on parlait du renversement violent du pouvoir des Soviets et de l’arrestation des camarades Lénine, Staline et Sverdlov, il était question précisément des méthodes violentes, sans stipuler quelles seraient ces méthodes ?

Boukharine – C’est exact ; il était dit seulement qu’il fallait à tout prix assurer leur sauvegarde.

Vychinski – Témoin Iakovléva, que direz-vous à ce sujet ? Boukharine dit-il la vérité ?

Iakovléva – Je n’ai pas assisté à ses entretiens avec les socialistes-révolutinnaires « de gauche ».

Vychinski – Que vous a-t-il dit ?

Iakovléva – Il a dit que cette éventualité n’était pas exclue.

Vychinski – Qu’est-ce que c’est que cette éventualité ?

Iakovléva – Que l’éventualité de la suppression physique, c’est-à-dire de l’assassinat, n’était pas exclue”[119].

 

Le témoin Iakovléva, l´un des proches camarades de Boukharine en 1918 était assez sûr de l´évolution des événements et de tout ce qui avait été discuté.

 

L´interrogatoire de Rykov

 

Dans tout le centre de l´organisation de la droite qui était composé de Boukharine, Rykov,  et Tomski, Rykov était le principal organisateur des activités concrètes. Rykov commença sa conspiration secrète contre le gouvernement soviétique en 1928. Il recruta des fonctionnaires du parti de haut rang comme Yagoda, Antipov, Rasumov et Roumiantsev à l´organisation contre-révolutionnaire sans que ces derniers se déclarassent ouvertement partisans du parti de droite. Rykov révéla au tribunal comment lui et son meilleur ami Boukharine (qui était assis à ses côtés) étaient actifs dans l´organisation de la révolte des paysans propriétaires en Caucase et en Sibérie où ils envoyaient des saboteurs de la droite. Boukharine fut obligé de reconnaître tous ces faits au cours du procès. Aussi bien Rykov que Boukharine reconnurent qu´à partir de 1932, leur travail contre-révolutionnaire s´était transformé en travail de haute trahison. Selon Rykov, ”Les tendances au terrorisme avaient, que je sache, commencé à croire dès avant 1930” mais ”Vers l’année 1932, notre attitude se précisa en faveur de l’application de la terreur, comme méthode de lutte pour le pouvoir”, et ”ceci c’est également traduit dans la pratique”[120].  Et Rykov de poursuivre:

 

Une alliance avec les socialistes-révolutionnaires

 

”Rykov – Ces positions une fois adoptées, on arrêta aussitôt les mesures pratiques qui s’imposaient, c’est-à-dire qu’il se constitua un assez grand nombre de groupes terroristes. J’ai donné moi-même tout un ensemble de directives terroristes, non seulement à ceux qui m’étaient proches, comme Nestérov, Radine, mais à beaucoup d’autres. En outre, j’ai transmis ces directives à des organisations nationalistes pan-turke et biélorussienne. Bientôt les directives terroristes avec les conséquences qui en découlaient furent adoptées sur une vaste échelle. A part ces entretiens-là, j’en ai eu bien d’autres. Nestérov m’informa par la suite que dans l’Oural, à Sverdlovsk, une organisation avait été crée d’après mes indications.

Plus récemment encore, en 1935, j’eus un entretien sur le terrorisme avec Kotov, membre dirigeant de l’organisation des droitiers de Moscou. Vers 1934, j’ai chargé mon ancienne secrétaire Artémova de surveiller les automobiles gouvernementales.

Des mesures analogues furent prises aussi par les autres membres de notre organisation contre-révolutionnaire. Mais nous n’avons jamais de décision stipulant que tel ou tel membre du Gouvernement devait être assassiné. Le centre de l’organisation des droitiers n’a pas pris une telle décision, mais le travail consistait à déterminer une attitude envers le terrorisme et un état des cadres terroristes tels qu’au moment où le centre prendrait cette décision, celle-ci puisse être mise à exécution. Pendant la même période une liaison fut établie, dans la question du terrorisme, avec le socialiste-révolutionnaire Séminonov, par le truchement de Boukharine. Personnellement je ne connaissais pas Semionov. Boukharine déclara préparer par l’intermédiaire de Sémionov un attentat contre Staline”[121].

 

Le procureur Vychinski voulait obtenir une confirmation de cette déclaration de la part de Boukharine.

”Vychinski – Donc, en 1932, il a été question entre Semionov et vous qu’il fallait organiser en attentat contre le camarade Staline et le camarade Kaganovitch.

Boukharine – Je n’ai pas dit qu’il fallait, je dis ce qui était.

Vychinski – Je dis qu’en 1932 il a été question entre vous qu’il se préparait un attentat contre le camarade Staline et le camarade Kaganovitch.

Boukharine – Si l’on émet cette formule, la chose prend un caractère absolument concret.

Vychinski – Très concret.

Boukharine – Il était alors question d’actes terroristes contre les dirigeants du Parti.

Vychinski – Était-ce un entretien théorique ?

Boukharine – Non, l’organisation de groupes n’est pas un entretien théorique.

Vychinski – Quel était donc le sujet de l’entretien ?

Boukharine – On parla de plans terroristes visant à organiser les préparatifs de l’exécution de ce plan contre les membres du Bureau Politique ?

Vychinski – Y compris ?

Boukharine – Y compris contre Staline et Kaganovitch.

Vychinski – Mais cela est parfaitement concret.

Boukharine – Parfaitement. Je voulais déchiffrer et désire les choses telles qu’elles sont puisqu’elles correspondent exactement à la réalité.

Vychinski – Je demande à la Cour l’autorisation de donner lecture des déclarations de l’accusé Boukharine à l’instruction préalable.

Le Président – Je vous en prie.

Vychinski – Folios 105-106. Interrogé par le Procureur de l’U.R.S.S., vous avez déclaré, accusé Boukharine, le 1 :er décembre : « Je veux dire la vérité et je déclare, que cette proposition (il était question plus haut de la proposition de Semionov), a été exposée par moi à une séance du centre, et nous avons résolu de charger Semionov d’organiser des groupes terroristes. »

Boukharine – C’est cela.

Vychinski – C’est exact ?

Boukharine – C’est exact.

Vychinski – Cela se rapporte justement à l’année 1932 ?

Boukharine – Parfaitement.

Vychinski – Ainsi, en 1932, sur décision du centre des droitiers, vous avez chargé Semionov d’organiser un groupe terroriste. Est-ce bien cela ?

Boukharine – C’est cela.

Vychinski – Dans quel but l’avez-vous chargé d’organiser un groupe terroriste ?

Boukharine – Pour accomplir des actes terroristes.

Vychinski – Contre qui ?

Boukharine – Contre les membres du Bureau Politique.

Vychinski – Y compris ?

Boukharine – Y compris contre Staline”[122]

 

Rykov aborda aussi pendant l´interrogatoire la question de la collaboration avec les Nazis.

 

”Rykov – Des hommes qui persistent dans leur lutte contre-révolutionnaire, recourent aux mesures, aux procédés, aux alliés qui nous serviront dans la période consécutive à l’année 1933. J’entends les relations du « centre » avec les fascistes allemands. Il est naturel que dans cette question nous ayons cherché – que j’aie cherché moi-même – à atténuer un peu nos déclarations, car c’est là une bien vilaine chose. Nous avons présenté la question de façon à faire croire que nous n’avions préalablement discuté, au centre, de ces liaisons. Or voici ce qui est advenu, en réalité : l’initiative émanait de Tomski, Boukharine et moi, nous l’avions appris plus tard. Mais ce sont là des considérations de pure forme, parce que ni moi ni Boukharine nous n’avons pas hésité une minute sur la question de savoir si Tomski avait bien agi. S’il nous avait interrogés, nous aurions dit : il le faut”[123].

 

Le centre de contact

 

Une autre question très importante que le procureur discuta avec Rykov était de savoir qui faisaient partie du bloc de la conspiration, le soi-disant centre de contact.

”Vychinski – Ce bloc était composé, avez-vous dit, de droitiers. Qui encore en faisait partie ?

Rykov – Les droitiers, les trotskistes et les zinoviévistes”. 

Le procureur Vychinski veut avoir la question confirmée par l´accusé Krestinski.

”Vychinski – Accusé Krestinski, saviez-vous que les trotskistes faisaient partie du « bloc des droitiers et des trotskistes », dont il est question ici ?

Krestinski – Je savais par Piatakov, qui m’en avait parlé en février 1935, qu’une organisation s’était formée groupant les droitiers, les trotskistes et des militaires, et dont le but était de préparer un coup d’État militaire. Je savais aussi que le centre dirigeant était composé comme suit : du côté des droitiers, Rykov, Boukharine, Roudzoutak et Yagoda ; du côté des militaires, Toukhatchevski et Gemarnik ; du côté des trotskistes, Piatakov.

Vychinski – Vous-même, faisiez-vous partie de ce centre ?

Krestinski – En 1937, à la suite d’un certain nombre d’arrestations, faisaient partie de ce centre : Rosengolz et moi, du côté des trotskistes ; Roudzoutak et Yagoda, du côté des droitiers ; Toukhatchevski et Gemarnik, du côté des militaires”[124].

 

Une alliance avec Toukhatchevski

 

Dans la suite de l´interrogatoire, Rykov confirma l´alliance avec les militaires et raconta aussi que le groupe militaire de Toukhatchevski ”s’assignait pour but d’utiliser la guerre afin de renverser le Gouvernement” et ”à propos de l’ouverture du front” pour l´Allemagne et l´utilisation de la défaite pour prendre le pouvoir. Rykov raconta aussi que les plans avaient été discutés au sein du centre pour permettre la cession de la Biélorussie laquelle devrait être placée sous protectorat polonais.

 

Le procureur Vychinski se tourna vers Boukharine et posa la question de savoir quels militaires devaient ouvrir le front. Boukharine répondit: ”Toukhatchevski, Kork, si je ne me trompe, et puis des trotskistes”. A une question de Vychinski, Krestinski répondit que Toukhatchevski lui avait dit qu´il s´appuyait sur ”Yakir, Ouborevitch, Kork et Eideman”[125].

Pendant l´interrogatoire avec Rykov, le président de la cour Ulrich posa une question sur l´existence des provocateurs dans les organisations communistes. Rykov confirma qu´il était vrai que l´organisation de droite de Biélorussie, en collaboration avec l´état-major polonais, avait frauduleusement introduit des provocateurs dans les organisations communistes étrangères.

 

A chaque interrogatoire, on obtient une image de plus en plus claire de la trahison du pays que la droite était entrain d´organiser. Ils ne voulaient pas accepter une défaite politique et passèrent  du combat contre le socialisme à la contre-révolution. Rykov lui-même avait été une fois président du conseil des commissaires du peuple, donc premier ministre de l´Union Soviétique.

 

Yagoda et le meurtre de Maxim Gorki

 

L´interrogatoire de Yagoda, ancien chef de la police secrète OGPU, révéla des crimes terribles. Yagoda avait rejoint les organisations secrètes de Rykov et de Boukharine en 1928 par l´intermédiaire de Rykov avec qui il avait des relations amicales. Yagoda était alors chef adjoint de la police secrète OGPU (plus tard NKVD) et avait pour ainsi dire des possibilités extraordinairement bonnes pour protéger l´organisation de la droite de la découverte et de l´arrestation ainsi même que celles de nommer ses hommes aux postes de responsabilité. Ces possibilités avaient été sérieusement utilisées par Yagoda. Par son poste de chef de la garde du Kremlin, avec des troupes de commandement sous son commandement, Yagoda était devenu l´une des personnalités clés dans le coup d´État qui avait été planifié.

 

A l´instar des autres membres de l´organisation de droite, Yagoda reconnut qu´il avait planifié et réalisé le sabotage, l´espionnage et les attentats pour renverser le gouvernement de l´Union Soviétique et réinstaurer le capitalisme. Yagoda reconnut aussi qu´il avait même volé des grosses sommes d´argent qu´il avait remises à Trotski et qu´il avait été complice du meurtre de Kirov. Ce qui différencie le cas de Yagoda des autres est le genre d´attentats et de meurtres qui furent commis sous sa direction. Yagoda utilisait son pouvoir pour obliger certains docteurs et d´autres personnes, à travers des menaces et des pressions, à poser des actes criminels et à tuer Maxim Gorki, son fils Maxim Pechkov, le membre du Bureau politique Kuibyshev et son propre chef, le président de OGPU, Menjinski. Les médecins qui avaient commis le meurtre de Lénine, le médecin de famille de Gorki, Plétnev, le conseiller médical de Lévin; Kazakov, le médecin de famille de Menjinski; et Vinogradov, un autre complice de Lévine, déjà mort de causes naturelles avant le début du procès. Tous les autres complices de ces meurtres étaient le secrétaire de Yagoda, Boulanov, le secrétaire de Gorki, Krioutchkov, et le secrétaire de Kuibyshev, Maximov.   

 

Trotski contre Gorki

  

A l´origine, la menace contre Gorki vint de Trotski. Gorki prit une position très forte contre Trotski qu´il classait comme un politicien aventurier. Trotski n´avait aucune possibilité de gagner la sympathie de Gorki pour la lutte contre le gouvernement soviétique. Gorki soutenait énergiquement la construction socialiste et avait des relations amicales avec Staline.  Personne ne pouvait changer cette situation même si plusieurs traîtres avaient par le passé été proches de Gorki et cherchaient à gagner sa sympathie. Zinoviev et Kamenev et même Tomski avaient tenté de le faire. Gorki était une menace contre la contre-révolution. Il avait de très bons contacts parmi les intellectuels dans beaucoup de pays en Europe et en cas de coup État, il aurait usé de toute son autorité pour condamner les contre-révolutionnaires. C´est pourquoi le centre de la droite et des trotskistes décidèrent de tuer Gorki. C´était une exigence de Trotski.

 

Krioutchkov, le secrétaire de Gorki, raconta à l´audience que Yagoda avait reçu mission de tuer le fils de Gorki, Maxim Pechkov pour déstabiliser Gorki et faire de lui ”un vieillard sans valeur”. Yagoda attira Krjutjov avec la possibilité de faire de lui l´héritier des biens de Gorki. C´était la première phase. Krjutjov entraîna Pechkov à l´ivrognerie permanente avec des vins qu´il recevait de Yagoda. Un organisme faible laissa bientôt place à la maladie. Ce qui donna la possibilité aux médecins Lévine et Vinogradov d´examiner Pechkov et de prescrire des médicaments qui aggravèrent sa maladie et qui finalement causèrent sa mort en mai 1934. Gorki fut très touché mais il continua à être actif dans la défense de la révolution et du socialisme. La mission suivante de Krioutchkov était de déstabiliser la santé de Gorki de telle sorte que les médecins aient la chance de lui prescrire des médicaments.

 

Maxim Gorki avait une turbeculose chronique depuis l´enfance. La directive suivante que Yagoda confia à Krioutchkov fut de se rassurer que Gorki soit enrhumé. Après plusieurs tentatives infructueuses, une possibilité de faire tomber Gorki malade se présenta. Sur directive de Yagoda, Krioutchkov amena Gorki alors en vacances à Tesseli au Kremlin, à retourner, sous une ville de Moscou pluvieuse et froide, à sa maison où la veuve de Pechkov habitait avec la fille de son fils. La petite de Gorki était très fortement enrhumée et Gorki qui était très amoureux de sa petite-fille contacta vite le rhume. Gorki tomba malade le 31 mai 1936.  Ainsi se présentait la possibilité tant attendue par les médecins Lévine et Plétnev de passer à l´action. Un mauvais traitement de Gorki fit que la maladie s´aggrava jusqu´à devenir une inflammation pulmonaire. Les médecins, pleins de regret, témoignèrent à l´audience sur le traitement qu´ils avaient donné à Trotski, lequel traitement était destiné à le tuer. Ce qu´ils réussirent à faire quelques semaines après qu´il fut tombé malade.  Gorki mourut le 18 juin 1936.

 

Plusieurs meurtres

 

Maxim Gorki et son fils Maxim Pechkov n´étaient pas les seules victimes de la conspiration de Yagoda, Boukharine et Rykov avec l´aide des médecins. Même le membre du Bureau politique Kuibyshev et le président de OGPU, Menjinski tombèrent victimes de cette conspiration. Le centre de la droite voulait à travers Yagoda, tuer autant de dirigeants du Comité Central que possible pour entraîner précipiter le manque des cadres et ainsi causer du désordre. Le cas de Menjinski importe de signaler. En effet, sa mort joua un grand rôle dans la promotion de Yagoda, qui avait plus de chance de lui succéder, comme chef de OGPU. Menjinski qui souffrait du coeur, mourut des médicaments lesquels avaient eu une influence préjudiciable sur le fonctionnement de son coeur. Il mourut un jour avant la mort du fils de Gorki Pechkov le 10 mai 1934. Ce traitement avait été organisé par Lévine et Kazakov.

 

Le meurtre du membre du Bureau politique Kuibyshev avait été organisé par les médecins Lévine et Plétnev ainsi que le secrétaire de Kuibyshev, Maximov. La maladie du coeur de Kuibyshev fut ignorée de manière intentionnelle. Les médecins lui donnèrent de faux médicaments. Maximov eut la mission ”dans le cas où la maladie s’aggraverait ou qu’il y aurait des crises, il ne faudrait pas se précipiter pour appeler le médecin ; en cas de besoin, on ne ferait venir que les médecins qui le soignaient”[126], les docteurs Lévine et Plétnev. Un jour qu´il se trouvait à son bureau, Kuibyshev se sentit mal à l´aise et devint pale. Maximov comprit que le moment était venu. Il renonça à appeler les médecins et Kuibyshev fut obligé de marcher seul jusque à sa maison, en montant même les escaliers y conduisant. La conséquence de cet événement fut qu´il mourut d´une crise cardiaque un petit moment après son arrivée à la maison. Le membre du Bureau politique Kuibyshev était parmi les plus importantes personnalités qui se trouvaient derrière le premier et le deuxième plan quinquennal. Il était, ensemble avec Molotov, l´un des conférenciers à la 17è conférence du parti de SUKP(b) de 1932 laquelle faite des conclusions sur le premier plan quinquennal et déposa une proposition pour le deuxième.

 

Le procès de trahison Boukharine-Rykov.

Résumé.

 

Tous les accusés du procès de trahison Boukharine-Rykov reconnurent leurs actes devant le tribunal et racontèrent comment tout avait été convenu et exécuté. C´est des milliers et des milliers des faits qui présentés au cours du procès où les 21 accusés avaient la liberté totale de se défendre et de nier leur culpabilité. Il arriva de fois que lorsque de nouveaux éléments sur le déroulement des événements furent produits à l´audience, que l´un des accusés se sentant lésé par les personnages principaux de la conspiration, se leva pour protester. Au cours de la plaidoirie de Boukharine, vers la fin du procès, lorsque ce dernier nia avoir été au même niveau que Rykov ”l’un des plus grands organisateurs de l’espionnage”, Boukharine fut interrompu par Charangovitch. Celui-ci déclara à cet effet: ”Finissez doc de mentir au moins une fois dans votre vie. Cette fois encore, vous mentez devant la Cour”[127].

 

Un procureur exemplaire

 

Le procureur général de l´Union soviétique, Vychinski, a été, pendant des dizaines d´années soumis à des campagnes sales dans les médias bourgeois, campagnes sans précédent lorsqu´il s´agit des affirmations mensongères. Tous les falsificateurs de l´histoire, de l´agent de police secrète Conquest à ses correspondant suédois, se sont consacrés aux fantasmes sauvages à propos du rôle de Vychinski et de son comportement au cours du procès. Mais la vérité est toute autre. C´est facile de s´en rendre compte lorsqu´on lit les PV du procès. Les fortes preuves présentées par Vychinski ne laissèrent aucune possibilité aux accusés de raconter autre chose que la vérité. C´est cela qui rend les falsificateurs de l´histoire totalement fous. Il était très engagé dans le procès; connaisseur de chaque détail, il n´avait rien laissé de côté. Il avait rendu les choses difficiles pour les accusés les obligeant à ne pas éviter de raconter ce en quoi ils étaient impliqués et à révéler tous les détails. Vychinski a eu une attitude correcte vis-à-vis des accusés pendant tout le procès. Il avait accompli sa mission de procureur d´une manière exemplaire tirant aussi des conclusions correctes sur les récits des accusés. Il termina sa plaidoirie par cette formule connue qui a été plusieurs fois falsifiée dans la presse bourgeoise: ”Notre pays tout entier, jeunes et vieux, attend et réclame une seule chose : que les traîtres et les espions qui vendaient notre patrie à l’ennemi, soient fusillés comme des chiens galeux ! ”[128].

 

Le tribunal condamna 18 accusés à la peine la plus sévère – exécution et confiscation de tous leurs biens personnels (Boukharine, Rykov, Yagoda, Krestinski, Rosengolz, Ivanov, Tchernov, Grinko, Zélenski, Ikramov, Khodjaev, Maximov-Dikovski et Krioutchkov). Les trois restants furent condamnés à la prison, à la perte de leurs droits civils pendant cinq ans après la fin de leurs peines de prison ainsi qu´à la confiscation de tous leurs avoirs personnels. (Plétnev 25 ans, Rakovski 20 ans, et Bessonov 15 ans).

 

Les traîtres russes sont les héros des capitalistes

 

Après avoir lu les procès-verbaux du procès, il est facile de comprendre que ceci était la seule issue véritable de ce procès contre les traîtres, les espions et les meurtriers. Une partie des écrivains contestent la peine de mort parce que 18 accusés y ont été condamnés. La peine de mort est aujourd´hui indésirable dans la société humaine. Mais elle était, il y a 60 ans la pleine la plus ordinaire qu´on appliquait contre la haute trahison dans le monde entier. Toutefois, la peine de mort n´est pas la question que les falsificateurs de l´histoire posent réellement, ce n´est qu´un prétexte pour condamner les procès des années 1930.

 

Le point d´interrogation que les critiques de l´Union Soviétique soulèvent réellement est que le procès aurait été une farce, que l´affaire même du procès n´était que de parvenir à éliminer l´opposition contre le gouvernement, une opposition qui, selon les critiques, était un ensemble de penseurs, de philosophes, de poètes et de bienfaiteurs de l´humanité, etc.

 

C´est ainsi que Ahlmark, Skotte et Englund écrivent dans leurs livres et leurs journaux. Mais les héros de ces falsificateurs de l´histoire constituent un groupe de criminels de la pire catégorie qui avaient conclu une alliance avec l´Allemagne nazie et le Japon fasciste pour renverser le pouvoir État en Union Soviétique. Ce sont les alliés des nazis et des fascistes que Ahlmark, Skotte et Englund ont fait leurs héros et veulent avoir comme modèles pour les enfants dans l´école suédoise. Ce sont des assassins qui ont tué Maxim Gorki et Kirov, des gens de même calibre que ceux qui ont tué Olof Palme. Ce sont des gens qui ont saboté les ravitaillements du pays en papier dans le but de stopper la révolution culturelle et rendre impossible les livraisons des livres scolaires aux enfants. Ce sont des saboteurs qui faisaient exploser les usines, les mines et les trains sans hésiter de tuer des centaines de travailleurs, des gens qui ont mis des glaces et des clous dans le beurre qui déchira les cous et les ventres de la population, qui firent répandre la peste qui tua les chevaux et les animaux en milliers. Ce sont les traîtres russes et les collaborateurs des Nazis qui sont les modèles des médias et les héros de la droite suédoise.

 

L´ambassadeur de Suède à Moscou parle de l´affaire Boukharine-Rykov

 

L´attitude bienveillante et d´adoration que les bourgeois d´aujourd´hui montrent aux accusés de Moscou en mars1938 n´a rien de pareil dans les rapports de l´ambassade suédoise de Moscou adressa au ministère suédois des affaires étrangères. Nous ne devons pas oublier que le ministère suédois des affaires étrangères et les ambassades ont toujours été peuplés des gens de droite, des gens provenant du meilleur groupe de la bourgeoisie suédoise. Les agents de l´ambassade communiquèrent, dans une lettre, adressée au ministère des affaires étrangères que les condamnés à mort étaient réellement impliqués dans une conspiration destinée à renverser le gouvernement soviétique et à prendre le pouvoir.

 

”Légation de Suède

Ce que le procès trotskiste récent a démontré.

Moscou le 30 mars 1938

Confidentiel   

 

À Son Excellence M. le Ministre des Affaires étrangères

 

On ne devrait jamais savoir dans quelle mesure les accusés du procès récemment clôturé contre ”le bloc de la droite et des trotskistes” se sont déclarés coupables des faits qui leur avaient été reprochés. Si la vérité est avant toute chose au monde difficile à se faire entendre, cela concerne au plus haut point la Russie, où l´objectivité a toujours été une nouvelle rare et, dans le cas où elle existé, elle a toujours été piétinée.  Au cours de la discussion sur les faits, qui continue au sein des milieux étrangers de la place, on voit en même temps que dans le chef de certains, une opinion allant dans une direction bien déterminée s´est déjà dégagée. Après avoir, avec surprise et scepticisme, pris connaissance des accusations contre les 21 vétérans révolutionnaires, on doit reconnaître, que ces accusations, malgré les absurdités et les erreurs matérielles à plusieurs points de vue, contiennent un noyau non essentiel de la vérité, de telle sorte que ces condamnés, animés d´une forte volonté de pouvoir, à la première occasion, supprimer la clique au pouvoir, avaient pris des mesures  préparatoires en vue de la réalisation de leurs objectifs”[129].

 

Les rapports de l´ambassade de l´époque ont donné une autre image de la société soviétique et cela même si la situation générale de cette société après les procès de Moscou, et cela malgré  le fait que ces procès sont, dans des articles grossièrement mensongers, considérés comme ayant un entraîné le chaos avec des millions et des millions des exclus et des condamnés à mort.

 

”Légation de Suède

Concerne l´épuration terroriste

Moscou, le 14 juillet 1938

Confidentiel.

Son Excellence

Monsieur Sandler, Ministre des Affaires étrangères

 

Il existe peut-être une relation avec la forte température d´été que les récits sensationnels provenant de l´Union Soviétique en premier lieu concernant la terreur, naturellement, aient en ce moment commencé à se répandre dans les colonnes des journaux étrangers à l’extérieur de la Russie.  Il y a sans nul doute maintenant, comme il a presque toujours existé pendant les vingt dernières années, plus de données concrètes qu´on a besoin pour faire des récits remarquables sur ce pays, mais c´est assez sûr que de tels récits auraient une autre forme s´ils étaient présentés de manière réaliste et sans des ornementations dune fantaisie étrangère et tendancieuse. Le message donné par la presse étrangère à partir d´ici consiste en principe à ce qu´à une petite affaire on imprime une dose de sensation journalistique dont les principaux ingrédients sont dans la plupart des cas l´incompréhension et une mouvante fantaisie, en plus d´une toute aussi forte dose d´idéologie politique de la part de celui qui convoite l´Union soviétique”[130].

 

Après avoir parcouru quelques ”exemples éclairants” et parlé des personnes ”indésirables” et des personnes ”à capacités assez moyennes” ou celles qui ne ”valent pas la peine” ou le commissaire du peuple corrompu  qui ”fut transporté du commissariat à la prison”, le rapporteur de l´ambassade passe aux causes des purges. Selon le rapporteur, les ennemis du régime sont démissionné (”en réalité très peu des gens”), mais en plus grande partie sont renvoyé ceux qui se sont fait remarqués pour abus de pouvoir, négligence ou incompétence et se sont montrés de qualité inférieur et nuisibles. Le gouvernement soviétique voulait avoir un rajeunissement de l´administration, avec les gens provenant des classes travailleuses, ce qui fut en fait et le rapporteur de l´ambassade affirme ”que ce qui arrive en ce moment en réalité, ne peut et ne devrait être considéré comme un signe de la décomposition et de l´écroulement, mais doit plutôt être caractérisé comme un signe d´une consolidation sociopolitique”.

 

Qu´il nous soit permis d´ajouter que ceci était très important. Avec l´invasion de l´Autruche, la guerre était déjà en cours, et les Nazis allaient envahir l´Union soviétique. Dans cette situation, le gouvernement devait pouvoir se fier complètement aux administrations civiles, les structures militaires et les infrastructures économiques. Le rapport de l´ambassade poursuit:

 

”Mais ce qu´il y a de significatif dans ceci, si l´on peut ainsi dire la terreur épidémique en Union Soviétique, se trouve, comme on a eu l´occasion de le rappeler à maintes reprises auparavant, non pas dans des quelques chutes isolés de hautes responsabilités, lesquelles pour être sûres, tout naturellement offrent pour un observateur étranger, un spectacle plus choquant mais sont en réalité, relativement peu en nombre et représentatif principalement pour le moindre groupe social touché par la terreur. L´important se trouve depuis tout début de 1935, dans l’épuration massive de temps en temps changeante en force, dans toutes les branches: civiles, militaires, économiques etc. et dans toutes les couches sociales. Cette procédure d´épuration inédite concerne à la fois l´élimination  des opposants du régime actuel auxquels un très petit groupe en nombre dans la plupart des cas se placent juste les plus haut placés et pour cette raison, les victimes les plus profondément touchées, et l´épuration aussi large que possible de tous ces éléments qui soit par négligence, et par abus de pouvoir, ou par incompétence, se sont montrés faibles et nuisibles.  Cette procédure violente est conduite par une un souci conscient d´un renouvellement social d´un côté et par un rajeunissement de toute l´administration de l´autre, un souci d´introduire, de la manière la plus large possible, un personnel provenant des classes sociales qui ont essentiellement porté la révolution et qui peuvent, maintenant, raisonnablement exiger de jouir des retombées du nouvel ordre. Ceci veut dire, en premier lieu, que l´on devrait s´évertuer spécialement à recruter ceux qui, si l´on peut dire, dans des situations bien précises de l´Union Soviétique, sont éduqué et formé, les jeunes générations des travailleurs et des paysans, lesquels après des années d´études supérieures de différentes sortes, sont maintenant jetés dans la vie courante et exigent d´avoir de la place au soleil et de pouvoir agir ...  Il est important, il me semble, même pour des raisons pratiques, de faire remarquer et même de retenir, parce que ceci montre que ce qui se passe ici dans la réalité actuellement ne peut et ne doit être considéré comme un signe de décomposition et décadence, mais doit au contraire être caractérisé comme un signe de consolidation sociopolitique, laisser tomber nos points de vue sûrement hautement singuliers. Et ils sont singuliers par la cause naturelle que les conditions existantes dans ce pays -historiques, ethnographiques, géographiques etc. -sont vraiment singulières”[131].

 

L´ambassadeur Joseph Davies parle du procès Boukharine-Rykov

 

Celui qui assista au procès tous les jours était l´ambassadeur des États-Unis Joseph Davies. Il assista à tout le procès pour le compte de son gouvernement et fit rapport sur les circonstances entourant les accusés et la crédibilité du procès.  Nous citons Joseph Davies sur base de son livre ”Comme ambassadeur des États-Unis à Moscou.”[132]. La première citation est extraite de sa lettre du 8 mars 1938, lettre adressée à sa fille Emlen  qui se trouvait alors aux États-Unis mais qui avait vécu à Moscou.

 

”Pendant la dernière semaine, j´ai été chaque jour au procès de trahison de Boukharine. Tu as sûrement lu cela dans les journaux. C ´est une histoire terrible. Elle m´a intéressé de manière purement intellectuelle en réactualisant encore une fois les vieux problèmes liés à la crédibilité des témoignages et les difficultés de distinguer ce qui est sans valeur de ce qui est plein de valeur – la vérité des mensonges – lesquels se sont présentés plusieurs fois lors des procès que j´avais moi-même eu à conduire.

 

Toutes les faiblesses de base et les défauts existant dans la nature humaine – l´égoïsme dans sa pire forme – se révèlent au grand jour pendant le procès. Ils ont révélé les principaux éléments d´un complot qui était  très près de réussir le renversement de ce gouvernement.

 

Les témoignages clarifient ce qui était arrivé au printemps et en été passés et que nous ne pouvions pas alors comprendre. Tu te rappelles que les gens sont venues à l´ambassade parler d´un mouvement étrange autour du Kremlin: les portes furent fermées au public et la montée de la garde fut modifiée. Souviens-toi qu´il avait été dit que la nouvelle garde n´était composée que des soldats de Géorgie, le pays d´origine de Staline.

 

Les témoignages sensationnels qui sont donnés par Krestinski, Boukharine et les autres semblent indiquer qu´un complot existait au début du mois de novembre 1936, destiné à mettre en exécution, au mois de mai de l´année suivante, un coup d´État sous la direction de Toukhatchevski. Il ne suffisait que de peu pour qua sa réussisse.

 

Mais le gouvernement est intervenu rapidement et énergiquement. Des généraux de l´armée rouge furent exécutés et tout le parti fut soumis à une épuration en profondeur. Il fut alors découvert qu´une partie des responsables étaient impliqués et partageaient le plan de renverser le gouvernement et collaboraient effectivement avec l´espionnage allemand et japonais”[133].

 

Lettre au secrétaire d´État des États-Unis

 

Voici comment écrit un avocat originaire de l´ouest sur le procès de Boukharine. Citons maintenant dune dépêche confidentielle de l´ambassadeur Davies au secrétaire État des États-Unis.

 

”Dépêche numéro 1039

Moscou, le 17 de mars de 1938

Au secrétaire État des États-Unis

Confidentielle

 

…Malgré les réserves que l´on peut avoir à l´égard d´une pratique qui accepte les aveux comme mode de preuve et laisse les accusés pratiquement sans protection, je suis donc après plusieurs jours d´observation des accusés, leurs façons de se comporter, les confirmations inconscientes que leurs récits laissent entrevoir et d´autres détails d´intérêt juridique, parvenu à la conclusion que les accusés sont très convaincus, qu´ils se sont rendus coupables des crimes contre la loi soviétique, qu´ils doivent pour, cette raison, être condamnés aux peines prévues par la loi. Les diplomates qui ont de manière régulière assisté aux audiences ont en général la compréhension que le procureur a démontré qu´une forte opposition politique et un complot inattendument sérieux, ont existé; ce qui, pour ces diplomates, explique plusieurs points jusque-là obscurs au cours de l´évolution de la dernière moitié de l´année en Union Soviétique. La seule différence de vues concerne le point de savoir dans quelle mesure, les différents accusés sont impliqués et quel été le degré de centralisation du complot”[134].  

 

Les Nazis occupent l´Europe

 

L´ambassadeur Joseph Davies comprit le sens des crimes des accusés, crimes dont les conséquences pouvaient devenir horriblement dramatiques. Les nazis marchaient en fait sur l´Europe et en plein déroulement du procès du 11 mars 1938, l´Allemagne nazie occupa l´Autruche. Ce serait bientôt le tour de la Tchécoslovaquie et de la Pologne et puis toute l´Europe. Et en Union Soviétique que l´Allemagne nazie avait promis au monde capitaliste de détruire, qui était l´objectif principal des nazis, il existait un groupe d´officiers qui collaboraient avec les nazis pour tuer le gouvernement en place, dépiècera le pays et le diviser entre eux et l´Allemagne nazie!

 

L´action du gouvernement soviétique et celle de Staline arrêta cette catastrophe en devenir pour l´Union Soviétique socialiste et pour les peuples slaves. Les menaces d´extermination de Hitler sur les peuples slaves n´était pas que de la vantardise.  Imaginez que pendant trois ans de guerre et l´occupation de l´Ukraine, de la Biélorussie et d´autres territoires de l´ouest de l´Union Soviétique, les nazis ont tué 25 millions de personnes! L´épuration des traîtres était vitale pour la survie de l´Union Soviétique et déterminante pour la victoire du pays dans la deuxième guerre mondiale.

 

À la longue, il était déterminant d´éliminer le nazisme pour donner au monde la possibilité de jouir de la liberté que nous avons aujourd´hui. Si les nazis avaient conquis l´Union soviétique, ils allaient prendre le monde entier. Mais ce ne sont pas seulement nous les communistes qui comprenons cela et le déclarons ouvertement. Même les bourgeois honnêtes se mettent, dans ce cas, du même côté de la barricade que nous.

 

Les procès de trahison écrasèrent la 5è colonne de Hitler en Russie

 

Laissez-nous une fois de plus reprendre une citation tiré du livre de l´ambassadeur Joseph Davies, ” Comme ambassadeur des États-Unis à Moscou”. Il discute les actes de ”la cinquième colonne” en Union Soviétique. La 5è colonne est l´appellation donnée aux traîtres qui rendent service à l´ennemi extérieur. Le terme 5è colonne vient de l´attaque des fascistes contre Madrid pendant la guerre civile espagnole. Les fascistes arrivèrent en 4 colonnes et proclamèrent qu´ils avaient une 5è colonne à l´intérieur de Madrid laquelle devait attaquer les défenseurs de la ville de dos. Écoutons ce que l´ambassadeur Davies écrit de  ”5è colonnes” en Union Soviétique. Remarquez que ce chapitre du livre ” Comme ambassadeur des États-Unis à Moscou” fut écrit pendant l´été 1941 mais a été inséré dans le livre après la dépêche confidentielle adressée au secrétaire État américain le 17 mars 1938. L´ambassadeur Davies explique pourquoi: ”Ceci est écrit après l´attaque allemande sur la Russie en été 1941 mais est inséré à cet endroit ce qui est plus logique pour montrer comment les procès de trahison écrasèrent la 5è colonne de Hitler en Russie”.

 

Ambassadeur Davies:

”La cinquième colonne en Russie -Une étude après réflexion.[135]

       

Comme de retour de la promotion de juin dans ma vielle université je traversai Chicago, on me demanda de faire un discours pour le club de l´université et la Compagnie de Wisconsin. C´était trois jours après l´attaque de Hitler contre la Russie. Du public quelqu´un me demanda: ”Quelle est la situation des cinquièmes colonnes en Russie?” Sans réfléchir, je répondis: ”Il n´en y a pas. Ils ont été exécutés”.

 

En train, sur mon chemin de retour, je ne pouvais pas me débarrasser de cette pensée. C´était clair  qu´à l´occasion de cette dernière invasion nazie, rien n´a été dit sur un quelconque ”travail interne” derrière les lignes russes en collaboration avec le commandement militaire allemand. La prise de Prague par Hitler en 1939 fut accompagnée par l´aide militaire active des organisations Henlein tchécoslovaques. La même se passa lors de l´invasion de la Norvège. Il n´y avait pas de henleins allemands de Sudète, pas de tisos slovaques, pas de grelles belges et pas de quislings norvégiens dans le contexte russe soviétique.

 

Lorsque je pensais à tout ceci, je me rendit compte que les événements qui avaient eu lieu en Russie pendant que j´étais là-bas, avaient peut-être une signification à laquelle je n´avais pas pensé avant. Au retour à Washington, je me précipitais pour lire mes vieux carnets journaliers à nouveau et avec l´autorisation du département État je parcourus certaines de mes dépêches officielles.

 

Personne d´entre nous qui étions en Russie entre 1937 et 1938 ne pensait aux activités d´une quelconque ”cinquième colonne”. Ce terme n´était pas d´actualité. C´est récemment que nous utilisons dans notre vocabulaire de telles expressions sur la technique nazie, comme ”cinquième colonne” et ”agression intérieure”.

 

Les plus renseignés d´entre nous suspectaient plus généralement que de telles méthodes pouvaient parvenir à être utilisées du côté de Hitler, mais c´était l´une des choses qui selon la plupart, n´allait jamais avoir lieu. C´est seulement au cours de ces dernières années que par l´intermédiaire du comité de Dies et la FBI, les activités des organisations allemandes dans l´Amérique du Nord et celle du Sud ont été révélées et que nous avons vu les agents allemands en activité en Norvège, en Tchécoslovaquie et en Autruche en collaboration avec des traîtres qui, de l´intérieur, avaient donné de l´appui aux attaques planifiées de Hitler.

 

Cette activité et ces méthodes existaient en Russie depuis 1935 comme une composante dans les plans allemands contre l´Union soviétique. Hitler tint son célèbre discours de Nuremberg en 1936, discours où il révèle clairement ses intentions contre l´Ukraine.

 

Il semble maintenant comme si le gouvernement soviétique déjà à cette époque-là, était complètement conscient des plans militaires et politiques de la direction allemande et du travail ”interne” qui était entrain d´être réalisé en Russie en prévision de l´attaque allemande.

 

Lorsque j´examinais ces questions, je vus subitement l´image claire devant moi, aussi claire que je devais déjà l´avoir vue à cette époque. L´histoire avait indiqué dans ce qu´on appela les procès de trahison et d´épuration auxquels j´avais participé et où j´avais été entendu en 1937 et 1938. Lorsqu´à partir de ce nouveau point de vue je parcourus les PV de ces procès et les notes que j´avais prises, je trouvai que j´avais toutes les formules que la cinquième colonne allemande travaille avec et qui, comme nous le savons maintenant, avaient été révélées à travers les aveux et les récits des ces traîtres russes pleins de regret.

 

C´était clair que l´Union Soviétique seule croyait que cette activité existait, qu´il était sérieusement devenu inquiétant et qu´il entendait l´écraser littéralement. Lorsque l´attaque allemande vint en 1941, toutes les cinquièmes colonnes que les Allemands avaient organisées étaient décimées.

Un autre détail indescriptible à cette époque, mais qui maintenant, après les événements qui sont intervenus, parait sous un autre jour est l´action du gouvernement soviétique contre les consulats allemand et italien en 1937 et 1938. Cette action eut lieu sans considération aucune et avec une indifférence brutale pour les sentiments des pays concernés. La raison avancée par le gouvernement soviétique était que ces consulats organisaient des activités politiques secrètes et qu´ils devaient pour cette raison être fermés. Dans le communiqué sur les procès et les exécutions (les purges) de toutes parts dans le pays, on condamnait les accusés pour activités secrètes de trahison, destinées  à aider ”une puissance étrangère” à renverser État soviétique”.

 

L´ambassadeur Joseph Davies poursuit ensuite son récit en parcourant certaines questions juridiques touchant aux procès et conclut le chapitre par ces mots:

 

”Par ces témoignages, le général Toukhatchevski et nombreux autres officiers de l´armée et de la marine de haut rang, furent compromis, et ils furent arrêtés quelques instants après la perquisition de Boukharine et accusés pour avoir, sous la direction de Toukhatchevski, accepté de collaborer avec le commandement allemand en cas de guerre contre État soviétique. Plusieurs cas d´activités souterraines au sein de l´armée furent révélés à travers les témoignages. Selon ceux-ci, la plupart des officiers de haut rang avaient soit été corrompus, soit d´une autre manière été amenés à participer à la conspiration. Une collaboration totale avait, selon les témoignages, été obtenue dans toutes les branches de la défense et les organisations politiques avec les commandements japonais et allemands.

 

Telle était l´histoire qui fut déroulée, racontée, au cours du procès. Il n´existe aucun doute  sur le fait que les révélations et les aveux des accusés avaient une influence profonde sur les concernés du Kremlin. Par son intervention rapide et sérieuse, le gouvernement montra qu´il y croyait. Le gouvernement prit soin de cette affaire avec la plus grande énergie et la plus grande précision. Le chef d´État-major de l´armée rouge, Vorochilov déclara: ”c´est plus facile pour un voleur de s´introduire dans le lieu de crimes s´il a des complices qui lui ouvrent la porte. Nous avons pris soin de ces complices.”

 

Le général Toukhatchevski ne participa pas aux cérémonies d´intronisation à Londres. On rapporta qu´il avait reçu un commandement dans le district de Volga, mais on apprit qu´il fut arrêté en train avant son arrivée à destination. Quelques semaines après, le 11 juin, il fut ensemble, avec 11 autres officiers du commandement exécutés après le tribunal de guerre organisé à portes fermées. Toutes ces perquisitions, ces purges et liquidations qui paraissaient si brutales et contraires aux valeurs de l´époque, étaient manifestement un coup de l´action décisive et forte du gouvernement de Staline de se protéger contre une révolution de l´intérieur, mais aussi contre une attaque venant de l´extérieur. Le gouvernement avait donc pris au sérieux sa cause et nettoya le pays des tous les éléments traîtres. Concernant les cas dans lesquels il persistait des doutes, on condamna au lieu de libérer.   

 

Il n´existait aucun membre de la cinquième colonne en Russie en 1941 – ils avaient été exécutés. L´épuration avait épargné la trahison au pays”.

 

Le récit de l´ambassadeur Davies est aujourd´hui plus important que jamais. Il soulève la question des purges et des procès de trahison de manière claire. Mais il soulève aussi d´autres questions  jamais traitées par les écrivassiers de l´histoire bourgeois. Une question importante dans cette perspective est de savoir comment est-ce qu´il était, après tout, possible pour les nazis, de vaincre, dans cinq semaines, la grande puissance militaire qu´était la France et qui en plus avait une armée anglaise à ses côtés! La trahison de la classe bourgeoise française contre son pays et d´autres questions de cette époque, liées aux deux guerres mondiales, est des questions qui exigent une explication.

 

Les traîtres et la menace contre l´Union soviétique

 

Ceux qui lisent les quotidiens ordinaires des années 1930 peuvent facilement voir comment la menace contre l´Union Soviétique augmentait de jour en jour. La menace vint de l´Allemagne nazie mais aussi des autres pays capitalistes de l´Occident, dont la France et la Grande Bretagne. Ça continua ainsi  pendant toute la décennie 1930. Lorsque les nazis envahirent la Pologne en septembre 1939, la France et la Grande Bretagne déclarèrent la guerre à l´Allemagne mais elles ne prirent aucune activité guerrière ou ne cherchèrent à sauver la Pologne. C´était ce qu´on appela ”la guerre ridicule”. La véritable guerre entre la France, la Grande Bretagne et l´Allemagne nazie commença neuf mois plus tard avec l´invasion de la France par les nazis en juin 1940.

 

Mais pendant la période allant de septembre 1939 à juin 1940, la France et la Grande Bretagne ne demeurèrent pas silencieux. La politique antisoviétique était une activité quotidienne dans ces pays. En France, on avait mis sur pied une légion ukrainienne avec les transfuges de l´Union Soviétique, et les unités nationales de combat des caucasiens existaient dans l´armée du général français Weygand. Lorsque la Finlande entra en guerre contre l´Union Soviétique en décembre 1939, la France et la Grande Bretagne se mirent du côté de la Finlande. La Grande Bretagne envoya à la Finlande 144 avions de guerre, 114 canons lourds et des centaines de milliers de grenades et de bombes aériennes. La France envoya 179 avions de combat, 472 canons, 5.100 mitrailleuses et environs un million de grenades de toutes sortes. Ensemble, ces deux pays firent des plans pour envoyer une armée de 150.000 hommes combattre aux côtés de la Finlande contre l´Union Soviétique.

 

Les gouvernements de la France et de la Grande Bretagne voulaient montrer à l´Allemagne nazie qu´ils étaient ”à leurs milieux naturels”. La menace massive contre l´Union Soviétique était manifeste pendant toute la décennie 1930. Partout dans l´Europe capitaliste, les gouvernements préparaient leur opinion pour une guerre contre l´Union Soviétique. En Union Soviétique, cette menace avait été considérée comme réelle. La direction soviétique était obligée de constater que le pays sombrerait si on ne réussissait pas à unir tout le monde au travail pour un développement rapide de la société et pour les préparatifs de défense nécessaires lesquels engagea une grande partie de la production. Dans un climat social aussi exigeant, le gouvernement soviétique découvrit que les pays qui menaçaient l´Union Soviétique de guerre et d´extermination avaient leurs mercenaires dans le pays, et des contacts qui s´étendaient jusqu´au niveau le plus élevé du parti et de État.

 

Dans cette situation très tendue, quand tous étaient obligés de travailler très sérieusement pour la survie de l´Union Soviétique, il y eut ceux qui, au lieu de cela, aidaient l´ennemi avec information et sabotage sur la production et la défense. Le gouvernement soviétique s´en prit durement contre les traîtres et tous les cercles dans lesquels, à travers toute l´Union Soviétique, ces traîtres avaient des relations ou qu´ils fréquentaient. Beaucoup furent condamnés à la prison ou à la peine de mort. ”Dans des cas douteux, on condamnait au lieu de libérer”, écrivit Davies. Il est regrettable que des innocents aient été préjudiciés. Mais dans les conditions de l´époque, il n´y avait pas moyen de faire autrement. L´invasion nazie et la guerre d´extermination contre l´Union Soviétique s´approchaient à grands pas. Avoir encore, au sein des administrations et de l´appareil de État des gens qui prêts à collaborer avec les intrus nazis et qui étaient opposés à État socialiste, était égal au suicide.  Le gouvernement soviétique réussit avec détermination, à sauver le pays – et le monde – de la barbarie nazie et à exterminer le nazisme. Comment l´histoire aurait-elle jugé le gouvernement soviétique si l´Union Soviétique avait perdu et que les nazis avaient pris le contrôle du monde?

 

Quelques conclusions

 

Rentrons au début  de cette brochure, au livre de Fainsod, Smolensk Under Soviet Rule, de 1958. Faits à l´appui, nous pouvons maintenant constater que le livre de Fainsod est fortement trompeur, c´est en réalité une falsification des événements historiques. Que ce livre ait formé des générations d´intellectuels et permis à l´agent de police secret de basse classe, Robert Conquest, de paraître comme une autorité sur la matière ”Union Soviétique” est pire.  Le livre Origins of the Great Purges, de Arch Getty montre clairement que l´affirmation de Fainsod selon laquelle la vague de purges planifiées de 1930 laquelle serait devenue de plus en plus grande, n´existait simplement pas. L´affirmation de Fainsod selon laquelle le Comité Central  avait mis en marche une vague de terreur lors du changement des cartes du parti de 1936, n´a elle aussi, aucun fondement dans la réalité. Les procès que Fainsod qualifie de farces pour exterminer toute opposition contre Staline, apparaissent comme des procès judiciaires contre les traîtres qui avaient entrepris une collaboration avec l´Allemagne nazie.

 

En réalité, le mouvement politique de cette décennie 1930 était, en Union soviétique, une remise en cause radicale du pouvoir des bureaucrates dans le parti et dans la société.  Tout n´était pas bien et sans faute, mais c´était un combat nécessaire si l´Union Soviétique devait développer la production socialiste et survivre à l´invasion nazie. Citons les mots de la fin du livre du professeur Arch Getty, Origins of the Great Purges.

 

”L´administration de la preuve indique que le temps de Ejov (1937-Ejovsjtjinan) – ceci représente ce que la plupart considèrent comme les grandes purges – doit être redéfinie. Elle n´était pas la suite de l´élimination des dissidents par une bureaucratie insouciante et une extermination totale des vieux révolutionnaires radicaux. Ça peut avoir été exactement le contraire. Dire que les grandes purges étaient une réaction radicale et même hystérique contre la bureaucratie n´est pas inconciliable avec les preuves. Les fonctionnaires qui s´étaient barricadés dans leurs fonctions furent épurés d´en haut et d´en bas dans une vague chaotique consistant dans la volonté de changement et le puritanisme révolutionnaire”[136].

 

Conclusion

 

L´ambassadeur Joseph Davies a peu des gens de sa valeur dans la société libérale d´aujourd´hui. Un verre d´agrandissement de la grandeur d´un télescope est nécessaire lorsqu´on cherche aujourd´hui un intellectuel bourgeois honnête. Les mass médias bourgeois sont dominés par des imbéciles comme Skotte, Ahlmark, Englund et d´autres amoureux de l´argent et des ”écrivains” sans scrupules qui peuplent les universités du pays, les colonnes politiques des journaux ainsi que les soi-disant fondations qui doivent enquêter sur les crimes du communisme. Les intellectuels bourgeois rappellent aujourd´hui plus un assemblage de nains spirituels qui, avec une carte en plastique dans la main, sont prêts à écouter volontairement la voix du chef de ménage. Les intellectuels honnêtes qui existent pourtant, ont difficile à dénoncer les menteurs et à les désigner comme falsificateurs de l´histoire qu´ils sont. Un peu plus de courage et du courage civil pourrait donner au public une autre compréhension du débat et amener celui-ci à un niveau respectable. Bien plus, l´obéissance passive des intellectuels aux ”forces du marché” constitue un fardeau sur les travailleurs du pays. La libération de l´abrutissement et de l´exploitation pose des exigences sur la lutte contre les marionnettes intellectuelles de la bourgeoisie. La connaissance historique est importante pour comprendre notre époque et pour détruire les mensonges de la bourgeoisie. Dans la société d´aujourd´hui, il n´y a, à quelques exceptions près, que les communistes qui veulent rendre la connaissance sur l´histoire aux travailleurs. Nous ne décevons pas concernant ce devoir.

 

Mário Sousa

2001

mario.sousa@telia.com



[1] Rapportes pressente au XVIe, XVIIe et XVIIIe Congres du Parti sur l’activité du Comite Central du Parti Communiste (bolchevik) de l’U.R.S.S.

[2] Hitler, Mein Kampf, Hurst and Blackett, London 1939, Reprinted CPA Book Publisher, p. 360.

[3] Arch Getty and Oleg V. Naumov – The Road to Terror, Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, p. 25

[4] Arch Getty and Oleg V. Naumov – The Road to Terror, Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, p. 27

[5] Arch Getty and Oleg V. Naumov – The Road to Terror, Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, p. 327

[6] Arch Getty – Origins of the Great Purges. The Soviet Communist Party Reconsidered, 1933-1938. Cambridge University Press 1985, p. 3

[7] Ibidem, p. 3

[8] Merle Fainsod –  Smolensk under Soviet rule. London, Macmillan & Co. 1959. Page 222

[9] Getty – op.cit., p. 6

[10] Lenin, Eighth All-Russia Conference of R.C.P. (B), December 2-4, 1919. Political Report of the Central Committee. Collected Works, Volume 30, p. 186.

 

[11] Arch Getty – Origins of the Great Purges. The Soviet Communist Party Reconsidered, 1933-1938, p. 46

[12] Ibidem, p. 47

[13] Ibidem, p. 46

[14] Mario Sousa : Les mensonges sur l’histoire de l’Union Soviétique – D’Hitler à Hearst, de Conquest à Soljenitsyne.

[15] Peter Englund, Moderna Tider, Fevrier 1994, p. 26; Brev från nollpunkten, 1996 p. 72

[16] Robert Conquest – The Great Terror. Stalin’s Purge of the Thirties. (Commentaire sur les sources).  (Tradution du suédoise, Den stora terror, Stockholm 1971, p. 495)

 

[17] Getty: Origins of the Great Purges, p. 54

[18] Getty: Origins of the Great Purges, p. 59

[19] Getty: Origins of the Great Purges, p. 61

[20] Ibidem, p. 63

 

[21] Getty: Origins of the Great Purges, p. 69

[22] Getty: Origins of the Great Purges, p. 83

[23] Getty: Origins of the Great Purges, p. 85

[24] Getty: Origins of the Great Purges, p. 89

[25] Getty: Origins of the Great Purges, p. 89

[26] Peter Englund – Brev från nollpunkten, p. 66, 67

[27] Stalin – Rapport présenté au XIV Congrès du P.C.(b) de l’U.R.S.S (18 decembre 1925)

[28] Histoire du Parti Communiste (bolchevik) de l’URSS.

[29] Staline – Rapport au 17e congrès du P.C.(b) de l’U.R.S.S. Les Questions du Léninisme. Tirana, 1970. Page 606.

[30] DKP et la lutte contre le fascisme 1928-1935. International Communiste 1935.

[31] Nordisk Familjebod 1933, p. 944

[32] Le Procès du Centre Trotski-Zinoviev. 19-24 Août, 1936. Tradution du suédois.« Sanningen om processen mot De sammansvurna terroristerna i Moskva. Arbetarkultur, Stockholm 1936 », p. 13

[33] Le Procès du Centre Trotski-Zinoviev. 19-24 Août, 1936. Tradution du suédois.« Sanningen om processen mot De sammansvurna terroristerna i Moskva. Arbetarkultur, Stockholm 1936 », p 42

[34] Ibidem, p. 127

[35] Ibidem, p. 78

[36] D. N. Pritt – The Zinoviev Trial, London 1936. Tradution du suédois. Sinovjev och Kamenjev inför Folkets Domstol, Stockholm, Arbetarkultur 1937.

 

[37] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[38] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[39] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 22.

[40] Ibidem, p. 24.

[41] Ibidem, p. 27

[42] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 28

[43] John D. Littlepage – In Search of Soviet Gold, George G. Harrap & CO. LTD, London 1939, p. 274

[44] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 49, 50.

[45] Ibedem, p. 53

[46] Ibidem, p. 56

[47] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 56

[48] Ibidem, p. 59

[49] Ibidem, p. 60

[50] Ibidem, p. 61, 62

[51] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 68

[52] Ibidem, p. 66

[53] Ibidem, p. 70

[54] Ibidem, p. 73

[55] Le Procès du Centre Antisoviétique Trotskiste 23 – 30 janvier 1937, p. 603

[56] Joseph E. Davies – Mission to Moscow, New York 1941. Comme ambassadeur des États-Unis à Moscou

[57] Joseph E. Davies – Mission to Moscow, New York 1941, p. 645

[58] Ibidem, p. 43

[59] Robert Conquest – The Great Terror, Stalin’s Purge of the Thirties. New York 1968. Page 156, 157

[60] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[61] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[62] J. Arch Getty and Oleg V. Naumov - The Road to Terror, Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, 1932-1939. Yale University Press, 1999.

[63] Arch Getty – The Road to Terror, p. 323, 324

[64] Arch Getty – The Road to Terror, p. 586

[65] Stalin –  Défauts du travail du Parti et mesures à prendre pour liquider les gens à double face, trotskistes et autres, Brochure, L’Homme, le capital le plus précieux, Editions sociales, 1952, text non complet. Page 61.

[66] Ibidem, p. 64

[67] Stalin –  Défauts du travail du Parti et mesures à prendre pour liquider les gens à double face, trotskistes et autres, Brochure, L’Homme, le capital le plus précieux, Editions sociales, 1952, text non complet. Page p. 65, 66

[68] Stalin – Defects in party work and measures for liquidating trotskyites and other double-dealears, Report and Speech in Reply to Debate of the Plenum of the Central Committee of the C.P.S.U.(B), March 3, 1937. Selected Works, Tirana 1979, p. 431

[69] Ibidem, p. 431

[70] Stalin – Defects in party work and measures for liquidating trotskyites and other double-dealears, p. 440

[71] Ibidem, p. 443

[72] Ibidem, p. 444

[73] Ibidem, p. 446

[74] Stalin – Defects in party work and measures for liquidating trotskyites and other double-dealears, 448

[75] Ibidem, p. 452

[76] Ibidem, p. 452

[77] Ibidem, p. 454

[78] Ibidem, p. 455

[79] Arch Getty – Origins of the Great Purges. The Soviet Communist Party Reconsidered, 1933-1938. Cambridge University Press 1985, p. 151

[80] Ibidem, p. 151

[81] Joseph E. Davies – Mission to Moscow, New York 1941. Page 152

[82] Arch Getty – Origins of the Great Purges, page 169

[83] Arch Getty – Origins of the Great Purges, p. 176

[84] Ibidem, p. 176

[85] Ibidem, p. 175

[86] Arch Getty – Origins of the Great Purges, p. 177

[87] Peter Englund. Moderna Tider, February 1994, page 22; Brev från nollpunkten, 1996, page 73

[88] Arch Getty – Origins of the Great Purges, p. 175

[89] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique. (du 2 au 13 mars 1938). Publié par Le Commissariat du Peuple de la Justice de l’U.R.S.S. Moscou 1938.

 

[90] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 113

[91] Ibidem, p. 94

[92] Ibidem, p. 97

[93] Ibidem, p. 104

[94] Ibidem, p. 100

[95] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 114

[96] Ibidem, p. 108,109

[97] Ibidem, p. 19,110

[98] Ibidem, p. 110

[99] Ibidem, p. 110

[100] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 343

[101] Ibidem, p. 346

[102] Ibidem, . 348

[103] Ibidem, p. 348

[104] Ibidem, p. 351, 352, 353

[105] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 354

[106] Ibidem, p. 126

[107] Ibidem, p. 130, 131

[108] Ibidem, p. 131, 132

[109] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 132, 133

[110] Ibidem, p. 133

[111] Ibidem, p.135, 136

[112] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes antisoviétique », p. 137

[113] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 394

[114] Ibidem, p. 458

[115] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes antisoviétique », p. 398

[116] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 404, 406, 407

[117] Ibidem, p. 402

[118] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 470

[119] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 479, 480

[120] Ibidem, p. 182

[121] Ibidem, p. 182, 183

[122] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 185, 186

[123] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 191, 192

[124] Ibidem, p. 194, 198, 199

[125] Ibidem, p. 200, 201, 202, 211

[126] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 649, 650

[127] Ibidem, p. 817

[128] Le procès du « Bloc des droitiers et des trotskistes » antisoviétique, p. 739

[129] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[130] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[131] Correspondense de l’ambassade de Suède à Moscou. Riksarkivet, Stockholm.

[132] Joseph E. Davies, Mission to Moscow. Simon and Schuster, New York 1941.

[133] Joseph E. Davies, Mission to Moscow. Simon and Schuster, New York 1941. Page 269

[134] Joseph E. Davies, Mission to Moscow. Simon and Schuster, New York 1941. Page 271

[135] Joseph E. Davies, Mission to Moscow. Simon and Schuster, New York 1941. Page 272-280

[136] Arch Getty – Origins of the Great Purges, p. 206

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